Du retour du Chef de l’Etat à Kinshasa à la hausse des prix des denrées alimentaires, en passant par la rentrée parlementaire, les scandales impliquant les hommes d’églises, la semaine qui s’achève a été riche en termes d'actualité. Carine Kanku passe au peigne fin ces faits marquants.
Bonjour Madame Carine Kanku et merci de nous accorder de votre temps. L'année dernière vous nous avez fait l'honneur de commenter l'actualité. Depuis, y-a-t-il des nouveautés au niveau de vos activités?
Carine Kanku : Je suis toujours défenseure des droits des femmes, coach et consultante en genre et en développement personnel, mais aussi experte en gestion des ressources humaines. Je coordonne la Dynamique nationale des femmes candidates de la RDC (DYNAFEC).
La semaine qui s’achève a été notamment marquée par la rentrée parlementaire. Parmi les défis de la session de mars, il y a les réformes électorales. Quelles sont vos attentes à ce sujet ?
Carine Kanku : c’est une session très attendue. La RDC est signataire des traités et accords internationaux qui promeuvent la participation paritaire dans les instances de prise de décisions, nous demandons que l'on renforce les mesures de sanctions pour décourager la corruption de l'électorat et veiller sur la bonne communication dans les médias en sanctionnant les messages qui dévient. Nous tenons à ce que le cadre légal puisse être le premier instrument qui accorde à tous les candidats de se lancer dans le processus électoral sur le même pied d'égalité, c'est la bible pour les élections.
En ce qui concerne la représentativité des femmes et des jeunes, le président de l’Assemblée nationale a rassuré la population de la prise en compte des revendications et de l'engagement de cette chambre. En tant que défenseur des droits des femmes, quels sont les éléments qui devraient être changés selon vous ?
Carine Kanku : ce sujet nous tient à cœur. La prise en compte du genre dans les réformes électorales va permettre une participation accrue des femmes au processus électoral. Nous espérons que cette session comme le président Mbosso l'a dit dans son mot d'ouverture ne va pas décevoir les femmes. Nous en appelons à l'implication et la participation de tous les députés pour répondre à l'esprit de l'article 14 de la constitution dans notre prochaine loi électorale. Car l’article 13 de celle-ci n'est pas conforme à l'article 14 de la constitution qui consacre la parité. Il va falloir y introduire la contrainte de rejet de la liste qui viole cette disposition juridique. Aussi, nous demandons sans refuser la parité, que de manière progressive l’on introduise un quota contraignant pour les femmes sur les listes des candidats aux élections.
Au cours de cette semaine également, des drames se sont produits au Lualaba, à Kinshasa et au Kwilu. Le déraillement d'un train avec plus de 70 morts, un dépôt de carburant a pris feu et trois députés provinciaux ont été emportés par les eaux du lac Maï-Ndombe. Pensez-vous que ces faits auraient pu être évités ? Comment ?
Carine Kanku : les accidents ne sont pas une fatalité, on peut travailler pour les réduire, prendre des mesures fermes auxquelles tout le monde est appelé à se soumettre et en cas des violations, sanctionner sévèrement pour rompre ce cycle de tout est permis, quand on prend des mesures pour sécuriser la population, il faut périodiquement faire le suivi et évaluer pour avancer.
Le Chef de l'Etat est revenu au pays après des soins de santé en Belgique. Que pensez-vous de la manière dont les responsables de la communication à la présidence ont géré cette information ?
Carine Kanku : nous souhaitons prompt rétablissement au chef de l'état qui du reste est le champion de la masculinité positive et notre premier partenaire pour la participation accrue des femmes au processus électoral et dans les instances de prise des décisions. Il est humain et peut tomber malade comme tout le monde. Le service de communication face à tout ce qui peut toucher l'institution présidence est appelée à parler d'une même voix et le travail de coordination doit être respecté, la concertation avant de communiquer entre toutes les parties prenantes liées à la communication et surtout anticiper.
En sécurité, cette semaine, trois infirmiers ont été enlevés par des miliciens à Fizi au Sud-Kivu. Leurs collègues menacent ainsi de grever et exigent l'implication des autorités pour leur libération. Quelles sont vos attentes auprès des autorités sécuritaires?
