Une politique du silence pourrait-elle faire du bruit ?
À Kinshasa, le manque d’implication de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) face à l’agression rwandaise, sous couvert du M-23, dont est victime la République Démocratique du Congo (RDC), suscite bien des réactions au niveau de la société civile et de certains milieux politiques.
Au centre des débats et discussions, une seule demande : le retrait de la RDC de l’OIF.
Face à cette problématique, quels en seraient les bénéfices pour la RDC ?
Le silence pourrait-il faire du bruit ?
Le Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de l’OIF s’est tenu à Djerba, en Tunisie, les 19 et 20 novembre 2022. Durant le Sommet, la délégation congolaise, conduite par le Premier Ministre Sama Lukonde a déploré, d’une part, le peu d‘engagement de l’espace francophone face au conflit l’opposant au Rwanda, autre membre de l’OIF et d’autre part, le non-respect du principe de neutralité de la Secrétaire Générale de l’OIF, Ministre honoraire des Affaires Étrangères du Rwanda.
Certains milieux politiques, la société civile, ainsi que l’opinion publique ont exigé le retrait de la RDC de l’OIF, du fait de la non-solidarité des pays membres.
Il est à relever, parallèlement, qu’auront lieu en juillet et août 2023, les IXème Jeux de la Francophonie et que par conséquent, il serait pertinent de réfléchir aux conséquences économiques et sociales - sous leurs différents aspects culturels, sportifs, touristiques - face à une telle revendication.
Ainsi, la question centrale de ce débat ne porterait plus sur :
« La RDC devrait-elle quitter l’OIF ? »
Mais plutôt de s’interroger sur :
« Quels seraient les bénéfices obtenus si la RDC quittait l’OIF ? »
La RDC, un pays au cœur de la Francophonie.
Créée le 20 mars 1970, l’OIF est un regroupement de 88 pays s’étendant sur 5 continents, incluant 54 États et Gouvernements membres, dont 27 pays africains, 27 États observateurs, 7 États et Gouvernements membres associés.
Membre de l’OIF depuis 1977, la RDC est, d’un point de vue démographique, un pays, moteur de développement, avec 107 millions d’habitants et une jeunesse constituant près de 60% de sa population, un véritable levier pour l’avenir du pays et de la Francophonie.
Du fait de ses richesses naturelles, la RDC est également un pays ressource pour l’Afrique et pour le monde. En effet, elle abrite la plus grande partie de la forêt humide équatoriale en Afrique et est la deuxième plus grande forêt au monde, dont la préservation est vitale dans la lutte contre le réchauffement climatique.
En déclinant toute cette richesse énergétique, en ressources humaines et en diversité culturelle, la RDC possède une place à défendre, une voix à faire entendre et un pouvoir à exercer.
Une politique d’absence ? Au-delà même de la chaise vide ? Pour quels objectifs ?
Si la politique de la chaise vide est le fait de ne pas participer à une réunion ou de bloquer une décision ;
Si se retirer, signifie la rupture en tant que ressource stratégique, nous devons alors réfléchir sur l’articulation du rôle que la RDC souhaite pour elle-même dans les questions diplomatiques.
Aussi, dans le processus de résolutions des situations de crises et de conciliation de paix dans la Région des Grands Lacs, le retrait serait l’option de renoncer, en pays absent, à se constituer des alliances, se faire entendre, ne plus avoir de liens avec ce qui se décide sur la scène internationale.
Le retrait ne serait-il pas aussi l’absence d’une présence politique de la RDC au concert des Nations dont la voix inaudible perdurerait dans un isolement diplomatique ?
Sinon, quelle serait la solution de rechange ?
Par conséquent, je propose d’essayer d’analyser quelle serait la signification d’un tel retrait ?
Quels en seraient les gains stratégiques ?
D’où l’importance de prendre en compte tous les gradients des rapports diplomatiques en termes de rupture afin d’en tirer des comparaisons nous enseignant sur l’impact d’une cessation soudaine de nos relations avec l’OIF.
Est-ce que le silence ferait plus de bruits ?
En 2012 déjà, Abdou Diouf, ancien Secrétaire Général de l’OIF, déclarait que :
« L’avenir de la Francophonie se trouve en Afrique, elle recèlerait 85% des 750 millions de francophones en 2050. Nous pouvons dire que nous le devrons pour une grande part à la Francophonie congolaise. »
Il appartient donc à la RDC de prendre conscience de sa position stratégique d’un point de vue géopolitique mais aussi de comprendre que les atouts majeurs qu’elle possède peuvent faire d’elle, un leader sur la scène francophone.
Bestine Kazadi
Représentante Personnelle Du Chef de l’État près L’OIF