Est de la RDC: au-delà de sa mission, l'armée ougandaise renforce sa présence pour des intérêts géopolitiques et économiques

L'UPDF progressant vers Mabenga
L'UPDF progressant vers Mabenga

Alors que de vastes étendues des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu sont sous contrôle de la rébellion de l'AFC/M23 soutenue par l'armée rwandaise, l'Ouganda via la Force de défense du peuple ougandais (UPDF) renforce également sa présence surtout dans la province de l'Ituri. Selon le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies consulté par ACTUALITE.CD en ce mois de juillet, ce renforcement va au-delà de la mission des opérations conjointes avec les FARDC dans la traque des islamistes ADF. 

En février et mars 2025, rappelle le rapport, sans l'approbation du gouvernement de la RDC, l'UPDF a déployé plus de 1 000 soldats et un matériel militaire considérable à Bunia, ainsi que dans les territoires de Mahagi et de Djugu. L'opération était commandée par le général de division Félix Busizoori, commandant de la 4e division d'infanterie, et ne relevait ni du mandat ni de la chaîne de commandement de l'opération Shujaa.

"L'UPDF a justifié son déploiement comme faisant partie des opérations ciblant la CODECO, invoquant le rôle du groupe dans les attaques systématiques contre la population hema dans le territoire de Djugu. Cependant, les « intérêts » ougandais que l’UPDF dépassent le cadre de la protection des civils et se concentrent sur des intérêts géopolitiques et économiques majeurs, tels que le commerce des minerais et de l’or, l’exploitation pétrolière et gazière du lac Albert, ainsi que d’autres échanges commerciaux transfrontaliers et contrats lucratifs", lit-on dans le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies.

D'après le rapport, la présence de l’UPDF à Bunia était perçue comme une menace par les FARDC, les autorités provinciales et la communauté Lendu.

"Afin de désamorcer les tensions reconnaissant la capacité limitée de la RDC à engager une deuxième armée étrangère le président Tshisekedi a accepté le déploiement a posteriori et a dépêché le général Tchaligonza, chef d’état-major des opérations des FARDC, et le vice-ministre de la Défense, Samy Adubango, pour dialoguer avec les dirigeants de l’UPDF en Ituri afin de normaliser les relations. Des efforts modestes ont notamment été déployés, notamment la mise en place de patrouilles conjointes UPDF-FARDC dans certaines zones en mars 2025", ajoute le rapport du groupe d'experts des Nations-Unies.

Le déploiement de l'armée Ougandaise dans certaines zones de la province de l'Ituri a été mal perçu par le groupe armé CODECO. Cette situation a été à la base des violents affrontements entre les deux organisations.

"En mars, l'UPDF a établi des camps près de Fataki, le long de la RN27, une zone récemment touchée par les attaques de la CODECO. Ce déploiement a constitué une étape clé dans la sécurisation du corridor de la RN27, qui revêt une importance stratégique pour l'UPDF afin de rétablir les flux commerciaux entre l'Ituri et l'Ouganda. La CODECO/URDPC a perçu les déploiements de l'UPDF comme dirigés contre ses combattants et la communauté lendu dans son ensemble. La CODECO-URDPC et l'UPDF ont engagé des semaines de combats intenses et de fréquents bombardements de la part de l'UPDF, qui ont notamment touché le village lendu d'Ar'r, détruisant des habitations civiles. La CODECO/URDPC a enregistré de lourdes pertes et un nombre non divulgué de l’UPDF ont été tués".

D'après toujours le document, le déploiement de l'UPDF à Djugu, conjugué aux déclarations publiques incendiaires du chef des forces de défense ougandaises, le général Muhoozi Kainerugaba, défendant la communauté hema et menaçant la CODECO risquait d'exacerber les tensions intercommunautaires. 

"Ces inquiétudes trouvaient leur origine dans la précédente intervention de l'UPDF en Ituri au début des années 2000, qui avait donné lieu à des attaques meurtrières contre des villages lendu aux côtés des milices hema, exacerbant ainsi le conflit ethnique. La présence de l'UPDF dans le territoire de Djugu a également posé des défis opérationnels aux efforts de la MONUSCO pour protéger les civils, en attendant une clarification officielle de son mandat et de sa zone d'opérations. L'UPDF s'est déployée dans des zones qui recoupent les zones d'intervention de la MONUSCO, en particulier dans les sites accueillant des déplacés internes. Ce chevauchement soulève des inquiétudes quant à la coordination opérationnelle, notamment compte tenu de l’absence de communication et de coordination entre les deux forces", souligne le rapport.

À la suite du tôlée suscitée par le renforcement des troupes Ougandaises en Ituri, le général d'armée Muhoozi Kainerugaba, fils de Yoweri Kaguta Museveni et chef d'État major général de l'armée ougandaise et le lieutenant général Jules Banza Mwilambwe, chef d'État major des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont signé, vendredi 20 juin, à Kinshasa, le mémorandum d'entente révisé sur les opérations conjointes Shujaa contre les terroristes ADF-MTM. 

Selon le général major et porte-parole des FARDC, Sylvain Ekenge, le nouveau mémorandum d'entente réactualisé en fonction de l'évolution actuelle de la situation sur le terrain prévoit le renforcement des opérations contre les ADF sur le terrain et leur élargissement dans les territoires de Mambasa en Ituri. Ces opérations conjointes seront également étendues contre les groupes armés auteurs de l'insécurité dans la province de l'Ituri plus particulièrement dans les territoires de Djugu, Irumu, Mahagi et Aru. 

Pour appuyer ces opérations, il a été décidé du maintien de l'équipe conjointe des renseignements. L'autre point inscrit dans le nouveau document est la sécurisation conjointe des travaux de réhabilitation de la route Kasindi - Beni - Butembo.

Clément MUAMBA