Goma : 20 jeunes femmes prennent part aux formations dans le cadre du programme “The Sisterhood table”

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The Sisterhood table 2024

C’est la deuxième cohorte de jeunes femmes dont l’âge varie entre 18 et 28 ans, qui bénéficie de ces formations dans le cadre du programme dénommé “The Sisterhood table”. C’est une initiative qui est partie de Uhuru Knowledge Center, dans le cadre de son programme genre, dans le but de parvenir à l’autonomisation des femmes dans cette partie du pays. Le premier groupe de 20 a fait ses formations entre mai et octobre 2023.

Depuis le 11 mars 2024, les 20 candidates retenues pour ce programme ont débuté les formations dans la ville de Goma, dans les locaux de Go Innovation, sur le boulevard Kanya Mulanga. Les domaines concernés par les formations sont notamment la digitalisation et la technologie, le leadership transformationnel, la communication et storytelling, la lutte contre les violences basées sur les genres, l’environnement et le climat, et l’entrepreneuriat.

Cette formation vise à donner des compétences à ces femmes pour qu’elles puissent créer des entreprises et répondre à plusieurs préoccupations et difficultés de la communauté et renforcer leurs capacités pour bien se positionner sur le marché du travail. L’organisation fait recours à d’autres organisations qui ont des experts dans les domaines choisis pour assurer la formation.

The Sisterhood table 2024 : Plus de 200 candidatures  

Les femmes se sont bousculées pour mériter une place dans cette formation. 2 centaines ont demandé d’intégrer “The Sisterhood” alors que l’organisation n’a des moyens que pour à peine 20 personnes dans les séances de formation pour les 3 mois prévus. Un regret, estime Emmanuella K. Bauma, coordinatrice du programme, de voir les places assez limitées alors que le besoin se présente. 

« Malheureusement, il y avait beaucoup de filles compétentes qu’on ne pouvait pas prendre suite à notre budget très limité. Nous ne pouvions qu’offrir 20 places à ces 20 jeunes filles. Nous voudrions avoir d’autres financements des partenaires qui nous accompagnent dans ce projet pour capaciter 50 filles par cohorte, ça sera un honneur », explique-t-elle à ACTUALITÉ.CD

Faisant la rétrospective de la formation de l’année dernière, elle se dit satisfaite de titiller l’objectif d’autonomisation des femmes notamment dans le volet de l’estime et la confiance en soi. « Elles ont développé des capacités sociales remarquables qui font d’elles des personnes ressources dans la société et elles peuvent diriger dans différents domaines aujourd’hui », ajoute Emmanuella.

Les femmes qui bénéficient des formations se doivent de restituer la totalité ou la partie des matières à d’autres jeunes de leur communauté. L’idée est d’avoir, dans les prochaines années, plusieurs jeunes filles et femmes bien formées dans des thématiques précises. Un programme de mentorat entre les femmes formées et celles qui sont déjà dans le milieu professionnel est prévu après les formations.

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Contourner la situation 

Si le programme reste presque le même, avec les mêmes partenaires qu’en 2023, le lieu est plutôt fixe présentement. Non seulement pour la collaboration avec Go Innovation qui a disposé ses locaux mais également suite à la situation sécuritaire qui prévaut à Goma, cette partie du pays en proie à une insécurité grandissante entretenue par les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. L’accès est impossible à Uhuru Knowledge Center à Saké.

 Malgré les circonstances, les femmes suivent tout de même leurs formations. Certains bénéficiaires de l’année dernière ont décroché des stages, une a débuté une entreprise, une autre a participé au festival Musika na kipaji et quelques-unes ont rejoint l’équipe de communication de “The Sisterhood table”. 

Cette fois, les formations seront plus pratiques. Les filles ont rempli le formulaire en indiquant leurs domaines de prédilection et leurs attentes, et comment y répondre à travers des projets. Ce qui permettra de bien positionner chacune d’entre elles à la fin de la formation.

« On voudrait avoir plus d’opportunités pour les filles dans les organisations locales et internationales, même dans les entreprises où elles peuvent faire leur stage et pratiquer les leçons apprises, mais aussi nouer de nouvelles relations », a dit la coordinatrice Emmanuella K. Bauma. 

