Insécurité dans l'Est de la RDC : le professeur Bernard Lututala propose au gouvernement de mettre en place une politique migratoire adéquate et de déclencher le recensement de la population

Bunagana, Ph. DT
Bunagana, Ph. Droits tiers

La partie Est de la RDC est en proie depuis plusieurs décennies à des violences de la part des groupes armés locaux et étrangers.  Le 13 juin 2022, la cité de Bunagana, située à quelques kilomètres de la ville de Goma, à la frontière avec le Rwanda et l'Ouganda, a été prise par les rebelles du M23 appuyés par le Rwanda. Ce groupe poursuit avec d'autres attaques pour élargir sa zone d'influence. Cette violence entraîne plusieurs milliers de déplacés dans la zone à conflit. Le gouvernement, la société civile, l'opposition voire les scientifiques ne cessent de faire des propositions pour des solutions pérennes face à cette situation.

C'est notamment le cas du démographe congolais, Bernard Lututala Mumpasi, spécialiste et expert en étude des migrations nationales et internationales. Il propose la mise en place d'une politique migratoire adéquate et le recensement de la population. Pour Bernard Lututala Mumpasi, le profil de ceux qui peuvent vivre au Congo doit être prédéfini.

« Qui est habilité à vivre en RDC ? Est-ce qu'on arrive à faire la distinction entre la question de la  migration, c'est-à-dire la personne qui décide de venir vivre en RDC, qu'on accueille et intègre et celle  de la nationalité, donc qui est congolais et qui ne l'est pas ? », s'est-il interroge dans une interview accordée à ACTUALITE.CD

Il note, par ailleurs, que la situation qui sévit dans l'Est du pays actuellement est consécutive à l'amalgame et à la légèreté avec lesquelles les autorités du pays ont traité la migration des populations des pays voisins qui fuyaient la guerre chez eux. 

« C'est à partir du moment où on a fait de l'amalgame et la confusion entre ces deux éléments qu'on a favorisé les migrations forcées et clandestines. La situation sociopolitique au Rwanda notamment le génocide de 1994 a fait plus de 2 millions de déplacés qui se sont déversés dans les provinces frontalières. On n'a pas été capable de contrôler leur souci de s'intégrer et de devenir congolais. C'est ainsi qu'ils sont arrivés aujourd'hui et se sont déclarés congolais demain », a ajouté ce professeur des universités.

Pour plusieurs acteurs, cette situation pourrait être même à la  base de l'infiltration au niveau des institutions, de l'armée et de la population. C’est une hypothèse que ce chercheur ne rejette pas non plus. D’où la nécessité, à en croire M. Lututala, pour le gouvernement, de déclencher le processus de recensement.

« La bonne politique migratoire fait aussi référence aux mesures à mettre en place pour gérer les étendues que nous avons chez nous. Mais il faut d'emblée procéder par vouloir savoir qui est qui, identifier les étrangers, et créer une base des données et commencer à les suivre de près. Ceux dont on aura trouvé qu'ils ont des capacités à même de contribuer au développement du pays, on leur octroie la nationalité par exemple. C'est comme ça que ça se passe même aux USA », a dit cet ancien recteur de l'Université de Kinshasa (UNIKIN) et de l'Université Kongo (UK).

Le gouvernement actuel fait du recensement et de l'identification de la population son cheval de bataille pour se conformer aux standards des Nations Unies. Le 5 juillet 2021, Sama Lukonde, Premier ministre de la RDC, parlait de la mise en place d'une commission interministérielle pour l'organisation du recensement. Après le conseil des ministres du 4 janvier 2022, il a été décidé que ces opérations soient lancées au même moment que l'enrôlement de la population pour les élections de 2023.

Le gouvernement avait indiqué que ces opérations devraient coûter 250 millions de dollars et s'étendront sur une période de 18 mois. L'opposition y voit un alibi pour le glissement. Le dernier recensement a eu lieu en 1984 en RDC, à l'époque où le pays s'appelait Zaïre.

Bruno NSAKA