Le procès en flagrance dans l'affaire relative à la tentative d'évasion à la prison de Makala va se poursuivre ce jeudi 12 septembre devant le tribunal militaire garnison de Kinshasa/Ngaliema. Au cours de l'audience du mercredi 11 septembre dans les installations de cette maison carcérale, le tribunal a auditionné une vingtaine de présumés auteurs de cet incident.
Dans leur récit des faits, ils rejettent les accusations du ministère public qui les a emmenés devant le tribunal. Nombreux ont affirmé que lors du déroulement de ces événements, leurs pavillons n'étaient pas ouverts mais ils arrivaient quand-même à sentir qu'il y a des mouvements suspects au sein de la prison. La majorité d'entre eux estiment que s'ils sont devant le tribunal, c'est suite à leurs conflits ou mésententes avec les dirigeants des pavillons au sein de la prison centrale de Makala.
" Après les évènements du lundi 2 septembre, comme le repas reçu de la prison, le pain et l'eau n'était pas suffisant, nous avons jugé avec un autre camarade de faire notre fufu pour manger et le secrétaire de notre pavillon ayant constaté que j'avais encore des réserves d'eau alors qu'il n'y en avait plus, il m'a demandé et j'avais refusé et m'avait promis que "Ako embrouiller ngai na boloko" (en français : il me rendra la vie difficile en prison) et lorsqu'on a commencé à chercher ceux qui seraient à la base des troubles, il avait donné mon nom ", a relaté un des prisonniers accusés.
Pour un autre, c'est un des militaires dépêchés en renfort à Makala, qui a comploté contre lui avec les responsables de leur pavillon.
" Lorsqu'on nous avait sorti pour aller prendre le pain et l'eau au terrain après les incidents, je vends mes cigarettes à l'intérieur de la prison, ça me permet de vivre et ce jour-là au terrain, il y a un élément de la Police militaire qui voulait me ravir la marchandise, les paquets de cigarettes, j'avais complètement refusé et il a gardé une dent contre moi et il m'avait livré en complicité avec le chef de notre pavillon lorsqu'il fallait chercher les gens à la base des troubles ", a expliqué cet autre détenu.
Un autre détenu ajoute :
" Généralement, je suis quelqu'un qui prend de chanvre mais nous prenons ça en cachette pour ne pas être appréhendés par nos responsables des pavillons. Après les incidents du lundi, je me suis dit je dois prendre ça pour tenter d'oublier tout ce qui vient de se passer, je me dis avec ce qui est arrivé, il n'y aura pas vraiment de contrôle comme c'est le cas mais malheureusement en prenant cela j'ai été appréhendé dans ma chambre par les responsables et il y a eu des tensions entre moi et nos chefs de pavillon. C'est après ces disputes que j'ai été également inséré dans le groupe de ceux qu'on accuse d'être à la base de ces événements ".
Après les auditions du jour, le tribunal a jugé de faire intervenir certains responsables de l'administration pénitentiaire cités pour confrontation.
" Il y a des gens qui ont été cités par des détenus, qui sont aussi dans l'administration de la gestion de la prison. Nous avons relevé tous, il y en a ceux qui sont arrêtés à la Demiap (Renseignements militaires), ceux qui sont présents, nous allons essayer de les appeler de sorte qu'on les mette en face des prévenus qui les ont cités pour qu'ils nous racontent les circonstances dans lesquelles ils ont procédé à les lister parmi les 64 personnes présentées devant le tribunal par le ministère public ", a dit le capitaine Guy Kweshi, juge président du tribunal militaire garnison de Kinshasa/Ngaliema.
Le Tribunal envisage également d'effectuer une descente dans les différents pavillons pour palper du doigt le niveau des dégâts.
Actuellement, les raisons de la tentative d'évasion à Makala ne sont toujours pas élucidées. Mais le bilan annoncé par le gouvernement (131 morts) est contesté par certaines organisations de la société civile. Selon les autorités, il y a des morts par balles (24), tandis que d’autres détenus sont morts suite aux tirs de sommation, ou encore par bousculade et étouffement. Selon toujours le gouvernement via le ministre de l'intérieur, Jacquemain Shabani Lukoo, il y a eu « quelques femmes violées », sans donner le nombre. « Sur le plan matériel, on déplore l’incendie du bâtiment administratif, du greffe, de l’infirmerie et des dépôts des vivres », a ajouté M. Shabani.
Une soixantaine de prisonniers sont poursuivis en procédure de flagrance devant le Tribunal militaire de garnison de Kinshasa/Ngaliema pour viol, terrorisme, destruction méchante et incendie volontaire. Lors de la réunion du conseil des ministres extraordinaire tenue lundi 09 septembre dernier, le Chef de l'État Félix Tshisekedi avait demandé à la d'enquête mise en place de lui transmettre endéans sept jours son rapport sur les circonstances réelles de ces incidents.
Clément MUAMBA