Les formations ne devront durer que 3 mois au maximum. Le 25 mai prochain est prévue la présentation des projets pour sceller la fin de cette session du programme pour cette deuxième cohorte.

“The Sisterhood table” se veut, pas qu’un espace de discussion, mais une solution aux obstacles au développement personnel des femmes. Depuis avril 2021, plus de 20 rencontres mensuelles ont été organisées par Uhuru Knowledge Center, au cours desquelles les discussions ont servi à définir et identifier les obstacles au développement de la femme. Des pistes de solutions pour y répondre efficacement ont également été proposées. Certains défis étaient récurrents et communs, parmi lesquels le chômage. Une situation qui aurait freiné l’éducation de plusieurs filles, et aurait mené aux mariages précoces et grossesses non désirées.

Autonomisation de la femme : une nécessité

En RDC, les femmes rencontrent des obstacles majeurs pour accéder aux opportunités économiques et à l’émancipation. Dans le domaine de l’éducation, la RDC est confrontée à de graves disparités entre les sexes, particulièrement lors de l’accession au niveau secondaire. Conséquence, les femmes sont 28% moins nombreuses que les hommes à avoir terminé l’école primaire, et seules 16,8% d’entre elles ont terminé le cycle secondaire, soit moitié moins que les hommes.

De la même façon, le taux d’alphabétisation des femmes est inférieur à celui des hommes de plus de 22%. Les femmes sont confrontées à de fortes inégalités concernant leur pouvoir de prendre des décisions et de générer des revenus. Seules 60% d’entre elles affirment participer aux décisions concernant les achats importants du foyer, et moins de la moitié affirment participer aux décisions concernant leur propre santé.

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Les mariages précoces et les taux élevés de fertilité constituent des défis importants en RDC. Les femmes qui n’ont pas fréquenté l’école ont un taux de fertilité deux fois plus élevé que celles ayant terminé l’école secondaire. Dans l’ensemble du pays, l’âge moyen à la première naissance est de 19,9 ans et 37% des femmes âgées de 20 à 24 ans étaient mariées avant leur dix-huitième anniversaire, contre 6% des hommes du même groupe d’âge. La violence envers les femmes est un problème généralisé dans tout le pays, autant dans les zones urbaines que rurales.

La participation des femmes au marché du travail en RDC est estimée à près de 62%. La majorité des femmes (69.7 %) travaillent dans la production agricole, suivie par la catégorie des entrepreneures (20,5%). Cette proportion est faible si on la compare aux autres pays : l’enquête 2013 de la Banque Mondiale sur les entreprises révèle qu’en moyenne 34% des femmes travaillent comme entrepreneures dans les pays étudiés.

Une proportion encore plus faible de femmes reçoit une rémunération ou est salariée, ce qui contraste fortement avec l’emploi masculin : 23,9% des hommes actifs occupent un emploi rémunéré ou salarié contre seulement 6,4% des femmes. De plus, même si la participation des femmes au marché du travail est relativement élevée, leurs revenus sont largement inférieurs à ceux des hommes. Les femmes possèdent moins de biens, en particulier la terre : seules 7,6% d’entre elles possèdent des terres sans partage contre 21,8% des hommes.

Alors qu’elles représentent la majorité des travailleurs du secteur agricole (53%), leur accès à la terre et au crédit sont restreints, ce qui limite la productivité. De plus, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), l’inégalité entre les sexes est de 20% en matière d’emplois classés « vulnérables » : 90,1% des emplois occupés par les femmes contre 69, 6% des emplois occupés par les hommes.

Cette situation persiste alors que de nombreux engagements internationaux appuient l’autonomisation économique des femmes, notamment le programme d’action de Beijing, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et une série de conventions relatives à l’égalité des sexes adoptées par l’Organisation International du Travail.

Cependant, plusieurs initiatives se créent pour valoriser la femme dans la société congolaise et à différents niveaux. Des efforts politiques, sociaux, médiatiques et bien d’autres se multiplient pour faire mieux entendre les voix féminines afin qu’elles participent à la construction de la société. Le programme The Sisterhood table est l’un de ses initiatives qui met la femme au cœur de ses préoccupations pour parvenir à son autonomisation.

Kuzamba Mbuangu