Depuis quelques temps, parler éducation en RDC rime avec gratuité de l’enseignement. Ce qui n’était qu’une promesse de campagne, muée en programme de Gouvernement, est devenu en deux ans, selon certains dirigeants politiques, et non des moindres, une réalité sur terrain.
Quel que soit l’avis de chacun d’entre nous sur l’effectivité de la gratuité en RDC, nous devons, dans nos réflexions sur l’éducation, aller au-delà de ce concept, parfois mal compris et souvent mal interprété.
En outre, au regard des problèmes abyssaux dont regorge notre système éducatif, lier la question de l’effectivité ou non de la gratuité à une quelconque « réussite » en matière de politique éducative est réducteur et n’équivaut qu’à une goutte d’eau dans un océan. En effet, entasser des élèves dans des salles de classe n’est pas considéré comme étant une politique éducative pertinente pour un pays.
Cette question, très politisée de nos jours, déchaine en effet les passions. Certains soutiendront l’idée selon laquelle la gratuité de l’enseignement, inscrite dans notre Constitution en son article 43, a commencé en 2010 de manière progressive et ne concernait que les 3 premières années du primaire sur l’étendue de la République à l’exception de Kinshasa et Lubumbashi. D’autres affirmerons que cela n’a jamais existé et que « cette importante décision qui a débuté à la rentrée 2019-2020 a permis à plus de 4 millions d'enfants d'intégrer ou de réintégrer le système éducatif en allant à l'école », contredisant ainsi de manière flagrante les données de la Banque mondiale, disponibles sur son site internet, qui estime à 3,5 millions le nombre d’enfants du niveau primaire en dehors de l’école.
Loin de nous l’idée de vilipender ceux qui œuvrent nuits et jours, parfois de façon obsessionnelle et compulsive, pour l’effectivité de la gratuité. Cependant, force est de constater qu’au nom de celle-ci, ont été sacrifié des fondamentaux. A ce titre, ne sommes-nous pas en droit de nous demander qu’en est-il de l’extension de la Mutuelle de Santé des Enseignants ? De même, quid du Projet de promotion des langues nationales à l’école (ELAN) ? Quid de la pérennisation du Projet PAQUE visant à améliorer la qualité des enseignements et renforcer la gestion sectorielle et qui s’achève en Aout 2021 ? Quid de la pérennisation du projet d’amélioration de l’enseignement et apprentissage des mathématiques et des sciences (PEQPESU) qui prend fin en décembre 2021 ? Quid de l’évaluation à mi-parcours de la Stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation ?
En effet, les fondamentaux évoqués ci-dessus qui semblent avoir été oublié ou mis entre parenthèse au profit du sensationnel, ont été bien identifiés par les experts en éducation congolais avec l’appui des partenaires éducatifs internationaux et sont répertoriés en 3 catégories. Ainsi, en sus de l’effectivité de la gratuité, qui à elle seule ne saurait résoudre tous les maux de système éducatif, nous invitons les responsables en charge du secteur de se pencher avec célérité sur les 3 axes suivants :
L’accès à l’éducation : la nécessité de construire et d’équiper des salles de classe en tenant compte des personnes vivant avec handicaps, afin de rapprocher l’école du lieu d’habitation, ainsi réduire la distance que l’élève aurait à parcourir pour se rendre à l’école.
La qualité de l’éducation : l’accroissement la formation continue (recyclage) des enseignants, mettre à la disposition des écoles des manuels scolaires pour les élèves et des guides pédagogiques pour les enseignants.
La gouvernance du système : la mise en place d’une planification et d’une gestion efficace et efficiente du système éducatif.
Comme l’a bien souligné M. Mabiala Ma-Umba, ancien Directeur de l’éducation et de la jeunesse à l’Organisation International de la Francophonie, dans un article publié en décembre 2020, il est impérieux de réfléchir au-delà de la gratuité de l’enseignement afin de bâtir un système éducatif adapté aux réalités du 21ème siècle.
Certes, les reformes éducatives prennent du temps à se matérialiser et les jalons plantés prennent des années à se faire ressentir. Cependant, rappelons-nous que l’une de plus grandes réformes de notre système éducatif ces 15 dernières années, l’informatisation des résultats de l’examen d’état, n’a pris que deux ans pour se matérialiser. Il est donc possible d’entreprendre, sinon d’amorcer des réformes structurelles profondes et nécessaires pour l’amélioration du secteur de l’éducation en RDC.
Malheureusement, à deux ans de l’élection présidentielle, nul doute que la gratuité de l’enseignement sera au centre des débats et des enjeux politiques de campagnes. Les officines politiques affutent dès à présent leurs angles de communication avec son lot de chiffres fantaisistes et non vérifiés. La gratuité de l’enseignement, pour certains, un succès en béton d’envergure national ; pour d’autres un échec cuisant émanant d’un manque de planification et d’une gestion chaotique du secteur, ne manquera nullement de défrayer les chroniques.
Jean Paul Mbuyamba
Expert en Éducation avec plus de 10 ans d’expérience dans le secteur de l’éducation en Afrique. Expérience dans les organismes du système des Nations Unies, dans le secteur privé ainsi que dans le public, au Ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel.
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