RDC : l’actualité de la semaine vue par Viviane Kitete

Photo/ Droits tiers
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Du boycott de la plénière tablant sur la répartition des sièges au niveau du Sénat à l’inauguration d’une usine d’assemblage des véhicules en passant par la première année d’occupation par le M23 de Bunagana ou encore le conflit interethnique à Kwamouth, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Viviane Kitete Okandjo passe en revue chacun de ces faits marquants. 

Bonjour Madame Viviane Kitete et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de vos activités ? 

Viviane Kitete : Je suis juriste de formation, avocate de profession et par vocation, défenseure des droits de l’Homme, particulièrement les droits de l’enfant et de la femme. Actuellement, j’occupe les fonctions de chargée d’études au Ministère de la Justice et Garde des sceaux. En termes d’activités, je suis coordonnatrice nationale d’une organisation dénommée « Centre de Rééducation pour l’Enfance délinquante et défavorisée », en sigle CREDD qui existe depuis 1999. Nous défendons les droits des enfants en général et des enfants en conflit avec la loi en particulier, des filles victimes des violences sexuelles, des enfants orphelins qui ont besoin d’une assistance judiciaire et d’un accompagnement juridique, nous défendons également les droits des veuves. En tant que juriste, nos actions sont caractérisées par la maîtrise d’outils, des conventions, des instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux.  

Le Sénat a adopté lundi, le projet de loi portant répartition des sièges, malgré le boycott des membres du FCC. La même attitude a été observée au niveau de l’Assemblée Nationale. Quelle lecture faites-vous de cette position du FCC ?

Viviane Kitete : si nous avons bonne mémoire, en 2006, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) a commis une erreur semblable, appelant ses partisans à ne point se faire enrôler. En fin de compte, le processus électoral ne s’est pas arrêté. Ils ont par contre été victime de leur instruction. S'agissant du Front Commun pour le Congo, je pense que l’histoire les rattrape. Ils donnent l’impression qu’un mot d’ordre a été donné dès le commencement du processus électoral, pour qu’ils ne participent à aucune étape. (…) A ce niveau, le processus électoral ne devrait pas s’arrêter. Ce pays a besoin de se développer et la démocratie doit se concrétiser. Les acteurs du FCC ont pris un engagement et ils doivent l’assumer jusqu’au bout. En tant que leaders Congolais, les intérêts de la population doivent primer sur tout. 

Toujours au sujet des élections, la CENI a annoncé le début de l'enrôlement des électeurs à Kwamouth à la date du 26 juin. Quelles dispositifs doivent être mis en place pour sécuriser les matériels et le personnel ? 

Viviane Kitete : nous nous en remettons au ministère de l’Intérieur et Sécurité et au ministère de la Défense Nationale. Je crois qu’ils vont mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour la sécurité des matériels et du personnel ainsi que le processus dans son intégralité. Le ministère des Affaires étrangères devra aussi être associé à cet exercice car il y a certains déplacés qui se trouvent notamment au Congo Brazzaville. Il va falloir également mettre à contribution le ministère de l’intégration régionale qui à leur niveau peuvent agir. Le HCR qui est un partenaire du gouvernement congolais, a les effectifs des personnes qui ont quitté Kwamouth. Toutes ces entités devront être impliquées dans les prévisions de la CENI.  

Cela fait une année depuis que Bunagana est sous le contrôle des M23. Une année également depuis le déclenchement des conflits à Kwamouth. Quel bilan faites-vous de l’action du gouvernement en faveur de ces deux territoires ? 

Viviane Kitete : je note qu’il y a eu des faits positifs tels que de nombreuses révélations autour du M23 et leurs activités. Il y a eu des rapports au niveau notamment du Conseil de sécurité des Nations Unies, des dénonciations et des appels à la cessation de soutien au M23, la RDC a déposé officiellement une plainte au niveau de la Cour Pénale Internationale, le Procureur de la CPI est venu en RDC. Et les modes opératoires de ces miliciens sont souvent les mêmes que ceux que nous voyons à Kwamouth. Nous croyons que l’instance internationale fera son travail et la RDC connaîtra l’identité des commanditaires de ces agressions et ils seront condamnés, les réparations suivront en faveur des civils. Au niveau local, les infiltrations au sein de l’armée ont été dévoilées et nous avons l’espoir que tout le réseau d’infiltration au sein de nos forces de l’ordre sera démantelé. Les efforts du gouvernement produiront des résultats.   

Des miliciens CODECO ont attaqué un site de déplacés en Ituri causant une cinquantaine de morts et de blessés. Il s’agit d’une cinquième attaque dans un camp de déplacés par le même groupe. Quelle réponse faut-il pour stopper ces drames ? 

Viviane Kitete : c’est un crime contre l’humanité. Des conventions internationales, des instruments juridiques internationaux qui interdisent qu’un site des déplacés, les écoles, les églises, soient des objets d’attaque de quelconque acteurs que ce soit. Qu’il s’agisse des miliciens, de l’armée ou des groupes armés qui se battent. Les miliciens de CODECO ainsi que leurs commanditaires devront faire l’objet des poursuites. Le Procureur de la CPI a annoncé que des enquêtes seront entamées  suite à la plainte déposée par la RDC. Je crois qu’au niveau national, nos juridictions doivent également mettre la main sur les commandants de ces groupes pour qu’ils soient déférés devant les cours et tribunaux et répondent de leurs actes. Le fait qu’ils enchaînent jusqu’à cinq fois ces attaques sans être poursuivis, c’est de l’impunité. Nous n’avons plus aucune négociation, ni brassage, ni mixage à tenir avec ceux qui vont remuer le couteau dans la plaie des personnes contraintes de vivre dans un camp. 

