Célébration de la liberté de la presse, proclamation de l'état de siège, destitution de Zoé Kabila, … la semaine qui s’achève a été riche en évènements. Ce week-end, le Desk Femme vous propose une rétrospective des faits marquants, avec Rose Masala, la nouvelle directrice exécutive de l’Union congolaise des femmes des médias (UCOFEM).
Bonjour Madame Rose Masala et merci de nous accorder cet entretien. La semaine a débuté avec la célébration de la liberté de la presse, le 03 mai. Au cours des dix dernières années, pensez-vous qu’il y a une évolution en matière de liberté de la presse en RDC ?
Rose Masala : je soutiens en effet qu'il y a une nette évolution dans l'exercice de la liberté de la presse en RDC au cours des dix dernières années. Nous pouvons affirmer que nous avons un niveau de liberté de la presse suffisamment avancé et satisfaisant tenant compte de notre niveau de développement et en comparaison à certains pays voisins. Cependant, nous avons encore des progrès à faire quant au respect du code de déontologie et de l'éthique.
Comment les femmes des médias en RDC font-elles usage de cette liberté selon vous ?
Rose Masala : le rôle des femmes des médias en RDC est assez louable. On les voit intervenir dans tous les secteurs de la vie. Elles sont présentes pour donner au public des informations de première importance sur la vie sociale et l'économie du pays. Certaines d’entre elles ont même été récompensées pour avoir bravé la pandémie de la Covid-19 au nom du devoir d'informer le public.
L’ONG Journaliste en Danger constate une recrudescence inquiétante d’attaques contre les journalistes et les médias plus de deux ans après l’accession au pouvoir de Félix Antoine Tshisekedi. JED indique également avoir déjà enregistré 228 cas sur l’ensemble du territoire national dont 47 cas depuis le début de l’année. Avec cette alerte, pensez-vous que les cinq prochaines années seront favorables pour la presse ? Quels mécanismes mettre en place pour y parvenir ?
Rose Masala : pour les cinq prochaines années, je pense qu'il faudrait permettre à chaque institution de jouer pleinement son rôle dans la société. Chaque pouvoir (judiciaire, législatif et exécutif) doit répondre à ses prérogatives telles que définies par la loi pour ne pas entraver la bonne marche de la liberté de la presse. Le président de la République milite pour l'instauration de l'État de droit. Et dans un tel état, la liberté de la presse doit être garantie. Il faudrait laisser de la place à la diversité d'opinions, à la tolérance. Nous sommes ainsi optimistes.
Le ministre de la communication et des médias, Patrick Muyaya, estime que ces attaques révélées par JED interpellent en même temps sur la responsabilité des organes de presse. Qu'en pensez-vous ?
Rose Masala : le ministre a eu raison d'avancer cet argument. Je pense que même si nous recherchons ardemment la liberté, nous devons également savoir respecter le code de déontologie de ce métier. Si l'on ne sait pas respecter ce principe, il sera très difficile de jouir de cette liberté.
Pour rétablir la paix et la sécurité dans la partie Est de la RDC, l’état de siège a été proclamé par le Chef de l’Etat en Ituri ainsi qu'au Nord-Kivu. Quelles sont vos attentes par rapport à cette décision du Chef de l’Etat ?
Rose Masala : il s'agit d'un engagement ferme du Chef de l'État. Toutes les couches de la société devraient accompagner cette démarche pour qu'effectivement la paix revienne à l'Est du pays. Que les militaires affectés à cette lutte accomplissent leur mission, que les médias et tous les autres moyens soient mobilisés pour la réussite de cette mission.
Comment les femmes, selon vous, pourraient participer à la réussite de ce processus pour le retour de la paix dans leurs territoires ?
Rose Masala : les femmes sont les premières victimes des atrocités qui se vivent à l'Est du pays. Elles sont mieux placées pour trouver une solution aussi efficace que durable. Elles devraient être associées à ce processus en exerçant par exemple librement leur profession (pour les journalistes femmes), en participant à la table des négociations et dans les organes de prise des décisions.
