RDC : la liquidation forcée de la BIAC reste l’unique voie pour indemniser épargnants, travailleurs et créanciers lésés

Le bâtiment de la BIAC sur le boulevard du 30 juin à Kinshasa/Ph droits tiers

L’action des actionnaires de la BIAC au Conseil d’Etat bloque le processus de liquidation forcée enclenché par la Banque centrale du Congo (BCC) début octobre 2020. Pourtant, l’unique solution pour désintéresser les déposants, les anciens travailleurs et les créanciers lésés reste cette liquidation forcée de la BIAC. 

Le dossier BIAC est une épreuve grandeur nature pour jauger de la maturité de la Justice Congolaise à dire le droit. Entre les actionnaires et dirigeants qui ont précipité la BIAC à la faillite et les nombreuses victimes de cette mauvaise gestion que sont les déposants, les tiers créanciers lésés et les anciens travailleurs, le Conseil d’Etat est appelé à faire la justice dans cette affaire alors que cette situation de faillite déclarée perdure depuis mai 2016.

Dans la dynamique actuelle de l’état de droit, le SOS des victimes de la gestion de la BIAC devrait être pris en considération par les institutions de la République en commençant par le Président de la République qui est la plus haute institution du pays, ainsi que par les instances judiciaires dûment saisies du dossier.

L’inquiétude est qu’il s’observe actuellement un statu quo alors que le processus de liquidation forcée de la BIAC, qui devrait désintéresser toutes les parties prenantes lésées, a été court-circuité par le Conseil d’Etat à la suite de la requête de l’actionnaire majoritaire, le groupe Elwyn Blattner.

Il est temps que les instances judiciaires saisies puissent s’activer à dire régulièrement le droit, notamment en cherchant à s’imprégner objectivement des réalités du dossier, tout en sachant que de nombreux déposants, travailleurs, et tiers créanciers lésés par les actes de mégestion, fraude et détournements des actionnaires de la Banque dissoute, demeurent à l’attente du secours du même appareil judiciaire pour être restaurés dans leurs droits.

De même, le Parquet général près la Cour de Cassation, devrait réactiver le traitement de la plainte introduite par la Banque centrale du Congo (BCC) et sa demande de mesures conservatoires à prendre à l’égard des actionnaires, anciens administrateurs et dirigeants de la BIAC dissoute.  Jusqu’à ce jour, ces actionnaires et autres dirigeants n’ont jamais été inquiétés du fait de leur mauvaise gestion.

Rappelons que la décision de la BCC, du 10 octobre 2020, en tant qu’Autorité de régulation et de contrôle, de placer sous liquidation forcée la BIAC procède des raisons suivantes : l’incapacité des actionnaires à apporter des capitaux frais, la persistance de la dégradation de la situation financière de la BIAC, les actions de sape de toutes les mesures de redressement envisagées par le Comité d’administration provisoire par les actionnaires de la BIAC en initiant sans succès une tentative de liquidation volontaire de cette banque, en boycottant les différentes Assemblées générales convoquées par l’Administrateur provisoire et en démobilisant les clients débiteurs et le personnel contre les actions de recouvrement de ce dernier.

C’est donc face à cette situation et dans le but, tant de sauvegarder l’épargne du public que de préserver la stabilité du système bancaire congolais, en l’absence de toutes perspectives de redressement soit par les actuels actionnaires, soit par un repreneur crédible, il s’est avéré impérieux pour la banque centrale du Congo, de déclarer la dissolution forcée de la BIAC.

Dès lors, il est étonnant que la Section Contentieux du Conseil d’Etat ait pris, en date du 10 novembre dernier, une ordonnance en Référé-Suspension notifiant la suspension de la mesure de dissolution forcée de BIAC SA prise par la BCC et celle relative à la désignation du liquidateur indépendant, le Groupement AB LEGAL VAN CUTSEM-GLOBAL BUSINESS CONSULTING-LUBALA & ASSOCIES (AGL).

De l’avis des experts, l’exploit judiciaire de la Section Contentieux du Conseil d’Etat à la requête des actionnaires de la BIAC énerve le dispositif légal et réglementaire en vigueur en ce que : (1) il viole la Constitution qui consacre l’indépendance de la BCC, (2) il remet en cause les actes pris par cette dernière dans le cadre de son pouvoir juridictionnel en tant qu’Autorité de régulation et de contrôle du secteur bancaire en RDC et (3) il saborde totalement certaines dispositions pertinentes de la Loi bancaire en vigueur.

Pourtant, la BCC est dans son rôle juridictionnel de veiller à la protection de l’épargne du public et à la préservation de l’intégrité et la crédibilité du système financier congolais.

Il sied d’indiquer que les actionnaires et les organes dirigeants de la BIAC, selon l’Autorité de régulation, portent la responsabilité de la faillite de cette banque en violant les règles prudentielles édictées par la Banque centrale du Congo, notamment par la dilapidation de l’épargne du public, l’octroi des crédits sans garanties, dont une partie significative aux sociétés apparentées à l’actionnaire majoritaire.

A noter que la BIAC était une banque d’importance systématique en RDC, représentant à fin décembre 2015 : 11% de la part de marché en termes du total du bilan, 12% de part de crédits distribués dans le système et (3) 12% des dépôts collectées. Bien plus, 55% de ses dépôts provenaient des ménages. Cette banque entretenait 163 283 comptes ouverts à sa clientèle au travers d’un réseau constitué de 82 points d’exploitation sur l’ensemble du territoire national et employait un effectif global d’environ 2 000 personnes.

Amédée Mwarabu