BBL et injections à Kinshasa : “Certaines limites médicales ne doivent jamais être franchies” (Médecin)

Dossier BBL
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Le Brazilian Butt Lift (BBL) et les injections esthétiques connaissent un engouement sans précédent dans la capitale congolaise. Si ces pratiques séduisent de nombreuses femmes pour leurs résultats spectaculaires, elles suscitent aussi de profondes inquiétudes dans le milieu médical.

ACTUALITE.CD a interrogé Dr Grâce Nseka, gynécologue-obstétricienne depuis 7 ans, exerçant aux cliniques universitaires de Kinshasa (CUK), pour évoquer les risques liés à la santé reproductive, les limites médicales à ne pas franchir et la responsabilité des praticiens.

Docteur, les BBL et les injections peuvent-elles avoir un impact sur la santé reproductive des femmes ?

Oui, il existe des risques réels, surtout lorsque ces procédures ne sont pas effectuées dans un cadre médical strict. Le BBL, par exemple, implique souvent le transfert de graisse dans la région fessière. Une mauvaise manipulation peut entraîner des infections pelviennes, des embolies graisseuses ou des lésions tissulaires profondes qui, à long terme, peuvent affecter la fertilité. Les produits injectés dans les zones proches du bassin peuvent migrer ou créer une inflammation chronique qui perturbe la physiologie reproductive.

Y a-t-il un âge recommandé ou des profils à éviter pour ce type de chirurgie esthétique ?

Ces interventions ne devraient jamais être envisagées avant 25 ans, car à cet âge, le corps de la femme n’a pas encore atteint sa maturité anatomique et hormonale complète. Chez les femmes jeunes, les tissus sont encore souples et réactifs ; toute intervention invasive peut créer des cicatrices internes, une fibrose ou une altération du tissu adipeux, ce qui peut avoir des répercussions futures, notamment sur la grossesse ou l’allaitement.

Ces procédures présentent-elles des contre-indications spécifiques chez les femmes ?

Oui, plusieurs. Les femmes souffrant de troubles hormonaux, de pathologies gynécologiques chroniques comme l’endométriose, ou encore de troubles de la coagulation, devraient absolument éviter les BBL ou les injections volumatrices. Il faut aussi exclure les femmes enceintes ou allaitantes, car les produits injectés peuvent avoir des effets imprévisibles sur le système hormonal et, par extension, sur le fœtus ou la production lactée.

Quelles sont les principales complications observées à moyen et long terme ?

À moyen terme, les complications les plus fréquentes sont les infections cutanées, les abcès profonds, ou encore les dérèglements hormonaux provoqués par le stress métabolique de l’intervention. À long terme, certaines femmes développent des adhérences internes ou des inflammations chroniques au niveau du bassin, pouvant entraîner des douleurs persistantes ou une infertilité secondaire. Il faut comprendre qu’une intervention esthétique n’est jamais anodine : le corps réagit toujours à une injection ou une greffe, même à visée esthétique.

Y a-t-il des limites médicales ou éthiques à ne pas franchir ?

Absolument. Le problème, c’est que la quête esthétique prend souvent le dessus sur la raison médicale. Nous voyons des jeunes femmes qui s’exposent à des produits non homologués, parfois injectés par des personnes non formées. C’est un danger majeur. La limite, c’est la santé. Aucune transformation physique ne justifie la mise en péril d’organes vitaux ou de la capacité de procréer. Les médecins doivent refuser tout acte qui compromet la sécurité d’une patiente.

Que recommandez-vous aux femmes kinoises attirées par ces tendances ?

Je les conseille d’abord de consulter un professionnel reconnu, de demander à voir les autorisations sanitaires du centre et la traçabilité des produits. Ensuite, il faut prendre le temps de réfléchir : pourquoi ai-je envie de cette transformation ? Est-ce une décision personnelle ou une pression sociale ? Enfin, il faut se rappeler que la santé reproductive est une richesse. Aucune mode ne mérite qu’on la sacrifie. Le corps féminin doit être respecté, pas remodelé à n’importe quel prix.

Nancy Clémence Tshimueneka