La défense de Mutamba brandit l'innocence de son client et accuse la Primature d'être à la base du procès suite à sa « nonchalance et lenteur administrative »

Photo d'illustration
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Alors que le ministère public a requis une peine de dix ans de travaux forcés contre leur client, les avocats du prévenu Constant Mutamba accusent le cabinet de la première ministre d'être à la base de l'ouverture du procès contre leur client. La défense estime que le cabinet de la première ministre n'a pas observé ni respecté le délai de 10 jours prévu à l'article 20 du manuel des procédures de passation des marchés.

« Le procès Mutamba aurait pu être évité, il aurait dû ne pas avoir lieu, il a été rendu possible que grâce ou à cause d'un manque de diligence dans le chef des membres du cabinet de la Primature.  Si le cabinet avait manifesté de l'empressement dans le traitement des dossiers qui lui sont transmis, s’il avait été prévenant, regardant et respectueux des textes en vigueur dans notre pays, on ne serait pas à cet instant précis à ce lieu sacré de la Cour de Cassation en train de tenir ce discours. Comment comprendre que le cabinet qui a réceptionné la lettre du ministre le 1er avril, ait attendu jusqu'au 8 mai 2025 soit au-delà du délai de 10 jours de l'article 20 du manuel des procédures pour réagir à ce courrier, et encore la réaction du cabinet n'est arrivée qu'après la lettre de la Cellule Nationale des Renseignements Financiers « CENAREF » en date du 2 mai 2025. Si donc la CENAREF n'avait pas écrit au cabinet, ce dernier aurait continué à se taire peut-être que ce procès n'aurait pas eu lieu », a fait savoir Maître Konde, l'un des avocats de Constant Mutamba.

Pour lui, cette manière de travailler rend la tâche difficile à la République surtout lorsqu'il s'agit des questions sensibles, notamment liées à la sécurité. À l'en croire, le procès Mutamba est un procès de la nonchalance administrative.

« Je formule le vœu qu'à l'avenir la même nonchalance mise dans le traitement du courrier venu du cabinet de la justice ne soit pas de mise dans d'autres dossiers transmis au cabinet de la Primature surtout s'il s'agit des cabinets des dossiers hautement sensibles relevant de la sécurité de l'État. Voilà pourquoi autant dans l'histoire nous avons eu des procès de la foi, des procès du préjugé rappelez-vous de l'affaire Dreyfus, des procès du sang contaminé, des procès de l'intolérance, des procès de l'arrogance, de l'hésitation autant le procès Constant Mutamba peut être qualifié de procès de nonchalance, procès de la lenteur administrative », a-t-il fait remarquer.

Et d'ajouter :

« Car il tire son origine dans le silence gardé par le cabinet de la Primature qui ne tient nullement compte du délai fixé par la loi ni des conséquences qu'engendrerait l'inobservance de ce délai. En mettant en exécution le contrat avenu avec la société Zion Construction après l'écoulement du délai de 10 jours, le prévenu serait coupable de détournement des deniers publics aux yeux du Ministère Public. Monsieur Mutamba a par moment dérangé certains esprits, certaines autorités politiques et judiciaires, certains praticiens du droit, c'est désolant pour autant devrait-on le condamner pour cela ? Nous disons non ».

C'est dans ce cadre qu'il a demandé à la Cour de cassation de tenir compte de tous ces éléments pour dire le bon droit à l'égard de leur client.

Dans sa narration des faits, le ministère public a relevé plusieurs éléments qui soutiennent ses arguments : le recours à la procédure de gré à gré au lieu de la passation des marchés publics, la mise à l'écart par l'ancien ministre de la Justice de certaines institutions censées le conduire dans cette procédure (notamment le secrétariat général à la Justice), la conclusion du marché de construction avec la société Zion construct qui n'a pas d'existence juridique, le fait de virer l'argent sur le compte de cette société au mépris des règles de procédure, l'exécution du marché sans avoir l'avis de non objection, la fictivité de la société qui est matérialisée par l'absence de siège sociale, l'absence de personnel de cette société, l'absence de garantie bancaire de cette société, etc.

Sur le plan du droit, l'organe de la loi a soutenu que l'acte de détournement a été posé par le prévenu dès l'instant où l'argent a quitté le compte FRIVAO du Ministère de la justice, pour le compte de la société Zion construct. Pour l'élément moral, le Ministère public a soutenu d'abord que le prévenu est un praticien du droit, ayant la connaissance des règles des marchés publics, mais a pourtant procédé en violation de la procédure prévue en la matière. Il a aussi soutenu l'intention frauduleuse par le fait de procéder alors que le Conseil des Ministres, ni la Première ministre n'avait validé de contrat, et sans avoir obtenu l'avis de non objection. Il a aussi ajouté à cela, notamment l'inexpérience de la société choisie et l'inexistence de cette dernière.

La Cour de cassation a pris l'affaire en délibéré et prévoit de rendre son arrêt le 27 août prochain. Dans son réquisitoire, l'avocat général Sylvain Kalwila a demandé à la Cour de le condamner l'ancien ministre Constant Mutamba à 10 ans des travaux forcés, assortis de 10 ans d'inéligibilité après avoir purgé la peine, de privation du droit à la libération conditionnelle ainsi que de son exclusion des fonctions publiques.

Clément MUAMBA