RDC : « il faut se lancer dans l’agriculture avec des objectifs et des moyens financiers de base », Marie-Thérèse Bakari 

Photo/ Droits tiers
Photo/ Droits tiers

Depuis 2018, Marie-Thérèse Bakari et quelques membres de sa famille proposent des produits agricoles grâce à leurs champs situés au Nord-Est de la ville de Kinshasa. Maïs, maniocs, patates douces, sont parmi les cultures clés de la « Fondation Lwenge ». Ce 03 septembre, dans un entretien accordé au Desk Femme, elle revient sur les défis qu'elle rencontre au quotidien.

Bonjour Madame Marie-Thérèse Bakari, merci de nous accorder de votre temps. Quelles sont vos principales activités dans l’agrobusiness ? 

Marie-Thérèse Bakari : je suis dans ce secteur depuis 2019. Nous avions acheté nos terres une année plus tôt dans la commune de Maluku. Nous faisons la culture du manioc, des patates douces, du maïs, du pondu  (feuilles de maniocs) et des matembele. Nous avons actuellement sept hectares de terres déjà exploitée. 

 Qu’est-ce qui vous a motivé à intégrer ce secteur ? 

Marie-Thérèse Bakari : je me suis rendue compte de l’étendue de terre agricole que possède la RDC mais qui reste inexploitée. Aussi, lors de nos voyages vers certains pays africains et européens, nous avons réalisé que l’agriculture est l’activité de base de plusieurs communautés. Tant que l’on a des terres, il faudrait qu’elles soient exploitées pour essayer d’éradiquer la famine. Plus les produits seront en abondance sur le marché, plus les prix seront réduits et cela permettra à tout citoyen d'avoir des revenus moyens et de pouvoir se nourrir. 

Quels défis avez-vous rencontré vos débuts ? 

Marie-Thérèse Bakari : la première difficulté était celle de se procurer les documents officiels pour l’achat des terres (l’urbanisme, le cadastre...). Il y avait aussi le manque d’engins agricoles (il fallait recourir à la main-d’œuvre manuelle), il n’y avait pas de coopératives qui vendent des grains (semences), le vol de nos produits, l’acheminement des produits du champ vers les marchés.

Pensez-vous les avoir tous relevés? 

 Marie-Thérèse Bakari : non et oui. Nos produits continuent à être volés (les maïs, les maniocs, le pondu, les patates douces). Nous avions creusé un four pour nos charbons, tout nous a été volé. Nous avons toujours un problème d’engins, de central d’achat des semences aussi. Cependant en une année, nous nous sommes procurés tous les documents nécessaires et nous avons lancé nos activités. 

Quelle leçon avez-vous tirée de votre expérience ?

Marie-Thérèse Bakari : il faut se lancer dans l’agriculture avec des objectifs et des moyens financiers de base. Lorsqu’une personne ne dispose pas suffisamment des moyens, elle risque d’acheter une terre, l’exploiter et voir celui qui la lui a vendue, la reprendre et revendre à une autre personne. Aussi, il faudrait se lancer très vite à l’exploitation de sa terre. Il faut se trouver des gardes en permanence ou plus ou moins réguliers pour la sécurisation de ses produits.  

Le FAO et plusieurs autres experts affirment que la RDC dispose d’environ 80 millions d’hectares de terres arables et 4 millions de terres irrigables dont seulement 1% est cultivé. Qu’est-ce qui manque selon vous ? Et que faire pour booster le secteur agricole en RDC ?

Marie-Thérèse Bakari : comme je l’ai dit plus haut, la RDC dispose d’énormément des terres. Je pense qu’il manque juste de la volonté politique. Nos terres agricoles ne sont pas exploitées à un niveau industriel et nous nous retrouvons avec des firmes chinoises qui se donnent à l’exploitation. Je pense qu’il faut une politique bien définie pour le secteur de l’agriculture.

Parlez-nous de vos productions. Comment avez-vous évolué les dernières années ?

Marie-Thérèse Bakari : lorsque nous récoltons nos pondus (feuilles de maniocs), nous les acheminons vers les principaux marchés de Kinshasa. En ce qui concerne le manioc et les patates douces, nous faisons venir  les clients dans nos champs et procédons à la vente sur place. Nous sommes à plus de deux récoltes actuellement. Nous y allons au moins deux fois par semaine. Le reste des jours de la semaine nous permet de nous reposer et vaquer à d’autres occupations.  

Marie-Thérèse Bakari a pour objectif d’inonder le marché congolais avec les produits de ses terres. Elle plaide pour une politique agricole, pour la location d’engins au niveau local. La Fondation Lwenge travaille aussi dans l’encadrement et l’autonomisation de la femme en offrant des formations notamment en coupe et couture, cordonnerie, hygiène et assainissement.

Propos recueillis par Prisca Lokale