Dans une situation de contestations politiques et des conflits armés, les termes juridiques rébellion, mouvement insurrectionnel et acte terroriste sont souvent employés de manière interchangeable, alors qu’ils renvoient à des réalités juridiques et factuelles distinctes. Cette réflexion vise à clarifier ces distinctions en droit congolais.
1. De la rébellion en droit pénal congolais
Le lexique de termes juridiques entend par rébellion, le fait d’opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public lorsqu’elle agit dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exécution des lois, les ordres de l’autorité publique, les décisions ou mandats de justice[1].
Pour la retenir, aux termes de l’article 133 du code pénal livre II, l’infraction de rébellion requiert la réunion des éléments constitutifs suivant: la résistance violente, la qualité de la victime qui est une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public et l’intention délibérer de s’opposer à l’exécution des lois par le rebelle[2].
Enfin, l’infraction de rébellion individuelle est punie d’une année de servitude pénale et/ou d’une amende, tandis que la rébellion collective après concert préalable peut aller jusqu’à cinq ans de servitude pénale et d’une peine d’amende. Les dispositions des articles 134 et 135 du code pénal livre II traitent respectivement de la répression de rébellion selon que le rebelle agit seul ou en concertation.
2. Du mouvement insurrectionnel en droit pénal congolais
L’insurrection consiste en une manifestation de violence collective, qui émane d’un groupe important d’individus, et qui vise à renverser la forme du gouvernement. Selon l’article 195 du code pénal « l’attentat dont le but aura été soit de détruire ou de changer le régime constitutionnel, soit d’inciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité de l’Etat ou à s’armer les uns contre les autres, soit de porter atteinte à l’intégrité du territoire national, sera puni de la servitude pénale à perpétuité [3]».
L’infraction de création et entretien des mouvements insurrectionnels est prévue par l’article 198 du Code pénal. Le constituant congolais considère le fait de créer et d’entretenir les mouvements insurrectionnels comme haute trahison.
Dans ses éléments matériels, l’infraction de mouvement insurrectionnel consiste soit à lever ou faire lever des troupes armées ; soit à engager, enrôler, faire engager ou faire enrôler des soldats sans ordre ni autorisation du gouvernement ; soit à fournir des armes ou des munitions à des soldats ou troupes armées sans l’ordre ni l’autorisation du gouvernement[4].
Le Code pénal institue la peine de servitude pénale de cinq à vingt ans et la peine de mort pour les dirigeants des mouvements insurrectionnels. Il punit également la participation à un mouvement insurrectionnel.
3. Des actes constitutifs de terrorisme en droit pénal congolais
Un acte de terrorisme consiste en des infractions commises individuellement ou collectivement dans le but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou par la terreur.
Selon le code pénal militaire, il peut s’agir: 1° des atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité physique de la personne, l’enlèvement et la séquestration de la personne ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport ; 2° des vols, extorsions, destructions, dégradations et détériorations ; 3° de la fabrication, la détention, le stockage, l’acquisition et la cession des machines, engins meurtriers, explosifs ou autres armes biologiques, toxiques ou de guerre[5].
L’introduction de substances de nature à mettre en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel est également qualifiée de terrorisme.
Les articles 157 à 160 du Code pénal militaire prévoient une peine maximale de vingt ans de servitude pénale pour un acte terroriste sans mort d’homme, et la peine de mort si une victime en résulte. Toutefois, une exemption est prévue pour celui qui abandonne son projet et aide les autorités judiciaires et administratives à identifier d’autres coupables.
Me Fabrice TSHIBUYI KANKU
Avocat au Barreau de Kinshasa-Matete (ONA 24396)
Consultant à Intelligence Consulting SARL
[1] GUINCHARD S. et DEBARD T. (2014), Lexique des termes juridiques 21e édition, Paris : Dalloz, p.777. Le code pénal congolais en son article 133 dispose : « Est qualifiée rébellion toute attaque, toute résistance avec violences ou menaces envers les dépositaires ou agents de l’autorité ou de la force publique, agissant pour l’exécution des lois, des ordres ou ordonnances de l’autorité publique, jugements ou autres actes exécutoires »
[2] Lire CIZUNGU MUGARUKA B., Les infractions de A et Z. Kinshasa, éditions Laurent NYANGEZI.
[3] Article 195, Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal, tel que modifié à ce jour.
[4] NGOTO NGOIE NGALINGI J. (2018), L’essentiel de droit pénal congolais, Kinshasa : PUC, p. 371.
[5] Article 157 du Code pénal militaire ; pour approfondir MUTATA LUABA (2011), Droit pénal militaire congolais. Des peines et incriminations, de la compétence des juridictions militaires en RD Congo, 2e éd. Kinshasa. Editions du Service de Documentation et d’Études, Ministère de la Justice et des droits humains, p.600