RDC : les Kinois regrettent le sabotage du combat de Lumumba par les classes politiques qui se succèdent au pouvoir

Patrice Lumumba torturé.

« Sans la lutte, vous n’obtiendrez rien. Ni aujourd’hui, ni jamais ». C’est l'une des phrases fétiches d'Emery Patrice Lumumba. Cet homme, à peine âgé de 35 ans, a bravé sa peur et su dire non quand il le fallait afin que les Congolais retrouvent la plénitude de leur liberté. 64 ans après son assassinat, le 17 janvier 1961, son nom reste vivace dans la mémoire collective nationale et internationale comme un fervent défenseur de la liberté d'un peuple enchaîné et oppressé.

En dépit d’une journée pluvieuse cette année, Actualite.cd a effectué sa traditionnelle ronde dans quelques coins de la capitale à la rencontre des Kinois. Ces derniers font le récit de Lumumba comme un homme audacieux, qui a marqué son époque, faisant parfois front contre les colonialistes mais dont le combat n’est pas perpétué par les classes politiques congolaises qui se sont succédé à la tête du pays.

« Nous voyons Lumumba comme un symbole d’autonomie et d'indépendance. Sa lutte nous communique et démontre l’amour que nous devons porter à notre patrie et à toute l’Afrique en générale afin de ne pas laisser les autres (l’occident) nous diriger car nous avons nos us et coutumes à maintenir », a déclaré Bridie Nsale Mbuyi.

Chadrack Mbwebe nous a livré son regret de constater comment l'héritage politique de cet héros national est bafoué et profané par des politiciens.

« Je crois juste qu’il ne serait lui-même pas content de voir comment sa lutte et sa persévérance ont été anéanties. Nous l’avons déçu au plus haut point. Nous n’avons pas compris ce qu’il voulait de ce pays. Nous avons remis le pays sur un chemin cahoteux et plein de désespoir », nous a-t-il confié, estimant que la liberté était le maître mot de Lumumba, le socle de sa lutte et c'est de cette liberté que tout devrait découler.

Une autre intervenante, Myriam Lunzeya, se rappelle du franc-parler de cet homme qui a su affronter les colons. Elle s'interroge également sur l'importance du sang que cet héros national a versé pour le bien commun.

« Il savait donner de la valeur à son pays, là où les colons ne voyaient qu’une boucherie. Grâce à lui l’indépendance fut acquise, et au prix de son sang. Malheureusement, nous nous demandons si ce sang répandu pour cette nation, ce sang qui fut trahi par les siens, ce sang crie-t-il contre nous ? Car depuis l’indépendance à ce jour, 64 ans, la RDC peine à sortir la tête de l’eau », a-t-elle déclaré.

Pour Eugène Kandolo, il ne faut pas se voiler la face, l'héritage politique de Lumumba est relatif. 

« En vantant l'œuvre de colonialistes, puis après il a pu se ressaisir, c'est ce qu'on voit aujourd'hui, il y a toujours des gens qui pensent qu'ils luttent pour le Congo tout en mangeant dans les poches des officines des occidentaux, on le voit avec les mouvements citoyens, qui sont financés par les officines, qui ne cherchent pas des intérêts souverains du Congo. Mais dont les intérêts se croisent par moment peut-être parce qu'ils sont juste hostiles au pouvoir en place, et donc cette complexité qui relativise le combat de Lumumba, tout le monde s'approprie du combat de Lumumba mais avec des dissonances dans les aspirations et dans la pratique c'est ce qui fait que on est disparate »

Et il renchérit :

« Tu verras un dictateur qui s'appelait Lumumbiste, tu verras quelqu'un qui dépend de certaines officines mais se réclamant de Lumumba, ce n'est pas toujours évident de capitaliser de manière autonome et totale ce combat. Surtout que ceux qui ont tué Lumumba, ce sont eux qui l'ont plébiscité. C'est un combat superficiel, la capitalisation est beaucoup plus symbolique, folklorique que dans les faits », a-t-il dit.

D'après lui, le combat de Lumumba est beaucoup plus dans sa personnalité. Il se souvient  encore de la citation" Le Congo est plus grand et exige de nous de la grandeur".  Il  se dit déçu que  très peu de la classe politique se projette avec cette grandeur, les gens sont dans la petitesse. Il estime également qu'un jour comme celui-ci les congolais devraient remettre en cause la conscience sur ce que veut dire le combat de Lumumba et pourquoi il est héros et s'en approprier pour essayer de développer une âme collective. 

César OLOMBO