Mlimani Editions porte la voix de la RDC au Salon du Livre d’Abidjan 2025

Mlimani
Illustration/Ph. droits tiers

La maison d’édition Mlimani a participé au Salon International du Livre d’Abidjan (SILA) 2025, un grand rendez-vous de la littérature africaine. Représentée par Ghislain Kabuyaya son coordinateur national, elle a pris part à des échanges importants sur l’édition, la lecture, et surtout la place des langues africaines dans les livres. Ce fut aussi une belle occasion de faire connaître les œuvres congolaises, de créer des liens avec d’autres éditeurs, et de ramener à Goma de nouvelles idées pour mieux valoriser la culture et la littérature en RDC.

Dans une  interview à ACTUALITE.CD, le représentant de Mlimani Editions raconte son passage au SILA, l’expérience bénéfique pour la maison d’édition et les perspectives d’avenir.

ACTUALITE.CDVous avez pris part au Salon International du Livre d’Abidjan 2025, qu’avez-vous apporté là-bas et qu’est-ce que vous avez ramené à Goma ? 

Ghislain Kabuyaya : J'ai animé une table ronde sur le thème : " Éditer et Écrire en langues nationales". C'était un honneur d'évoquer cette thématique sachant qu'en Afrique, plusieurs auteurs écrivent dans les langues étrangères ; soit en français ou en anglais. Ma contribution, quant à cette thématique était de montrer la nécessité pour les auteurs d'écrire dans les langues nationales pour qu'elles ne soient pas méconnues ou qu'elles ne disparaissent. Les jeunes actuels, savent-ils bien lire et écrire dans leurs langues nationales ?

L'écrivain a une responsabilité quant à ce. Et l'éditeur également, vu qu'il est habilité à encourager l'édition des livres en langues nationales. Ce qui n'est pas le cas pour la plupart des maisons d'édition. Elles recommandent aux auteurs de soumettre des manuscrits en français. Dans tout ça, nous peuples africains nous perdons. Non seulement on ne valorise pas trop nos cultures, mais aussi le constat est qu'on ne valorise pas non plus nos langues. Nous devrions suivre l'exemple de l'écrivain Ngugi wa Tsongo du Kenya qui se démarque quant à ce. Il a d'ailleurs inspiré plusieurs autres auteurs à faire de même au Kenya et ailleurs. Mais beaucoup reste à faire pour changer la tendance.

Vous avez représenté Mlimani Editions à ce rendez-vous international de la littérature, qu’avez-vous fait exactement comme activité là-bas ? 

J'ai représenté les Éditions Mlimani en qualité de coordinateur national. C'était une occasion pour moi de renforcer aussi les capacités. Plusieurs formations ont eu lieu pour aider les éditeurs à renforcer les capacités en ce qui concerne les questions éditoriales, la promotion de la lecture et le marketing du livre. A travers les notions acquises, nous estimons avoir une expertise de plus qui sera bénéfique au secteur du livre en RDC. Aussi, nous avons remarqué que la logique du marché international voudrait que l'on puisse promouvoir la littérature jeunesse. Elle est quasi inexistante ou peu contextualisée en RDC. 

Des efforts devraient être menés pour aider les jeunes générations à adopter la culture du livre dès le bas âge. Que la lecture ne soit pas prise comme une sorte de corvée. Mlimani a des points focaux dans plusieurs villes congolaises : Goma, Beni, Butembo, Durba, Kisangani, Kinshasa, Lubumbashi, Bukavu. Nous estimons qu'à travers le projet que nous avons, nous serons à mesure de disséminer de la littérature pour jeunes en RDC. Nous allons acheter des droits. Nous nous sommes croisés avec des éditeurs de livres jeunesse. Il y a des livres intéressants que nos jeunes devraient lire.

Livre racine comme thème, comment l’avez-vous utilisé dans votre séjour ? 

C'est une thématique intéressante. Dans l'ensemble toutes les activités visaient à montrer l'importance de la valorisation des cultures africaines dans leurs racines. Que le livre fasse ressortir nos réalités. Qu'on arrive à rompre avec l'acculturation. Nous avons déjà été colonisés. C'est suffisant. Il est maintenant important que l'on se dissocie des carcans liés aux acquis de la colonisation, afin de divulguer des livres dont le contenu a trait à nos propres réalités quotidiennes, mais aussi se réinventer à travers notre vraie histoire.

Avez-vous présenté des livres de Mlimani au SILA ? Lesquels ?

J'étais avec le catalogue Mlimani. Certains éditeurs voudraient acheter les droits pour diffuser certains de nos livres, comme Les femmes de Pakadjuma de Ange Kasongo. Chaque fois qu'on participe à ces rencontres internationales, on en profite pour faire valoir notre catalogue qui, globalement met en avant les réalités culturelles, sociales, économiques et politiques de la RDC et de la région de grands lacs en particulier. Après ma participation à Sharjah Publishers Conference, l'année passée à Dubaï, Mme Biekke de L'agence Africaine de littérature s'est intéressée à deux de nos livres. Ces vérités qui nous mentent de Laurent Kasindi et Les femmes de Pakadjuma de Ange Kasongo. Ces livres seront diffusés sur le plan international, lors de grandes rencontres littéraires comme les festivals, foires du livre, salon... Nous essayons de rendre compétitif les écrits de nos auteurs africains.

Est-ce que des liens ont été créés pour des collaborations dans le futur avec d’autres maisons d’édition sur place ? 

Si. Des liens ont été créés surtout pour l'achat des droits pour les livres Jeunesse.

Avec cette exposition à l’international de Mlimani, à quelle étape de l’évolution de votre maison d'édition êtes-vous ? 

Nous sommes à l'étape où nous voulons nous adapter à la logique du marché international. C'est cela qui nous permettra de mieux nous positionner et faire en sorte que les écrits de nos auteurs fassent échos. Certains de nos livres produits dans le contexte congolais devraient être lus ailleurs.

Est-ce que vous avez parlé de Goma et de la partie Est de la RDC ? Qu’avez-vous dit à propos ?

Ma présence à ce forum était un message de bravoure. Malgré les péripéties, on se démène pour respirer. On montre qu'au-delà des problèmes que nous endurons, nous pouvons vendre une bonne image du pays et redonner un espoir pour un futur plus prometteur. J'ai simplement dit que nous ne sommes pas non plus les plus malheureux, il y a lieu de s'organiser chacun à son niveau pour que le drapeau ne soit pas en berne. Cependant, nos souffrances devraient être prises au sérieux. Car la paix est impérieuse.

L’idée de la maison d’édition est de travailler à rééditer de grands classiques des auteurs congolais et africains, où en êtes-vous avec cette politique ? 

C'est un peu délicat. Nous y travaillons. Nous comptons acquérir les droits afin de rendre disponible ces écrits que nos jeunes devraient lire. A l'école secondaire, dans plusieurs écoles, on nous apprend surtout à gober les noms des auteurs, sans que nous connaissions réellement ce qu'ils ont écrit réellement

Quel est le dernier livre publié par Mlimani et c’est quoi le prochain ?

Le tout dernier c'est le livre de Blaise Ndala" j'irai danser sur la tombe de Seghor". Nous aurons bientôt un sous catalogue Jeunesse. Bientôt il sera dévoilé au public congolais.

Propos recueillis par Bénédicte Mbuku, stagiaire UCC