La semaine qui s’achève a été particulièrement marquée par une mobilisation contre les violences domestiques et conjugales, mais aussi par la question RAM et l'aboutissement du processus de désignation des animateurs de la CENI. Annie Matundu Mbambi revient sur ces faits marquants.
Bonjour Madame Annie Matundu et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours et vos actions ?
Annie Matundu : Je suis consultante en genre et développement, militante pour les droits des femmes depuis 28 ans maintenant. J'ai une double maîtrise en finance publique et planification économique de l'université d'Etat d'Anvers en Belgique. Présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (Wilpf RDC), membre du Conseil consultatif de l’ONU Femmes en RDC enfin, assistante au Panel qui accompagne le mandat de la RDC à la tête de l'Union Africaine. En termes d'actions, nous en avons mené plusieurs. Je peux en épingler deux. J'ai mené un plaidoyer du temps de Zaïre auprès du président Mobutu pour faire basculer les instituts techniques d'enseignement médical autrefois sous la tutelle du ministère de l'éducation au ministère de la santé. J'ai aidé quelques pays d'Afrique, la RDC y compris, dans l'obtention du plan d'actions national de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies. J'ai même écrit un glossaire des termes de la 1325 et ses résolutions connexes de l'Agenda Femme, Paix et sécurité. Il y a plusieurs autres actions que je continue à mener pour faire avancer les droits spécifiques des femmes dans notre pays.
La semaine a été marquée par une mobilisation autour de la lutte contre les violences basées sur le genre particulièrement domestiques et conjugales. L’alliance internationale des femmes avocates (AIFA-RDC) a lancé une campagne de sensibilisation des écoliers, IPAS a organisé un atelier sur des contenus intégrés dans une boîte à discussion, Sofepadi a pensé à enrichir et adopter les conclusions des travaux de recherche sur le cadre légal congolais en matière des violences domestiques. Que représente cette mobilisation pour vous ?
Annie Matundu : Cette mobilisation sans précédent démontre que l'impunité demeure, mais nous devons maximiser les efforts pour la faire cesser. Plus les violences sont quotidiennement tolérées, plus les prédateurs se sentent tout permis. Cette mobilisation s'associe à notre engagement féministe qui se comprend comme le refus des inégalités commises entre les hommes et les femmes. Nous serons mobilisées jusqu'à obtenir la diminution des violences faites aux femmes sous toutes les formes.
Selon vous, que manque-t-il à la RDC pour se doter d’un cadre légal sur les violences domestiques et conjugales ?
Annie Matundu : Nous avons assisté dernièrement à un atelier sur la proposition de loi modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais pour essayer de voir comment on peut proposer une loi sur les violences domestiques. Le grand problème, c'est le contexte pour la proposition de cette loi suite à des cas de violences domestiques en RDC, l'absence des services de prise en charge holistique des victimes et de cadre légal spécifique. L'état actuel de la législation congolaise ne distingue pas les violences faites à la femme, ni la prise en charge au niveau du ménage, de la famille et en rapport avec l'autonomisation économique de la femme. Nous devons aider les institutions à prendre des mesures aux avantages de la prévention et de la réponse aux violences domestiques, soutenir la révision et la mise en œuvre intégrale de la Stratégie Nationale de lutte contre les violences basées sur le genre en RDC en définissant les actions spécifiques.
Le 11 octobre, la RDC s’est jointe au monde pour célébrer la journée internationale de la fille autour du thème “Génération numérique, notre génération”. Que faut-il pour que les jeunes filles congolaises exploitent à bon escient les opportunités du numérique selon vous ?
Annie Matundu : c'est une journée pour permettre aux filles de faire entendre leurs voix et de se mobiliser pour leurs droits. Je crois que nous devons interpeller les membres du gouvernement, les responsables du secteur de l'éducation ainsi que les parents afin de garantir un accès équitable des filles à l'éducation et aux appareils numériques en vue de leur permettre d'accéder aux opportunités et d'en faire bon usage et jouer un rôle innovateur dans les domaines des Nouvelles technologies de l'information et de la communication.
L'Assemblée nationale a entériné hier samedi le choix de Denis Kadima comme président de la commission électorale lors d'une plénière. Comment analysez vous le dénouement de cette longue attente?
Annie Matundu : Nous avons appris l'entérinement de Monsieur Denis Kadima par l’Assemblée Nationale ce samedi. Pour moi, c'est un dénouement du processus de désignation des membres de la CENI. Cela va faire plus d'une année que la population attendait l'aboutissement de ce processus. Et surtout, nous avons la composante des femmes dans cette plénière. Nous lui souhaitons plein succès dans ce travail au niveau de Commission électorale pour porter haut l'étendard de la femme congolaise.
Au sujet de la taxe RAM, le gouvernement a promis de donner sa position au prochain conseil des ministres, après les plaintes enregistrées auprès de la population et des élus nationaux. Quelles sont vos recommandations à ce propos ?
Annie Matundu : je crois qu'il y a un souci avec cette taxe parce que la population n'a pas été suffisamment sensibilisée sur l'importance et les objectifs du Registre d'appareils mobiles (RAM). Je suivais les ondes d'une de nos radios locales l'une des plaintes concernant la taxe, le prélèvement des unités même lorsqu'une personne voudrait passer un appel d'urgence. Il faut une sensibilisation. Je laisse la possibilité au gouvernement aussi de faire son travail.
Les FARDC ont lancé en cours de semaine, le recrutement des jeunes qui veulent servir sous le drapeau national. En somme, l’armée envisage de recruter 400 jeunes dont l'âge varie entre 18 et 25 ans à Beni, Butembo et Lubero. Que pensez-vous de cette opération ?
Annie Matundu : c'est une bonne stratégie pour soutenir les FARDC. Mais, je propose que des critères (éthique, moralité, diplôme de 6ans) soient attachés à ce recrutement pour que nous ayons effectivement une armée régalienne.
Treize personnes ont été tuées, plusieurs blessées et une cinquantaine de maisons incendiées en trois jours des violences entre deux communautés qui se disputent des terres dans le territoire de Kungu (Sud-Ubangi), au nord-ouest de la République démocratique du Congo. A la base de ces violences, il y a des disputes sur les limites de ces deux groupements qui remontent à 1982. Comment prévenir les violences communautaires en RDC selon vous ?
Annie Matundu : C'est vraiment dommage, les violences qui se commettent dans ce territoire. Il y a des programmes de réduction de la violence communautaire, c'est un travail qui doit se faire en synergie entre différents acteurs, le gouvernement, la société civile et les partenaires techniques et financiers mais aussi une réelle implication au niveau de la communauté.
Un dernier mot ?
Annie Matundu : Nous devons aimer la RDC, être réellement des patriotes et collaborer ensemble pour la paix et essayer d'amener le développement dans ce grand continent qu'est la RDC.
Propos recueillis par Prisca Lokale