A l’occasion de la 9ème Édition de la Conférence DRC Alternative Mining Indaba prévue à Lubumbashi du 29 au 31 octobre 2025 sous le thème “Minerais stratégiques de la RDC : entre enjeux géopolitiques mondiaux et impacts socioéconomiques locaux”, le Centre Carter, dans une mise au point de ce mardi, appelle le gouvernement congolais à améliorer les mécanismes de mobilisation et de gestion des recettes minières afin de financer le développement durable du pays.
"Les minerais stratégiques, ou “critiques”, de la République Démocratique du Congo (RDC), tels que le cobalt, le cuivre, le lithium, le germanium, le coltan et l’étain sont au cœur des enjeux mondiaux pour la transition énergétique, les technologies modernes du numérique, de l’aérospatiale et de l’armement. L’augmentation de la demande mondiale pour certains de ces
minerais a nourri, entre 2018 et 2025, un accroissement considérable des recettes fiscales du secteur minier en RDC. Selon les rapports ITIE-RDC par exemple, le secteur minier a généré plus de USD 7 milliards en 2022, alors qu’en 2017, il n’avait généré que près de USD 1,5 milliard. Pourtant, l’accroissement de cette richesse nationale, bien qu’en deçà du potentiel réel, n’a pas entrainé d’amélioration notable dans l’accès aux services publics, les investissements publics, la lutte contre la pauvreté ou les indicateurs de développement social et économique", peut-on lire dans cette mise au point du Centre Carter.
Preuve à l'appui, le. Centre Carter évoque le fait que l'Indice de développement humain n'a pas changé du fait de l'incohérence du système fiscal du pays.
"...titre d’exemple, l'indice de développement humain n'a évolué que de 0,474 à 0,481 points, entre 2018 et 2022, la RDC occupant le 180ème rang mondial sur 193 pays en la matière. Les recherches menées par le Centre Carter et ses partenaires de la société civile démontrent que ce paradoxe résulte de deux principaux facteurs. D’une part, il existe une incohérence du régime fiscal appliqué dans la pratique du secteur minier. Le code minier crée un cadre complexe de fiscalité, qui multiplie les instruments fiscaux, sans l’outillage, les capacités et le mode d’organisation nécessaires pour permettre aux autorités d’optimiser la collecte des recettes. En retour, ces incohérences du cadre fiscal ouvrent la voie à des pratiques d’optimisation et d’évasion fiscale, mais aussi de fraude et de corruption par les opérateurs miniers. Il en résulte un manque à gagner pour la RDC et des risques non nécessaires pour les investisseurs. D’autre part, le modèle actuel de gestion des recettes minières, et de façon plus large de gestion des finances publiques reste opaque, excessivement centralisé et n’inclut pas de participation citoyenne substantielle, ainsi que le prévoit pourtant le droit congolais. Les recettes sont principalement affectées au fonctionnement des institutions politiques au détriment du financement des services sociaux de base et des investissements en faveur du développement durable", a ajouté le Centre Carter.
Et de poursuivre :
"En ce moment où la RDC semble déterminée à mettre fin à son statut d’exportateur des produits miniers à faible valeur ajoutée et à créer les conditions d’une transformation locale des minerais, qui pourrait améliorer sa position dans les chaînes de valeur internationales et lui permettre de capter une plus grande part de la valeur générée par l’économie mondiale des minerais, ces constats sont cruciaux. D’une part, la faible collecte et la mauvaise utilisation des recettes ne permettent pas de réinvestir dans le développement industriel qui favoriserait une transformation locale et les effets d'entraînement sur l’économie réelle. D’autre part, le niveau de risques juridiques posé par la pratique fiscale n'incite pas les investissements additionnels dans le secteur et dans la transformation industrielle. Par ailleurs, il convient de rappeler que les projets miniers ont un impact écologique et humain fort et pèsent dramatiquement sur l’environnement et les droits humains des Congolais. La captation et la redistribution de la valeur via la fiscalité, est l’un des moyens de cette justice sociale, et sa sous optimisation est une forme de négation des droits des Congolais, qui ne reçoivent pas leur part de la valeur dont ils sont propriétaires et qui portent injustement les coûts du secteur minier".
Aujourd’hui plus que jamais, poursuit le Centre Carter, la RDC est appelée à saisir l’opportunité qu’offre la demande mondiale croissante de ses minerais stratégiques pour mettre en œuvre des réformes courageuses visant à optimiser la collecte de recettes issues des filières des minerais stratégiques et à instaurer une gestion stratégique et d’intérêt commun de ces recettes.
Pour y arriver, le pays doit appliquer certains mécanismes.
"...besoin de rationalisation du régime fiscal du secteur minier. Une rationalisation du régime fiscal du secteur minier permettrait d’optimiser les recettes minières issues des filières des minerais stratégiques tout en garantissant l’attractivité du secteur. La RDC a adopté en mars 2018 le Code Minier révisé pour corriger le déséquilibre de partage des revenus générés par l’industrie minière entre l’Etat congolais et les opérateurs miniers. Le Code Minier révisé a notamment élargi l'assiette fiscale et augmenté le taux des redevances minières, instauré l’impôt spécial sur les produits excédentaires (ISPE) et relevé de 5 à 10 % la participation de l’Etat congolais dans chaque projet minier. Il a également supprimé la clause de stabilité du régime fiscal douanier et des changes de 10 ans. La participation citoyenne exerce également un contrôle externe sur le secteur, poussant à plus de transparence et de redevabilité", a-t-il poursuivi.
José Mukendi