À Kinshasa, les bus de transport en commun ne se limitent plus seulement au moyen de déplacement. De plus en plus, ils se transforment au lieu de culte et de collectes de fonds en faveur des orphelinats ou des enfants vulnérables. Des personnes se réclamant pasteurs, évangélistes, frères et bien d’autres prennent l’habitude de parler de Dieu et ensuite faire un appel aux dons.
Une tendance qui suscite des réactions partagées parmi les Kinois, entre soutien et réticence.
"Dans cette problématique, il y a deux aspects qu'il faut tenir en compte : ceux qui sont mandatés par Dieu, et ceux qui sont envoyés par les centres d'orphelin pour venir demander de l'aide dans la rue ou bus. Et il y a aussi des pasteurs, je ne sais pas s'ils le sont réellement. Ces gens-là, en quelque sorte, ont transporté l'église dans les bus, d'une certaine manière, ils ont conditionné l'évangile aux offrandes", a fait remarquer Adonis, étudiant à l'Université pédagogique nationale de Kinshasa.
Et de poursuivre :
“Moi, à ce que je sache, les offrandes ne se donnent qu'à l'église par ce que c'est le lieu du lieu du culte ou encore la maison de Dieu. Mais je trouve que c'est illogique de demander de l'argent de cette manière. La plupart ont compris que la méthode des offrandes ne marche plus, voilà pourquoi ils viennent désormais au nom des orphelins, et beaucoup de passagers tombent dans ce piège, dommage”.
Dorcas Mbuyi, une des passagères des bus circulant sur boulevard du 30 juin estime que l'idée au départ n'est pas du mal mais dénonce le mauvais usage.
"L'évangile en soit n'est pas du mal, c'est bénéfique pour tout croyant chrétien et toute personne disposée à le recevoir. Il peut être prêché à n'importe quel moment ou lieu. Mais le grand problème réside dans la pratique, cette nouvelle tendance, de venir dans les bus au nom des personnes vulnérables. Ça c'est intolérable. Ils viennent avec une pensée derrière cette parole qu'ils nous apportent. D'après mes observations toute exhortation se termine toujours par une demande, soit c'est l'offrande, soit un appel de fonds au nom des orphelins. Nous doutons réellement si cet argent arrive à la destination", a-t-elle déploré.
Certains appellent les gestionnaires des orphelinats qui déléguent ces pasteurs à la prise de responsabilité pour prévenir ce dérapage.
“Je suis pasteur, je crois que chacun à sa manière d'interpréter les faits. Mais moi je ne suis pas là pour contredire ce que font ces pasteurs dans les bus. Par ce que ça m'arrive aussi d'apporter l'évangile auprès des inconnus. Chacun a son appel et son ministère. Je ne peux dire que tous ces pasteurs sont des charlatans, bien qu'il n'y en a pas parmi eux. Mais je trouve qu'il serait raisonnable pour ceux qui sont en tête des orphelins de faire appel au gouvernement et partenaires, au lieu et place d'envoyer des gens. Avant de bâtir un orphelinat, il faut penser à comment nourrir ces enfants démunis”, a dit Marcel K, pasteur et commerçant au marché Zigida.
Face à cette situation qui divise l’opinion, le gouvernement est appelé à mobiliser les services compétents afin de s’assurer que tout orphelinat respecte les normes requises avant son ouverture. Ceci permettra de prévenir les abus et de garantir la protection des enfants vulnérables, tout en évitant les dérives observées dans l’espace public.
Gloria Kisenda