En économie, le Chef de l’Etat a inauguré une usine d’assemblage de bus à Kinshasa. L’entreprise emploie environ 500 travailleurs et produira au moins 25 bus par mois dans sa phase de démarrage. Quel est d’après vous la pertinence d’un tel projet ? 

Viviane Kitete : c’est un projet que j’encourage parce que les résultats envisagés seront très utiles à la société congolaise. Le taux de chômage sera réduit, les difficultés liées au transport seront un tant soit peu résolues. Au niveau de l’environnement, la mise en circulation des nouveaux bus va réduire le niveau de pollution. La sécurité des populations civiles sera assurée car les bus seront une propriété de l’Etat congolais et les cas d’enlèvements vont baisser. Si deux, trois voire cinq autres usines  sont ouvertes en RDC, cela aura également un impact positif sur l’économie congolaise. 

La RDC vient d’être élue membre du conseil d'administration de l’ITIE dont le but est d’améliorer la gestion des ressources naturelles et la transparence du secteur. Comment réagissez-vous à cette nouvelle ? 

Viviane Kitete : c’est une nouvelle que je reçois avec beaucoup de satisfaction. La RDC était au bas de l’échelle sur plusieurs listes. Sur le plan du climat des affaires et sur le plan international, c’est un grand pas qui vient d’être franchi. Les efforts sont en train d’être reconnus à tous les niveaux. 

En société, cette semaine, le monde a célébré la journée internationale de lutte contre le travail des enfants et la Journée de l’Enfant Africain. A Kinshasa, ils sont des centaines à être astreints au travail pour survivre. Quelles sont vos propositions pour mettre fin à ce phénomène ? 

Viviane Kitete : il existe une convention sur l’élimination des pires formes de travail des enfants. La RDC a également célébré ces journées. Mais il est vrai que face aux agressions, aux conflits armés, les enfants se trouvent contraints à travailler pour survivre. Il y a de nombreux déplacés, des enfants orphelins, des enfants associés aux groupes armés, des enfants vraiment vulnérables. La loi autorise le travail de l’enfant mais dans un contexte de travail décent. Et il faut la paix sans laquelle aucun développement n’est possible. Un emploi et un salaire décent pour les parents peut leur permettre de nourrir, scolariser et soigner leurs enfants. Nous devons lutter contre les pires formes de travail des enfants. Le gouvernement devra investir dans le ministère des affaires sociales. L’Etat doit avoir des auspices pour protéger les enfants contre les travaux d’exploitations économiques, sexuelles, numériques. Il faut également exploiter artistiquement les talents de ces enfants (le football, la musique, et autres). Le ministère de la Culture et des Arts, de la formation professionnelle, peuvent être mis à contribution. 

Au niveau continental, une mission africaine, dirigée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le Sénégalais Macky Sall, est arrivée à Kiev pour une médiation de paix visant à mettre un terme à la guerre entre l'Ukraine et la Russie. Y parviendra-t-elle ? 

Viviane Kitete : je salue cette initiative. L’Afrique devrait aussi proposer ses bons offices sur des questions de paix et de réconciliation. Cependant, pour être réalistes, je doute de l’aboutissement de cette médiation. Nous avons des problèmes au niveau du continent, qu’ils n’arrivent pas à résoudre. Le cas de la RDC est criant. L’Accord-cadre d’Addis-Abeba regroupe 13 pays voisins de la région pour mettre fin à cette situation mais cela est déjà une échec. Est-ce parce que l’Union Africaine ne s’implique pas assez ou qu’elle n’a pas les moyens de sa politique ? De surcroît, comment pourront-ils mettre autour d’une table l’Ukraine  et la Russie, dès lors que les Etats-Unis, l’Union Européenne, l’OTAN ont échoué ? Comment pourront-ils faire des prouesses là-bas alors que ça brûle au Soudan, au Mali ? La charité bien ordonnée commence chez soi. 

A l’international, au moins 79 personnes ont trouvé la mort après le naufrage d'un bateau qui transportait des centaines de migrants dans le sud-ouest de la Grèce. Quelle réponse définitive faut-il pour faire face aux naufrages des migrants ?

Viviane Kitete : je regrette la mort de toutes ces personnes et présente mes condoléances à tous les proches. Sur le plan international, il existe des conventions, des textes qui doivent être mis en application pour mettre fin à ces traitements inhumains et dégradants. La personne humaine doit être protégée. Je suis indignée de voir que la communauté internationale ne prend aucune résolution pour mettre fin à ces naufrages et ce système. Le Haut-Commissariat des Réfugiés devrait s’interroger à ce sujet, pour un monde juste, il faut des résolutions pour y mettre fin. 

Un dernier mot ?

Viviane Kitete : Merci de toujours associer le point de vue de la femme dans la gestion de la société. Elle doit participer au développement de son pays. La semaine a été une bonne semaine avec des lois adoptées au niveau de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Le procureur de la CPI s’est prononcé sur le dossier de la RDC déposé à la Haye. Malgré quelques  bémols que nous regrettons, notamment la situation de Kwamouth, je crois qu’il y a une accalmie par le fait que la CENI se prépare à organiser des élections dans ce territoire. J’appelle toute la population de Kwamouth à aller se faire enrôler, de se préparer à être éligible et voter. Nous sommes pour la paix, travaillons pour que la paix règne sur toute l’étendue du territoire national. 

Propos recueillis par Prisca Lokale