En République démocratique du Congo (RDC), le budget des élections est un sujet sensible, complexe et fait débat. Alors que l’opinion s'interroge sur les sources de financement des dernières élections du 20 décembre 2023, les services de la Reddition des Comptes révèlent que les appuis budgétaires de la Banque Mondiale auraient servi à payer les dépenses des scrutins présidentielle, législatives nationales et provinciales à hauteur de 141,3 millions $.
Cette information a provoqué un tollé au sein de plusieurs structures de la société civile, dont la coalition « Congo n’est pas à vendre » (CNPAV). Jimmy Kande, membre de cette structure, interrogé par ACTUALITE.CD estime que l'utilisation des appuis budgétaires pour financer les élections est contraire aux principes de la bonne gouvernance et de la transparence. Il craint par ailleurs que cela ne détourne des fonds d'autres secteurs importants comme l'éducation et la santé, et ne contribue à la corruption et à l'affaiblissement de la démocratie.
Le 28 juin 2022, au terme des négociations avec le Gouvernement congolais, la Banque Mondiale avait annoncé l’approbation d’un appui de 750 millions $ pour soutenir la gouvernance, la connectivité, le transport et le numérique en RDC. Le 29 mars 2023, une nouvelle aide de 900 millions de dollars a été approuvée en faveur de la RDC pour financer les réformes fondamentales de la gouvernance économique et un projet d’apprentissage et d’autonomisation des filles. Si la Banque mondiale ne s’oppose pas à l’utilisation de ces fonds librement par le gouvernement de la RDC, elle met tout l’accent sur le respect des principes de la bonne gouvernance et de la transparence.
Faible degré de redevabilité
Interrogées à ce sujet, des sources au cabinet du Ministère des finances n’ont pas souhaité réagir. De quoi susciter des doutes dans l’opinion publique.
« Nous avons pour mission principale d'organiser les élections dans le respect des normes », a déclaré de son côté une source de la Commission électorale nationale indépendante sous couvert d’anonymat. Et de poursuivre, « pour ce qui est du financement des élections, l’argent vient du trésor public et viré dans les comptes de la Céni. Nous n’avons pas le droit de nous interroger sur l'origine des fonds », a indiqué cette source.
Nos efforts pour décrocher la réaction de la banque mondiale sur cette situation n’ont par ailleurs pas abouti.
En RDC, la gestion des appuis budgétaires soulève la question de l’impact des programmes d’aide au développement. Dans son rapport de contrôle d’exécution de la Loi des finances exercice 2022, la Cour des comptes a aussi épinglé les mauvaises affectations des appuis budgétaires. Rawbank, par exemple, a bénéficié des paiements au titre d’investissements de l’ordre de 8,3 millions $. Ce Fonds de la Banque africaine de développement (BAD) devrait améliorer les capacités d’intervention en faveur des Petites et moyennes entreprises et les établissements de microfinance dirigés par des femmes. La Cour des Comptes a aussi constaté la mauvaise utilisation de 64,4 millions $ de la BAD, qui devrait financer le projet d’opérationnalisation de la zone économique spéciale de Maluku. Ce projet devrait énormément aider à accroître la puissance économique du pays, selon des spécialistes.
Bruno Nsaka