RDC : des jeunes et leurs leaders ont pris part à des échanges autour de l'accès aux services de santé de la reproduction

Cafco
Ph. ACTUALITE.CD

Quel est le niveau d’accessibilité des jeunes et des adolescents aux services de SSR en RDC ? Quelles difficultés rencontrent-ils ? Quelles actions font les organisations locales ? Quels plaidoyers mener et quand le faire ? Toutes ces questions ont fait l’objet d’une rencontre d’échanges organisée ce 7 février à Kinshasa par le cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO). L'objectif était de permettre aux jeunes de comprendre, de s'approprier et de s'engager à défendre leurs droits.

« L'accès à l'information et aux services de santé sexuelle et reproductive sont des droits humains, les jeunes et les adolescents doivent en jouir. Les grossesses non désirées, des avortements clandestins dans les milieux des jeunes avec leurs corolaires des conséquences sociales, résultent de plusieurs facteurs entre autres l'ignorance, la sous-information, la désinformation, les us et le silence et tabous autour du sexe et de la sexualité (…) Nous pensons que l'heure est venue de briser ce silence, de laisser tomber les tabous, de faire bouger les lignes au niveau des politiques et des décideurs, d'innover dans les approches en vue d'aider les jeunes à disposer d'informations et des compétences leur permettant de prendre des décisions éclairées concernant leur sexualité », dit Grace Lula, Porte-parole de CAFCO. 

En effet, l'âge médian de la première expérience sexuelle est de 16,8 ans en RDC tandis que l'âge médian de l'utilisation de la contraception moderne est de 19 ans (EDS 2013-2014). Ce qui montre, selon CAFCO, que la première expérience sexuelle n'est pas protégée, car l'utilisation de la contraception se fait 2 ans après le début du premier rapport sexuel.

Un article de Sophia Chae paru en 2016 renseigne que 61% des grossesses à Kinshasa étaient non désirées, 43% de ces grossesses ont abouti à un avortement. La RDC a adhéré en 2008 au protocole à la charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits de la Femme en Afrique, dit « protocole de Maputo » qui comporte en son article 14 le « droit à la santé et contrôle des fonctions de reproduction ».  Cependant, il est à noter que les adolescents et jeunes représentent environ 32,8% de la population totale de la RDC soit 23 millions repartis à travers tout le pays (MISC 2 RDC 2010). 

Quatre piliers du projet

Cette rencontre fait partie des actions prévues dans le cadre du projet SHARP (Solution pour soutenir des adolescents en pleine santé et la protection de leurs droits). Mis en œuvre dans six pays de la région des grands lacs, à savoir RDC, Burundi, Zambie, Tanzanie, Kenya et Rwanda et piloté par Health Actions internationale (HAI), une organisation hollandaise. Ange Moray, coordonnatrice SSR à HAI, a dévoilé les 4 piliers de ce projet.  

« Le premier concerne les politiques. Nous allons essayer d’influencer les politiques, les règlementations et les budgets, qui sont alloués à ce secteur, spécialement pour les jeunes filles. Le deuxième pilier est consacré aux services. Nous allons faire des études et analyses pour voir quel est le niveau d’accessibilité aux produits de SSR au niveau des établissements de santé. Le troisième consiste à un engagement multi acteurs. Nous voulons inclure les leaders religieux et traditionnels pour avoir des échanges constructifs sur l’accès des jeunes aux services de SSR, le secteur privé ; distributeurs, établissements de santé privés (…) On veut surtout impliquer des jeunes. Vous êtes là aujourd’hui parce que nous ne voulons pas mener le plaidoyer à votre place. Nous voulons améliorer l’accès aux services de SSR avec vous et pour vous. Les réunions telles que celles-ci vont nous permettre de connaitre quels sont vos besoins, vos demandes, vos expériences, quelles ont été les barrières et vos impressions pour pouvoir construire notre plaidoyer. Enfin, le dernier pilier concerne les influenceurs. Nous allons identifier des champions qui vont soutenir et communiquer des informations justes et correctes aux jeunes au niveau des médias, dans les réseaux sociaux, leaders religieux et traditionnels et champions en politique », a-t-elle affirmé.  

A la suite de ces discours, les participants ont eu droit aux différentes présentations du Programme national de la santé des adolescents (PNSA), notamment le directeur national Mbadu Muanda Fidèle qui a présenté un état des lieux de la SSR en RDC, des lois et politiques, des normes et directives sur la planification familiale/ contraception des jeunes. 

« Les barrières existent et nous travaillons pour les repousser »

Dans la troisième partie de la journée, des représentants des organisations des jeunes telles que AFRIYAN, MAJ, RAJECOPOD, CNJIC, Mwimba Texas, CCEMS/PH et bien d’autres ont chacun exposé autour des actions de terrain et des difficultés. Tous révèlent que « « Les barrières existent » et que « nous travaillons pour les repousser ». 

Par la suite, des jeunes et leaders des jeunes se sont constitués en deux groupes de travail. Le premier a travaillé sur comment préserver les acquis en matière des DSSR en RDC et le second autour de la recherche et plaidoyer pour améliorer l’accès des jeunes au service. Pendant environ 45 minutes, les deux équipes ont également produit des recommandations à intégrer dans les actions futures qui cadrent avec le projet SHARP. 

A la fin de la rencontre, Zainab Issa, membre de la Confédération nationale pour la jeunesse islamique au Congo estime que « participer à cette activité a été très utile pour elle. Je félicite les organisateurs et je propose en même temps que  lors des prochaines rencontres, il faudra  intégrer un nombre important des adolescents car la majorité de participants aux échanges de ce jour ont déjà dépassé cet âge ». 

Membre du Centre congolais de l'expertise médico-social pour les personnes en situation d'handicap, Meda Kumbu a affirmé « avoir appris avec précision que l’Etat congolais a signé et ratifié d’importants instruments qui favorisent aux jeunes et aux adolescents l’accès aux services ainsi qu’aux produits des SSR. Entant qu’activiste, je m’engage à promouvoir et défendre ces droits selon les normes et directives également élaborées par l’Etat congolais ». 

Il faut noter que le choix de cette région des Grands lacs se justifie, selon HAI, par le fait qu’il y a une très grande population d’adolescents et des jeunes dans ces pays mais également parce qu’il existe des politiques qui favorisent l’accès de cette catégorie de la population aux services de santé sexuelle et reproductive, qui ne sont cependant pas mises en œuvre sur terrain. Notamment par ce que la majorité des populations dans cette région ont des croyances traditionnelles qui peuvent influencer leur santé sexuelle et reproductive.

Prisca Lokale