Dans un communiqué officiel signé par le directeur de cabinet du Chef de l’État après la démission du Premier ministre Sama Lukonde le mardi 20 février, le Président de la République Félix Tshisekedi a autorisé les membres du Gouvernement à expédier les affaires courantes. À en croire ce communiqué, cette décision tient compte de la situation particulière que traverse le pays en attendant la formation du nouveau Gouvernement.
Cette décision a suscité des réactions dans l'environnement sociopolitique congolais. Pour certains, le Président Félix Tshisekedi a violé la constitution d'autant plus que la Cour constitutionnelle s'était prononcée sur la question. De son côté, Félix Tshisekedi voit les choses autrement et soutient que sa décision a pour but d'assurer la stabilité du pays.
"Je n'ai pas l'impression, le mot est trop fort, je n'ai pas l'impression d'avoir violé la constitution, je suis guidé, vous devez le savoir, par un seul idéal : pour moi, le salut du peuple est la loi suprême, et en tant que chef de l'État, je crois que je suis le mieux placé pour observer et comprendre où est le salut du peuple. Et en ce moment, vous êtes témoins, vous entendez les questions de vos confrères, le pays fait face à une situation particulière, mais il n'y a pas que la situation sécuritaire, il y a d'autres éléments. Je parlerais par exemple de la situation financière : dans quelques mois, nous allons terminer la sixième revue du programme avec le FMI, c'est un moment historique et hyper important pour la République Démocratique du Congo", s'est défendu Félix Tshisekedi.
D'après Félix Tshisekedi, en prenant cette option, il a échangé avec des juristes qui ne voient pas la violation de la constitution ou d'autres textes de la République Démocratique du Congo.
"Vous voulez qu'en ce moment, parce qu'il y a eu un règlement que je ne critique pas, que je ne condamne pas à l'Assemblée nationale qui exige aux ministres de se prononcer dans les huit jours, vous voulez que nous mettions le pays en difficulté dans une situation de fragilité par rapport à la situation sécuritaire, par rapport à la situation financière, mais il y en a d'autres, même budgétaire, parce que le budget qui va être voté à la fin de l'année, c'est maintenant qu'il commence à se préparer", a indiqué Félix Tshisekedi. Et de poursuivre :
"Il y a plein d'autres éléments comme ça que je peux citer, la situation diplomatique, parce que notre VPM aux affaires étrangères et son adjoint, le Vice-ministre, sont tous les deux élus et doivent partir, mais nous avons un front diplomatique sur lequel nous sommes déployés. Vous voulez qu'on remette tout ça en question parce qu'il y a eu un règlement. J'ai demandé conseil aux juristes, on m'a dit qu'il y a aussi l'article 110 de la constitution qui stipule que lorsque le premier ministre dépose son gouvernement, il expédie les affaires courantes immédiatement après, c'est ce que je lui ai demandé." Félix Tshisekedi a tenu à rassurer l'opinion qu'il ne s'agira pas ici de cumul des fonctions, encore moins de paiement double des émoluments pour les membres du gouvernement élus députés nationaux.
"Je tiens à préciser ici, pour rassurer nos téléspectateurs, l'opinion nationale, qu'il ne sera pas question de toucher deux émoluments, hors de question. Ceux qui restent au gouvernement se font remplacer à l'Assemblée nationale par leurs suppléants. Pendant ce temps, jusqu'au moment où il y aura un nouveau gouvernement, si ce nouveau gouvernement est là, ceux qui seront retenus demeurent dans leurs missions, les autres retournent à l'Assemblée nationale, et ce sera à cette dernière de régler le problème avec les suppléants qui étaient là. Mais il n'est pas question de toucher deux émoluments. Les ministres qui restent vont tous rester là, ils vont rester et toucher leur traitement de ministre. Ça, je tenais à le dire, parce que c'est plus ça qui me préoccupe, le reste, j'allais dire, du juridisme. Moi, ma mission est de protéger le peuple, le sol congolais, et c'est à cela que je m'acquitte", a rassuré Félix Tshisekedi. Cette démission de Sama Lukonde est conforme à la législation congolaise en vue de permettre la nomination d'un nouveau Premier ministre à l'issue des dernières élections. Actuellement, Augustin Kabuya, désigné informateur, consulte les différentes forces à l'Assemblée nationale pour former la majorité parlementaire.
Nommé Premier ministre le 15 février 2021, Sama Lukonde a succédé à Sylvestre Ilunga Ilunkamba à l’issue de la création de l’Union Sacrée, coalition politique de Félix Tshisekedi née à la suite de la rupture de la coalition FCC et CACH. Devenu Premier ministre à 43 ans, Jean Michel Sama Lukonde est resté chef du gouvernement pendant 3 ans et 5 jours et a assisté à 125 conseils des ministres.
Clément MUAMBA