Covid-19 : repenser le Bulletin du Comité multisectoriel de la riposte en faveur de la communication pour un impact comportemental   

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La rédaction vous propose cette tribune de Martin Ziakwau L. Chercheur/Enseignant à l’Institut Facultaire  des sciences de l’information et de la communication

Après des impairs de communication commis à l’annonce du cas index (le premier cas testé positif) de la Covid-19 en RDC, à la base de doutes doublés de méfiances découlant de l’infodémie c’est-à-dire une « surabondance d’informations – correctes et incorrectes – qui fait que les personnes ont du mal à identifier des sources fiables et des lignes directrices sûres quand elles en ont besoin » (OMS), le secrétariat technique du comité multisectoriel de la riposte à la pandémie de Covid-19 (CMR COVID-19) s’est employé à rectifier le tir. Il réussit, non sans coup férir, à renverser progressivement la tendance, à susciter de l’intérêt pour le discours officiel. A son actif, il y a entre autre la publication quotidienne d’un Bulletin consacré à la présentation de la situation épidémiologique de la Covid-19 en RDC. Preuve, si besoin était, que la lutte contre cette épidémie requiert une communication efficace pour inciter les sociétaires et les prestataires de santé à des comportements conséquents.  

Force est toutefois de constater que la courbe ascendante des cas testés positifs, ayant dépassé la barre de mille, impacte la confiance des populations dans la stratégie de gestion de cette guerre sanitaire, et les met dans un état de trouble grandissant. En réalité, il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure puisque la situation épidémiologique serait à son pic en RDC avec seulement un millier de cas à ce jour. De quoi plutôt rassurer le public et renforcer la mobilisation sociale pour limiter autant que possible la diffusion de l’épidémie et favoriser le retour graduel à la « normalité » de la vie d’antan. Ce contraste entre, d’une part, le nombre des cas testés positifs qui demeure en dessous des prévisions les moins affolantes avec un taux brut de mortalité de 0% ainsi qu’un taux brut de létalité inférieur à 5%, et, d’autre part, la montée d’une certaine psychose qui ravive doutes et méfiances, suggère de repenser le contenu du Bulletin du CMR-COVID-19. Ce dans le but de renforcer la gestion de l’infodémie et de favoriser une forte mobilisation sociale.

En effet, deux mois après l’annonce du cas index (le 10 mars 2020), la vitesse, l’ampleur et le niveau de gravité de la Covid-19 en RDC n’attestent pas une catastrophe sanitaire, contrairement à la triste expérience des pays occidentaux où il y a (eu) flambées épidémiques à croissance quasi exponentielle. Ce, quand bien même les limites techniques et opérationnelles de prévention d’une surmortalité consécutive à l’amplification de la forme grave de l’épidémie en RDC imposeraient de maintenir l’extrême prudence en tirant des enseignements des Etats les plus touchés et les appliquer aux capacités et au contexte du pays. 

Le Bulletin du CMR un simple bilan de la COVID-19 en RDC

A lire le Bulletin du CMR, si intéressant serait-il, le constat est sans appel : il s’agit essentiellement d’un bilan de situation quotidien de COVID-19 en RDC et d’un rappel des recommandations du Président de la République contre la pandémie. Tel qu’élaboré, le Bulletin du CMR participe à l’alimentation de l’infodémie non sans conséquence angoissante. En effet, depuis son lancement, il indique en premier lieu le cumul des cas confirmés, souvent compris de travers dans divers milieux et considéré comme l’information-phare sur la Covid-19 en RDC. Ensuite, y sont indiquées les informations sur les nombres de cas suspects en cours d’investigation, de nouveaux cas confirmés, des personnes sorties guéries, des nouveaux décès des cas confirmés, des patients en bonne évolution, des cas testés positifs par provinces affectées, les zones de santé les plus touchées de Kinshasa, les zones de santé actives ayant notifié les plus de cas confirmés au cours des 14 derniers jours, les zones de santé actives ayant les plus des décès Covid-19 à Kinshasa.

