RDC : « il faut avoir des ambitions et mettre les batteries en marche pour les réaliser », Claudine Tshimanga Mbuyi, Doyenne FED UCC

Photo/ Droits tiers
Claudine Tshimanga Mbuyi, Doyenne FED UCC

L’Université catholique du Congo a annoncé le week-end dernier, la nomination d’une femme au poste de doyen de la faculté d’économie et développement (FED). Une première dans l’histoire de cette institution. Objectifs, difficultés et détermination, dans un entretien accordé au Desk Femme, Claudine Tshimanga Mbuyi Kaseka revient sur son parcours.   


Professeur Tshimanga Kaseka Claudine, comment avez-vous accueilli la nouvelle de votre nomination ? 


Claudine Tshimanga Mbuyi : c’est avec plaisir que j’ai accueilli cette nouvelle. Être porté à ce poste est une procédure électorale qui commence au sein de la faculté, passe par le conseil académique avec la participation des professeurs de toute l’université, ensuite  cela remonte au conseil d’administration. C’est une grande joie d’avoir été élue par mes pairs et confirmée par la haute hiérarchie.


Vous avez pour mission à ce poste, selon la CENCO, de « former des cadres capables de promouvoir dans un esprit chrétien les actions de développement dans le pays, d’étudier scientifiquement les problèmes sociaux et rendre opérationnelles les solutions envisagées ». Comment comptez-vous vous y prendre ? 


Claudine Tshimanga Mbuyi : je ne peux pas dire que je serais seule. C’est un poste qui a beaucoup de défis à relever, le principal pour nous consiste à maintenir l’équilibre et faire mieux. La FED est la plus grande faculté de l’UCC avec 5 promotions dont certaines comprennent plus de 700 étudiants. Les professeurs, tout le corps académique et le corps scientifique travaillent ensemble pour la réalisation des missions qui nous sont conférées. 


Première femme doyenne d’une faculté de cette université depuis sa création. En 1997, première femme à être nommée assistante à la Faculté des Sciences et Techniques de Développement mais aussi, première femme à être nommée Professeure à temps plein en 2015. Que représente tout ce parcours pour vous ?


Claudine Tshimanga Mbuyi : une joie mais aussi un fardeau, parce qu’on est pris comme modèle par beaucoup de jeunes filles. Ce n’est pas un choix, c’est un produit du hasard. J’étais de la première promotion de la Faculté de Sciences et Techniques de Développement en 1990, après sa création en 1989. Mes encadreurs m’ont encouragé à m’engager. Pour être retenu assistant, on devait avoir réalisé plusieurs distinctions durant son parcours. Je me suis focalisée sur cet objectif à partir de la deuxième année de graduat. 


Est-ce que l’adaptation était facile ?


Claudine Tshimanga Mbuyi : nous avons été bien encadrés et formés à la poursuite de la carrière. Cela était assez lourd, je devais avoir 24 ans à l'époque. Dans l’auditoire, je me retrouvais devant des personnes plus âgées, déjà au contact du monde professionnel (…) il fallait maintenir le respect et transmettre la matière. Mes parents m’ont éduquée comme une personne qui avait toutes les aptitudes pour aller loin. A l’école comme à l’Université, j’avais cette vision du monde. Les mêmes encadreurs m’ont accueillie à mon retour et soutenue jusqu’à ce jour.


Parlez-nous de votre expérience en tant que Coordonnatrice de l’Observatoire des Politiques Economiques et Développement Humain (OPEDH) de la FED et de l’épreuve Covid-19 en 2020 ? 


Claudine Tshimanga Mbuyi : l’OPEDH a réalisé de nombreuses études de terrain sur l’habitat, la pauvreté et autres domaines. Pendant un moment, il n’était plus actif. Lorsque je suis revenue pour exercer comme Professeur à l’UCC, le Doyen m’a confié la responsabilité de relever cette structure. En 2019, nous avons publié la revue « RDC : émergence économique à l’horizon 2030, Conditions et Préalables ». Une autre sur le « Transfèrement des eaux du fleuve Congo » est en attente. Durant la période du confinement en 2020, nous avons organisé des vidéoconférences autour des stratégies post-Covid 19. Bientôt, un rapport assorti de propositions sera soumis aux autorités.   


Parmi vos domaines de recherche, on retrouve notamment la mise en œuvre financière de la Couverture Santé Universelle. Quels sont à ce jour, la hauteur des défis financiers pour l’effectivité de ce projet en RDC ? 


Claudine Tshimanga Mbuyi : la couverture santé universelle implique l’état, les ménages (regroupés en mutuelles de santé) et les partenaires. L’étude menée estime à au moins 3.300.000.000 $, le coût annuel de cette couverture. En RDC, nous faisons face à un budget très faible. En même temps, nous avons une population confrontée à des coûts élevés de santé. L’objectif est de permettre à la population d’accéder aux soins de santé de très bonne qualité sans s’appauvrir.  


Être épouse, mère et mener votre carrière jusqu’à occuper des hautes fonctions, quels ont été les défis de votre parcours ? 


Claudine Tshimanga Mbuyi : le plus grand défi est d’avoir pour ambitions de poursuivre ses études et de devenir épouse et mère. A une période de ma vie, je me suis retrouvée dans l’obligation de faire une pause par rapport à mes études et mon doctorat. Ce n’est pas facile lorsqu’on ne rencontre pas un partenaire qui comprend et qui vous accepte avec vos ambitions. Si derrière chaque homme qui réussit, il y a une femme, cela est également valable pour une femme.


Un mot à toutes les jeunes femmes qui s’inspirent de votre parcours ? 


Claudine Tshimanga Mbuyi : je les encourage à être autonomes, à faire des métiers, mais lorsqu’elles peuvent étudier, aller à l’université et au-delà, elles doivent aussi le faire. Il faut avoir confiance en soi, avoir des ambitions et mettre les batteries en marche pour les réaliser. A cela s’ajoute le fait que les conditions autour de la femme lui permettent d’atteindre ses objectifs. La société devrait songer à cela. Ce n’est pas facile certes, mais quand on veut y arriver, on s’y met.

Propos recueillis par Prisca Lokale