L'affaire mettant en cause l'ancien ministre de la Justice Constant Mutamba, se dirige vers la fin. Après une longue audience du mercredi 13 août consacrée aux plaidoiries, la Cour de cassation a pris l'affaire en délibéré et prévoit de rendre son verdict le 27 août prochain.
Devant l'assistance réunie dans la Grande Salle Marcel Lihau, l'avocat général, Sylvain Kalwila a présenté son réquisitoire, requérant une peine de 10 ans de travaux forcés contre l'ancien Garde des Sceaux congolais Constant Mutamba. Dans son exposé, il a insisté pour que la Cour de cassation déclare établie à charge de l'accusé l’infraction de tentative de détournement de 19 millions USD dans le projet de construction d'une nouvelle prison à Kisangani, chef-lieu de la province de Tshopo.
Après les réquisitions du Ministère Public, les avocats de la défense ont déchargé leur client et demandé à la Cour de l'acquitter. Pour les avocats de la défense, le Ministère Public n'a pas suffisamment produit des preuves qui peuvent conduire à la condamnation de leur client.
"Vous avez la plus haute responsabilité en décidant sur une personne qui est déférée devant vous et qu'est-ce que nous dirons à des générations futures si ce monsieur est condamné ? Si ce monsieur est condamné nous aurons un problème de conscience par rapport au droit, voilà les preuves à laquelle nous sommes appelés à réfléchir sur la justice. L'on dit que la justice congolaise est malade, nous avons encore espoir que la justice congolaise n'est pas malade et la justice congolaise ce n'est pas seulement la Cour, ce n'est pas seulement le procureur général, c'est aussi nous les avocats, nous les auxiliaires de la justice. Une façon propre de vous appeler à être apaisé, une façon propre de vous dire que vous avez la plus haute et forte responsabilité pour que vous puissiez dire le droit", a plaidé en dernier maître Jean-Paul Kitenge Kabundji, l'un des avocats de la défense.
Et de poursuivre :
"Il y a 50 ans on a jugé un ministre, un commissaire d'État et aujourd'hui c'est un ministre d'État, un ministre garde des Sceaux qui est devant vous pour que vous puissiez sanctionner. Sous toute réserve généralement quelconque messieurs de la Cour, plaise à votre Haute Cour de statuer comme de droit quant à la recevabilité de l'action qui a été initiée par le ministère public, quant au fond déclarer l'infraction non établie pour des motifs de droit qui ont été réellement évoqués ici. À titre subsidiaire si la Cour estimait que la Cour peut acquitter au bénéfice de doutes faits de défense comme de droit vous ferez bonne et valable justice".
Dans sa réplique, le Ministère Public a estimé que son réquisitoire n'a pas été ébranlé et réaffirme sa position demandant à la Cour de cassation de condamner Constant Mutamba. Occasion pour lui d'inviter les avocats de la défense à initier des formations approfondies sur les questions liées à la passation des marchés publics.
"Le prévenu n'a pas été en mesure de produire l'ANO (Avis de non objection). D'après l'article 136 tant que vous n'avez pas obtenu l'autorisation spéciale et l'avis de non objection, vous ne pouvez pas aller plus loin, vous ne pouvez même pas croire qu'il y a un contrat et je suis content que cette évidence n'a pas été renversée. À l'intention de nous praticiens des droits, nos chefs sont conscients que ce sont des matières techniques, voilà pourquoi nous sortons d'une formation en matière des marchés publics. J'encourage les Bâtonniers et les autres autorités politiques de multiplier des formations pour qu'on comprenne la technicité de cette matière, ce sont des étapes qui doivent être accomplies de manière chronologique sans avis de non objection vous ne pouvez pas aller plus loin, même pas signer le contrat", a recommandé l'avocat général Sylvain Kalwila.
Prenant la parole, le prévenu Constant Mutamba a fait prévaloir des convictions chrétiennes qui, selon lui, ne pouvaient pas lui permettre de détourner les deniers publics. Il a affirmé avoir rendu de bons et loyaux services au pays durant son passage au Ministère de la Justice.
"J'ai dû démissionner de mes fonctions de Ministre d'État, ministre de la justice et Garde des Sceaux après avoir rendu des loyaux services à la République, j'ai pris autant de risques pour ce pays face à une guerre d'agression qui était pendante, j'ai tenu bon et prêt à donner de la vie pour cette République mais aujourd'hui cette justice que je servis avec tant d'amour m'a tout arraché, mon honneur, ma crédibilité, ma dignité. Mais il y a un adage, un dicton Russe qui dit que "Ceux dont le destin est de finir pendus ne se noient pas". Ce procès de ma vie était la dernière preuve que j'attendais pour confirmer que j'étais dans le bon, dans la lutte pour la justice juste et équitable pour tous. Ça ne me serait pas arrivé, je me doutais de moi et de la lutte que j'ai menée depuis l'école où j'ai créé à l'âge de 15 ans l'association de lutte contre la tricherie et à l'Université Protestante au Congo j'ai créé l'association de lutte contre les antivaleurs, président des étudiants, je me suis opposé à tous les antivaleurs et de manière farouche", a-t-il lancé.
L'ancien Ministre d'État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux Constant est accusé de détournement présumé de 19 millions de dollars américains alloués au projet de construction d’une prison à Kisangani, dans la province de la Tshopo. La justice lui reproche d'avoir ordonné un paiement d'une avance de 19 millions USD dans une passation de marché de gré à gré, qui n'était pas encore approuvé par l’autorité compétente.
Cette démarche judiciaire en cours devant la Cour de Cassation de la République Démocratique du Congo fait suite à la résolution de l'Assemblée nationale ordonnant la poursuite judiciaire contre l'ancien ministre de la justice du gouvernement Suminwa I. Cela faisait suite au double réquisitoire de Firmin Mvonde, Procureur général près la Cour de Cassation.
Clément MUAMBA