La mauvaise compréhension de cumul des cas confirmés par d’aucuns contribue à faire annihiler, dans leur manière de penser le « problème », les efforts fournis par le Gouvernement contre cette épidémie. Ceci tend à se généraliser malheureusement. L’intox découlant de l’infodémie participe à répandre à tort que, chaque jour qui passe, le nombre des cas testés positifs va crescendo, au mépris de la déclaration des personnes guéries. Et pourtant … La situation épidémiologique en RDC est censée assurer de la sérénité pour une meilleure préparation individuelle et communautaire au « déconfinement » qui ne devrait pas exposer le pays à une marche à reculons dans la lutte contre cette épidémie.

Améliorer le contenu du Bulletin du CMR  

Le Bulletin du CMR devrait viser non seulement à diffuser des informations chiffrées sur la situation épidémiologique en RDC mais aussi à participer à la lutte pour l’obtention de certains résultats comportementaux. Il ne suffit pas de rappeler à cet effet les recommandations du Chef de l’Etat mais surtout de susciter l’intérêt du public (lecteurs, auditeurs, téléspectateurs) pour les comportements recommandés. Pour ce faire, une rapide et régulière étude de terrain s’avère utile pour relever les besoins d’informations et y donner satisfaction, écraser les rumeurs virales, éteindre les contre-vérités …  

Visant à assurer la transparence dans la lutte contre le Covid-19, le Bulletin du CMR ne dispose pas cependant d’éléments clairement articulés pour dissiper les malentendus, combler les lacunes, rassurer les populations des progrès enregistrés dans la guerre sanitaire, et les alerter sur les défis à relever dans l’appropriation des recommandations comportementales d’ordre tant individuel que collectif. Quoique les chiffres soient généralement plus éloquents que les mots, la gestion de l’infodémie impose une pédagogie qui astreigne à une explication des comptes avancés pour mieux en encadrer la compréhension commune, et prévenir la mésinformation ainsi que la désinformation.

Dans une société où le taux d’analphabétisme reste important, y compris à Kinshasa, le Bulletin devrait être non seulement écrit mais surtout oral. L’oralité contribuerait à faciliter la compréhension des informations par la grande majorité des personnes intéressées et à intéresser ainsi qu’à leur partager une émotion positive dont l’effet bénéfique devrait consister à les mobiliser contre la peur de la Covid-19 et pour la vigilance nécessaire à l’endiguement de cette épidémie.   

Il est extrêmement important de concevoir le Bulletin comme une publication de dimension plus réduite visant à rendre compte des activités de la société contre la Covid-19. A cet effet, le Bulletin devrait non seulement contenir des informations d’en haut sur la gestion de la pandémie mais aussi comporter des nouvelles d’en bas, y compris des rumeurs et des perceptions, de manière à susciter la solidité de l’interaction entre les gouvernants et les gouvernés dans cette guerre contre un ennemi qui ignore les rangs sociaux, les sexes, les races, les frontières, etc. En outre, le Bulletin ferait œuvre utile de donner des informations sur les efforts déployés, les activités en cours, les initiatives prises contre la Covid-19. L’élaboration du Bulletin devrait aussi reposer sur l’approche participative de la communication en vue d’éviter ou de réduire le fossé entre les perceptions des experts et celles du citoyen lambda sur les informations liées à la gestion de cette épidémie en RDC.

Par ailleurs, il n’est pas anodin de préciser, dans le Bulletin du CMR, parmi les cas testés positifs, le nombre des personnes présentant une forme légère, une forme modérée, une forme grave et critique de la maladie, ainsi que les éléments communicables sur leur prise en charge. La communication pour un impact comportemental reste un facteur déterminant dans la lutte contre la Covid-19.

Martin Ziakwau L. Chercheur/Enseignant à l’Institut Facultaire  des sciences de l’information et de la communication