En économie, la Taxe RAM peine à être acceptée par la population. Au cours de cette semaine, les réseaux de télécommunication ont procédé au recouvrement forcé de la taxe, créant ainsi la grogne au sein de la société congolaise. Faudrait-il arrêter l’opération selon vous ?
Rose Masala : quel est concrètement l'intérêt de la population dans cette taxe ? Est-ce que le ministère (PTNTIC, ndlr) peut déjà nous montrer les réalisations de ladite taxe ? Le plus important serait de prouver cela.
Pendant ce temps, les députés nationaux Juvénal Munubo et Claude Misare ont déposé une question orale relative à la même taxe RAM (Registre des appareils mobiles) au ministre de PTNTIC, Augustin Kibassa Maliba. Quelles sont vos attentes par rapport à ce sujet ?
Rose Masala : il s'agit d'une démarche qui aurait pu être menée avant même l'instauration de cette taxe. Mieux vaut tard que jamais, dit-on, c'est également l'occasion de mieux expliquer l'importance de cette taxe RAM pour que la population sache exactement en quoi elle est utile.
En santé, cette semaine, le monde a célébré la journée internationale de la Sage-femme sous le thème « Les chiffres parlent d’eux-mêmes, investissez dans les sages-femmes ». En RDC, ces professionnels de santé plaident pour la règlementation de leur secteur notamment par l'instauration d’un Ordre national et d’un Statut. Selon vous, pourquoi est-il si important de le faire ?
Rose Masala : il faut souligner que le taux élevé de décès des femmes et de la mortalité néonatale en RDC est dû aux complications liées à l'accouchement. Il est donc très important d'avoir des sages-femmes qualifiées et il est tout à fait légitime qu'elles puissent plaider pour la réglementation de leur secteur. Que tous les moyens soient réunis pour mettre en place cet Ordre National.
Le gouverneur du Tanganyika, Zoé Kabila a été destitué le 06 mai alors qu’il était absent de sa province. Les députés pétitionnaires l’accusent notamment de mauvaise gestion, de manque de respect envers l'institution Assemblée provinciale mais aussi, d’un déficit intellectuel notoire. Entretemps, les soupçons de corruption pèsent sur les destitutions répétitives des gouverneurs des provinces. Comment analysez-vous ces faits ?
Rose Masala : en novembre 2020, le Chef de l'État avait déploré le fait qu'il y ait une grande instabilité dans différentes provinces du pays, à cause notamment des motions de méfiance qui ont abouti pratiquement à la destitution des gouverneurs. Il y a lieu de s'interroger sur les modalités de leurs élections, comment ont-ils été élus ? Pourquoi ce sont les mêmes députés qui procèdent à leur destitution ?
Sa famille politique, le Front Commun pour le Congo considère que cette destitution est illégale parce que Zoé Kabila n’a pas présenté ses moyens de défense et appelle à sa réhabilitation par la Cour Constitutionnelle. Pensez-vous que cela sera possible ?
Rose Masala : je pense qu’il devrait bénéficier de la possibilité de présenter ses moyens de défense tel que reconnu par la loi.
Un dernier mot ?
Rose Masala : nous avons tous ardemment le désir de voir le pays démarrer. La RDC, ce pays sur lequel de nombreux autres pays africains portent leurs regards, doit pleinement jouer son rôle de catalyseur de l'économie africaine. Je voudrais donc appeler tous les congolais à prendre conscience de cette responsabilité.
Rose Masala a été journaliste au sein du journal La Référence Plus, elle a travaillé au sein de la Télévision Kin Malebo (TKM), en 2006, elle a intégré la Haute autorité des médias (actuelle CSAC), elle est cofondatrice de l’UCOFEM.
Propos recueillis par Prisca Lokale