Karim Khan, Procureur général de la Cour pénale internationale est arrivé ce dimanche 28 mai en République démocratique du Congo (RDC) pour une visite de quatre jours. M. Khan va se rendre ce lundi à Bukavu (Sud-Kivu) où il va rencontrer le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel et directeur de l’hôpital Panzi qui prend en charge les victimes des violences sexuelles.
Denis Mukwege porte notamment le combat pour la création d’un tribunal spécial pour juger les auteurs des crimes imprescriptibles commis dans l’Est du pays et repris dans la Mapping Report des Nations Unies.
« Je suis pour la création d'un Tribunal pénal international pour le Congo pour la bonne et simple raison que certains crimes commis en RDC l'ont été par des sujets étrangers. Ces personnes pourront être poursuivies par ce tribunal et tous les membres de l'ONU auront 'obligation de coopérer avec ce tribunal s'il voit le jour », soutient Eugène Bakama Bope, professeur à l'Université pédagogique nationale et à l'université protestante au Congo, également professeur visiteur à l'université Paris 1 (Sorbonne) en France. Il est président du Club des Amis du droit du Congo et est membre du groupe d'experts africains sur la justice pénale internationale.
Le Procureur général de la CPI se rendra à Bunia (Ituri) pour rencontrer les communautés. Cette province est et reste la zone historique d’intervention de la CPI. Son premier prévenu, Thomas Lubanga, fondateur et dirigeant du mouvement politico-militaire Union des patriotes congolais (UPC) est ressortissant de l’Ituri. Il avait été arrêté en juillet 2006 et transféré à la CPI à La Haye le 17 mars 2006, en exécution d’un mandat d’arrêt délivré par la Chambre préliminaire I de cette cour, pour des crimes commis entre 2002 et 2003 en Ituri. M. Lubanga a été jugé et condamné.
« On peut dire que l'action de la CPI n'a pas eu d’effet dissuasif escompté en Ituri parce que la violence continue toujours dans cette partie du territoire congolais », a réagi le professeur Eugène Bakama Bope.
L’Ituri est secoué par une violence extrême depuis fin 2017 principalement dans le territoire de Djugu où sévissent des milices ethniques.
Contexte
Thomas Lubanga Dyilo a été déclaré coupable, en tant que coauteur, des crimes de guerre de conscription et d'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les FPLC (Forces Patriotiques pour la Libération du Congo) et du fait de les avoir fait participer activement à des hostilités entre septembre 2002 et août 2003. Le 10 juillet 2012, il a été condamné à une peine totale de 14 ans d’emprisonnement. L’homme avait été, le 19 décembre 2015, transféré à la prison de Makala en RDC pour y purger sa peine. Il a été libéré le 15 mars 2020, après avoir purgé sa peine.
Germain Katanga, général dans l’armée congolaise, a été reconnu coupable des crimes de guerre et participation à un mouvement insurrectionnel. Dans les faits, il a été reproché à Katanga d'avoir lancé une attaque meurtrière (plus de 290 morts) contre le village de Bogoro, dans l'Ituri.
Un autre chef de guerre Iturien condamné par la CPI c’est Mattieu Ngudjolo Chui, ancien commandant du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), une milice. Il était accusé d’avoir voulu « effacer totalement la population du village de Bogoro, dans la région de l’Ituri ». Selon la Cour, des combattants des ethnies Lendu et Ngiti du FNI, avec des hommes de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI) de Germain Katanga, avaient attaqué le village fin février 2003, tuant plus de 290 personnes.
D’autres anciens miliciens du Front des nationalistes intégrationnistes (FNI), Floribert Ndjabu et Pitshou Iribi étaient poursuivis depuis 2005 notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel en Ituri. En 2011, ces deux détenus de Makala à Kinshasa étaient allés témoigner à la Haye au cours des procès de Mathieu Ngudjolo et Germain Katanga devant la CPI. Alors qu’ils sollicitaient l’asile aux Pays-Bas, ils avaient été renvoyés en RDC en juillet 2014 au terme d’une longue procédure impliquant la CPI et les autorités néerlandaises.
Patrick MAKI