Carine Kanku : pour le grand Kivu, nous encourageons nos autorités à travailler sans relâche pour que cette partie de notre pays recouvre une paix totale, aussi nous les encourageons à travailler avec les pays dans la sous-région, sans oublier l'implication des communautés. Je compatis et prie pour la libération des trois infirmiers avec l'implication de notre état et des communautés.
Des scandales impliquant des hommes d'église ont été révélés cette semaine sur les réseaux sociaux. Que pensez-vous de ces événements ?
Carine Kanku : nous condamnons fermement ces scandales et appelons à ce que les dirigeants de différentes confessions religieuses se mettent ensemble pour réfléchir sur comment encadrer tous ceux qui se lèvent pour servir Dieu. J'encourage le mentorat et le coaching des jeunes pasteurs qui ont des dons mais dont les fruits de l'esprit font défaut. C’est un travail qui nécessite de la persévérance et l'encadrement par un modèle spirituel exemplaire. Aussi, qu'il y ait une déontologie à respecter par les hommes de Dieu, ce n'est pas seulement l'apanage des églises de réveil, un homme de Dieu doit faire preuve d'exemplarité et de probité morale élevée. Il faut les soumettre à un profil type. J'appelle tous les dirigeants des confessions religieuses à ne pas regarder ces scandales comme l'affaire des églises de réveil mais en tant que gardiennes des valeurs spirituelles, qu'elles se mettent ensemble pour réfléchir à un cadre qui peut jouer le rôle de régulateur pour encadrer les comportements des hommes de Dieu, de renforcement des capacités et partage de bonnes pratiques, selon le respect dû à la doctrine et à la foi d'une autre confession. Comment encadrer les jeunes serviteurs qui sont humains et qui traversent toutes les étapes liées à leur développement.
À Goma (Nord-Kivu) et Bukavu (Sud-Kivu), les prix des denrées alimentaires et produits vivriers ont augmenté sur le marché. Quelles recommandations pourriez-vous faire aux autorités économiques ?
Carine Kanku : avant d'être défenseuse des droits des femmes et des enfants, je suis une mère, épouse et cette partie de la gestion alimentaire, dans beaucoup des familles, c'est la femme qui le fait mieux. Cette réalité se vit également à Kinshasa. Le panier de la ménagère souffre, le pouvoir économique est faible, le plus grand lot du budget de la famille est tourné vers les besoins primaires et parfois au-dessus de ce budget. Les familles congolaises arrêtent plusieurs stratégies pour satisfaire leurs besoins élémentaires et cela a des répercussions sur la santé. Nous appelons l'Etat congolais à faire de l'amélioration des conditions socio-économiques de la population une priorité.
Dans l'actualité internationale, la guerre se poursuit entre la Russie et l'Ukraine. La semaine dernière, une femme enceinte est décédée, avec son enfant, après le bombardement d'une maternité où elle devait accoucher. Quelles sont vos propositions pour la sécurité des femmes et des enfants dans cette région du monde ?
Carine Kanku : Nous encourageons les parties à la résolution des conflits par des voies pacifiques. On peut déclencher une guerre mais l’on ne sait pas exactement à quel moment on la termine. C'est la population qui paye le prix fort. Les femmes et les enfants en souffrent doublement. Que toutes les organisations qui travaillent pour la paix dans le monde s'impliquent pour ramener la Russie à la table des négociations pour la recherche de la paix afin que les ukrainiens puissent vaquer librement et pacifiquement à leurs occupations.
Un dernier mot ?
Carine Kanku : je souhaite que nos autorités répondent de manière concrète à ce testament légué par Étienne Tshisekedi wa Mulumba, un modèle politique pour moi, « Le peuple d'abord ». Que nos autorités à chaque niveau se considèrent comme des serviteurs du peuple, que l'on sorte de l'égocentrisme. Que les politiciens ne se considèrent pas comme des ennemis mais comme des adversaires politiques qui sont des frères et ont en commun comme patrie mère la RDC et que les droits des femmes soient respectés surtout que les réformes électorales intègrent significativement le genre et que Dieu bénisse la RDC et son peuple.
Propos recueillis par Prisca Lokale