Des cycles de violence ponctuent le quotidien des habitants dans l'Est de la RDC depuis plusieurs décennies. Parmi les groupes actifs, on compte les combattants d’Allied Democratic Forces(ADF), accusés par l’ONU d’avoir tué des milliers de civils à Beni et une partie de la province de l’Ituri depuis sept ans. L'une des conséquences directes de ces violations des droits de l'homme est le départ des populations. Parmi les rares personnes qui restent on compte des agronomes qui luttent contre la famine. Carine Kitonda en fait partie.
Imperméable, casque et bottes enfilées, Carine Kitonda, agronome de profession prépare sa moto pour aller sur le terrain. Via une piste poussiéreuse d’une trentaine de kilomètres à l’ouest de la ville de Beni, elle se rend à Makeke où elle encadre les agriculteurs. Pour parvenir à destination, elle doit passer par des zones à risques où les ADF attaquent souvent la population.
« Si je conduis à vive allure c’est parce que nous sommes dans une zone peu sécurisée», explique la jeune femme.
A Makeke, elle encadre aussi les femmes paysannes qui cultivent les épinards. En 2021, alors qu'elle était en pleine session d'apprentissage avec les agricultrices, les champs ont été attaqués. Carine Kitonda s'en souvient comme si c'était hier.
"Nous étions dans ce champ, je leur apprenais comment semer les épinards. Soudain, j'ai entendu des coups de feu. Je me suis enfuie en prenant la direction contraire à l'endroit par où ces ADF étaient arrivés" explique l'agronome.
Dans cette zone où l'insécurité règne, le courage de Mme Kitonda est apprécié par les apprenants. L'une d'entre elles, Clémence Keito confirme la présence régulière de l'enseignante malgré les risques encourus.
« Je connais Carine depuis le village de Lukaya, c’est elle qui nous apprend comment cultiver le riz, les aubergines, le maïs et bien d’autres cultures. Bien que nous vivions dans un milieu insécurisé, elle vient pour nous rendre visite et vérifier si nous mettons en pratique les conseils qu’elle nous donne concernant l’agriculture».
Carine Kitonda fait mettre en place toute une série de mesures pour s'assurer qu'il n'y a pas de risque quand elle se rend sur le terrain. Grâce à l'aide de ses employés au sein de l'ONG Mavuno ( moisson en français), sa sécurité est quasi garantie.
« Nous avons toute une série de mesures de sécurité. Par exemple, les femmes doivent appeler les chefs ou les responsables communautaires du secteur pour savoir si elles peuvent se déplacer aux champs. Nous faisons de notre mieux pour toujours rester en contact avec elles ».
L’insécurité dans cette partie de la RDC a poussé des milliers d’agriculteurs à abandonner leurs champs ce qui les exposent à la famine. Mayangose, qui était le grenier de la ville de Beni n’est plus fréquentable suite aux violences des rebelles ougandais ADF.
Pour rassurer les agriculteurs, la Monusco a construit un campement à l’armée congolaise dans le village voisin de Kididiwe, ancien bastion des combattants ADF.
Yassin Kombi