RDC : grâce aux feedbacks communautaires, Mercy Corps a aidé à changer la perception dans l’éradication d’Ebola dans l’Est

Point de lavage de mains pour lutter contre Ebola/ Ph droits tiers

L’éradication de la 10e épidémie d’Ebola dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) a aussi été un succès grâce à la prise en compte des feedbacks communautaires établis par les acteurs impliqués dans la riposte et les communautés, reconnaît Mercy Corps, l’une des ONGs en première ligne dans cette lutte.   Mercy Corps qui s’apprête à clôturer le projet LEVER (Lutter contre Ebola via l’Engagement des communautés redynamisées), projet d’urgence Ebola, affirme à ACTUALITE.CD que cette stratégie feedbacks communautaires a permis la collecte et la prise en compte des rumeurs, perceptions, et d’autres enjeux de la désinformation au sein des communautés touchée par cette épidémie au Nord-Kivu.

Il y a six mois, depuis le 25 juin 2020, le gouvernement Congolais déclarait la fin de la dixième épidémie d’Ebola. La maladie a fait plus de 2 000 morts dans trois provinces de l’Est, notamment l’Ituri, le Nord et le Sud-Kivu.

Selon les autorités congolaises, il s’est agi de la plus complexe, longue et meurtrière épidémie jamais connue dans l’histoire d’Ebola au pays. Plusieurs paramètres ont aggravé la situation, y compris la circulation des rumeurs et fausses informations contre l’épidémie.

En juillet 2019, le gouvernement congolais avec ses partenaires impliqués dans la riposte ont mis en place plus de quatre plans stratégiques de la riposte (SRP), la stratégie la plus récente est le SRP4 qui a servi de soubassement au projet LEVER de Mercy Corps et ses partenaires de mise en œuvre (OXFAM, Alert International, Care International, Coracon), à développer cette approche de collecte des feedbacks communautaires, une façon de mettre les préoccupations et questions des bénéficiaires au centre des toutes les activités programmatiques.

« Nous savons que dans la communauté il y a des rumeurs qui circulent, il y a des mauvaises perceptions autour de la maladie à virus Ebola, autour des interventions humanitaires, ces mauvaises perceptions créent une résistance dans la communauté.  Maintenant nous avons un volet de collecte des perceptions communautaires de la maladie à virus Ebola ou Covid-19. Cette collecte a pour objet de recueillir les perceptions des gens, les rumeurs, les questions qu'ils ont et nous faisons un retour dans la communauté soit en fournissant des réponses directes à travers plusieurs canaux comme des affiches, des émissions radios, des réunions ou dialogues communautaires ou en termes d’activités programmatiques dans certains cas », explique à ACTUALITÉ.CD, Serges Mabingo, chef d'équipe engagement communautaire chez Mercy Corps à Beni et Mabalako.

t

L’organisation a déployé un réseau d’acteurs sur terrain qui remonte chaque jour, à l’aide des téléphones mobiles avec le logiciel appelé CTO, des perceptions des communautés aux acteurs chargés d’y apporter une solution.

« La collecte se fait par nos agents terrains, nous avons des promoteurs de santé qui sont dotés chacun d'un téléphone Android. Tous vont sur terrain, peut-être dans une réunion communautaire, dans un dialogue, dans une formation quelconque, ils sont des membres de la communauté, ils connaissent bien leur communauté. Ces gens-là récoltent ce que la communauté pense vis-à-vis de plusieurs questions. Ils synchronisent, nous avons une équipe diversifiée qui essaye un peu de compiler les perceptions émises par la communauté, en plus, nous avons une équipe terrain qui essaye un peu d'analyser et apporter les réponses par rapport à des rumeurs qui circulent. Par exemple, La maladie à Virus Ebola est pour les pauvres et celle du COVID-19 est pour les riches, c'était une rumeur fréquente vers le mois d'avril 2020. Face à ces genres de rumeurs, nous essayons d’apporter les réponses via les éléments établis par le ministère de la santé. On se base sur ces éléments appuyés par les experts et puis on fait maintenant un retour de ces réponses dans la communauté », explique Serges Mabingo.

Une stratégie à capitaliser pour d’autres interventions

L’approche des feedback communautaires mise en place par Mercy Corps et ses partenaires a permis de mener des activités appropriées et à créer un climat de confiance et d'acceptation dans les zones d’intervention en brisant toute forme de résistance possible, élément moteur qui constitue un obstacle majeur dans la guerre contre la Maladie à Virus Ebola.

C’est ce que reconnaît Charmante Kavira Syahava. Cette étudiante dans une université de Beni se rappelle encore des graves conséquences des rumeurs pendant la riposte contre Ebola dans sa communauté de Mukulya. Des jeunes de son quartier, désinformés que des agents de riposte étaient impliqués dans le trafic d’organes humains des victimes d’Ebola bloquaient l’accès aux humanitaires, empêchant ainsi leur intervention quand ils voulaient isoler des malades d’Ebola.

« A l’époque d’Ebola, il y avait une certaine résistance, parce que la communauté n’avait pas encore compris c’était quoi la maladie, elle avait une perception contraire à la réalité. Et quand les humanitaires ont pris en compte et apporté des réponses, cela a permis aux communautés de comprendre la maladie », se rappelle Charmante.

L'étudiante apprécie cette approche de « feedbacks communautaires ».

« C’est une approche qui a permis aux communautés de comprendre certaines choses, certaines actions que les humanitaires mènent dans la communauté. Je suis satisfaite de cette approche, ça nous permet d’avoir des réponses, une nouvelle perception face aux rumeurs pour aider la communauté. Il faut tenir compte de perceptions de communautés dans la réalisation des actions de communautés, ça permet d’apporter des réponses à certains problèmes », recommande-t-elle. 

Mercy Corps pense que l’expérience positive tirée dans l’approche de collecte des feedbacks communautaire devra être appliquée sur d’autres projets d’urgence ou de développement exécutés en RDC même ailleurs.  Pour le seul projet LEVER, plus de 2000 feedbacks communautaires ont été remontés ce qui constitue une base de données très importantes dans l’implémentation et la réussite des projets similaires dans la province du Nord Kivu en général et dans la partie dite le grand nord en particulier. 

Yassin Kombi