Kinshasa : l'interdiction de circulation des motos à Gombe difficile à appliquer malgré la présence de la PNC

Des taxi-motos en RDC
Illustration. Des taxi-motos en RDC/Ph. droits tiers

La Police nationale congolaise (PNC) avait officiellement décrété, mi-février 2024, l'interdiction d’accès aux motocyclistes dans la commune de la Gombe à Kinshasa. Cette mesure avait été communiquée à la suite d'une réunion de sécurité dirigée par le vice-Premier ministre, ministre de l'Intérieur, de la Sécurité et des Affaires coutumières, Peter Kazadi, en réponse aux récentes manifestations survenues près de certaines représentations diplomatiques (ambassade du Rwanda et des États-Unis) dans cette zone de la capitale.

Trois mois plus tard, cette disposition annoncée avec effet immédiat à partir du 13 février, est ignorée à la fois par les motocyclistes et leurs clients, constate Actualité.cd.

Les raisons évoquées par les concernés sont diverses. Si la plupart des motocyclistes avouent faire de bonnes recettes en empruntant le tronçon interdit, certains clients, pour leur part, soulignent la difficulté à trouver un transport en commun dans une métropole abritant près de 5,8 millions d'habitants.

Esdras Molongi, agent à Béatrice Hôtel, explique : “si aujourd’hui la décision émanant des autorités n’est pas respectée, je pense que c’est à cause des conditions difficiles et pénibles de transport. Le centre-ville est d’une accessibilité malaisée suite aux infrastructures routières. Pour ma part, je préfère payer plus cher à un motard pourvu que j’arrive à mon lieu de travail à temps. Puisque, du côté d’où je viens, il y a trop d’embouteillages, et le trajet qui pouvait prendre près de 30 minutes, peut durer jusqu’à 2 heures. C’est compliqué.”

Motocycliste, Papy Ngondo est avant tout étudiant en électricité à l’Institut supérieur des techniques appliquées (ISTA). “Cette moto m’aide à payer mes frais académiques et subvenir à mes besoins primaires. Je dois donc trouver des clients pour pouvoir gagner de l’argent. La forte concentration des clients se trouve alors dans des endroits comme Kintambo/Magasin, car ils se dirigent vers leurs lieux de travail à partir de 7h30, et à 17h30, c’est l’heure de rentrer. C’est donc une bonne affaire pour moi,” raconte-t-il.

Un autre motocycliste, conscient de l’interdiction en vigueur, continue quand même à franchir le seuil de Gombe. “Ce n’est pas que je ne me soucie pas que la PNC m’arrête. Je sais qu’en bravant l'interdiction d'entrer sur le boulevard du 30 Juin, je mets en danger non seulement ma vie, mais aussi celle des clients. Les embouteillages sont récurrents à Kinshasa et surtout le long du boulevard. C’est une mentalité que nous, les motards, avons. Nous nous proposons un prix en fonction de la demande, et vous verrez que tous les motards l'adoptent. Par exemple, à partir de l’hôtel de ville, la course en moto jusqu’à Magasin coûte 5000 à 6000 FC vers 18 heures. Comme c’est le centre-ville, il y a une affluence de clients, ce qui représente une opportunité lucrative pour nous,” reconnaît, sans crainte, un motocycliste du tronçon Zando-Kintambo/Magasin.

"Toutes les motos trouvées en ville seront d’abord saisies"

La police a été instruite pour faire respecter cette mesure. Le commissaire divisionnaire principal de la PNC, Alonga Boni, annonçait que “toutes les motos trouvées en ville seront d’abord saisies et les propriétaires seront ensuite mis en détention”. Un avertissement qui ne semble pas suffisant pour décourager cette pratique et ce, en dépit de la présence de la Police sur le terrain. 

Jonas Tshiombela, coordonnateur de la Nouvelle société civile congolaise (NSCC), énumère à Actualité.cd quelques raisons qui, d’après lui, sont à la base de ce qui ressemble à un échec ou qui rend moins efficace le contrôle de la police. "Les observations sur le terrain démontrent clairement l'échec de l'autorité de l'État. En réalité, les policiers qui sont chargés de faire appliquer cette décision de la ville possèdent eux-mêmes des engins. C'est comme si vous demandiez à quelqu'un de se nuire, ce qui est impossible. Il s'agit donc d'un problème de conflit d'intérêt. De plus, il est question de la corruption qui sévit le long des routes de la capitale. Ces trois facteurs démontrent l'impossibilité pour la mesure d'être efficace et effective,” explique-t-il.

Rappelons que l’interdiction d’accès aux motocyclistes au centre-ville n’était pas la seule mesure retenue lors de la réunion sécuritaire du 12 février. Il y avait également l’interdiction de tout attroupement ou rassemblement de plus de cinq personnes toujours à Gombe. De même, les vendeurs ambulants et enfants en rupture familiale appelés Shégués ne peuvent plus opérer à Gombe.

Sublime Koyi, stagiaire UCC