RDC: la Riposte contre Ebola a payé à la fois les forces loyalistes et les groupes armés, l’amenant à être perçue comme acteur de facto du conflit et se rendant indirectement complice de la violence armée (Rapport)

ACTUALITE.CD
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Le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), projet de recherche indépendant à but non lucratif, installé au Centre de coopération internationale de l’Université de New York, a publié ce jeudi un rapport sur la 10ème épidémie d’Ebola au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. Entre 2018 et 2019, la maladie avait environ 3 470 personnes et fait 2 287 morts. Ce document tente d'expliquer comment l'épidémie et l'effort international lancé pour la contenir ont été affectés par cette violence, et comment ils ont à leur tour influencé le conflit armé.

« La Riposte est devenue une source à la fois de griefs et d'opportunisme, déclenchant par inadvertance la résistance et aggravant le conflit. Dans sa hâte d'empêcher la propagation de la maladie mortelle, et pour protéger son personnel, la Riposte a payé à la fois les forces de sécurité gouvernementales et les groupes armés, l’amenant à être perçue comme acteur de facto du conflit et se rendant indirectement complice de la violence armée en cours », dit le rapport.

D’après les chercheurs, la Riposte a payé les forces de sécurité ainsi que des groupes armés pour assurer sa protection, faire respecter les règlements de santé publique et tracer les contacts des malades51.

« La Riposte a évoqué l'histoire récente de la violence pour justifier ce recours à la protection armée dans le but de protéger son personnel de ce qu'elle considérait comme des niveaux élevés de menace. En effet, il arrive parfois aux acteurs humanitaires du monde entier de collaborer avec les forces de sécurité, et même parfois avec des groupes armés non étatiques, afin d'obtenir un accès aux populations dans le besoin », expliquent les chercheurs qui épinglent par exemple l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui assurait les paiements, selon les chercheurs, en « enfreignant les règlements des Nations unies, effectuant la plupart des paiements et décidant de leur montant. Selon le GEC, l’agence onusienne avait ainsi une responsabilité particulière dans les conséquences en matière de sécurité ».

Le GEC regrette aussi « la militarisation de la Riposte qui a déclenché un cercle vicieux de résistance et de coercition ». La méfiance de la population vis-à-vis de la riposte a ainsi été a exacerbée. "En particulier, les interlocuteurs se sont plaints du fait que la communauté humanitaire n'avait pas fait grand-chose pour mettre fin à la violence horrible qui avait envahi leur région depuis 2014, et que la Riposte pouvait être extrêmement autoritaire ; dans certains cas, ils ont prétendument transporté de force des patients suspects vers des centres de santé et interrompu des funérailles ».

Selon l’étude, cette expérience a fourni des leçons pour les interventions de santé publique dans des situations de conflit et au-delà. Les communautés touchées par les urgences de santé publique, notamment les flambées épidémiques, sont susceptibles d'être sceptiques quant à une intervention extérieure ou gouvernementale, que ce soit en RDC ou ailleurs.

« Les interventions de santé publique – qu'elles soient dirigées par des organismes de l’ONU, des gouvernements nationaux ou les deux – doivent prendre les communautés au sérieux, rechercher des compromis au moment de décider d'embaucher des experts extérieurs ou des locaux dotés d'un vaste savoir-faire et éviter de s'impliquer dans des conflits. Bien que chaque situation ait sa propre dynamique de sécurité, la leçon de ce cas suggère que l'embauche d'escortes armées a fini par créer plus de problèmes qu'elle n'en a résolus », disent les chercheurs.

Ils suggèrent que les bailleurs de fonds travaillent avec le gouvernement pour renforcer le mécanisme de réponse permanent contre Ebola au sein du ministère de la Santé. « Un tel mécanisme permanent devrait inclure des protocoles complets sur la manière de s'engager rapidement dans les zones de conflit sans alimenter et exacerber la violence. En outre, il devrait s'adresser aux principales parties prenantes au-delà du ministère de la santé et de l'OMS, comme les Centres de contrôle et de prévention des maladies (aux États-Unis), les centres de recherche universitaires et les organisations d'aide ayant une solide expérience épidémiologique », ajoutent-ils.

Le rapport met en garde contre le versement de paiements à tout belligérant en échange d'un accès, car cela pourrait par inadvertance transformer les opérations humanitaires en une source de profit et porter at- teinte à l'impartialité de l’action humanitaire. « Même si la Riposte n'était pas une opération humanitaire classique, la dérogation au principe d'impartialité a considérable- ment abaissé la barre du recours à la violence de toutes les parties », conclue t-il.