RDC : Pour venir à bout de l’insécurité dans l’Est, nécessité d’un programme de désarmement crédible et autofinancé

Photo d'illustration
Les FARDC présentent des armées et munitions récupérées au cours de l'état de siège à Masudi

En dépit des opérations militaires de « grande envergure » lancées, par les Forces armées de la RDC, en juillet 2019 en Ituri et en octobre de la même année au Nord-Kivu, aucun groupe armé n’aurait définitivement capitulé. Bien au contraire. Leur nombre ne cesse d’aller crescendo à cause, notamment, de leur décomposition continue.

Malgré l’entrée en vigueur de l’état de siège, les ADF refusent de mourir complètement. En dépit des opérations militaires conjointes des armées congolaise et ougandaise, elles réussissent à se réorganiser et à se muter sans renoncer à leur nocivité. Elles ont franchi les frontières de Mambasa en Ituri.

Entre-temps, le M23 a conquis des localités dont Bunagana est la plus emblématique. Dans cette dynamique, depuis juin 2022, la RDC est impatiente de « l’entrée en service » de la Force des pays de l’Afrique de l’Est. Une surmilitarisation de la partie orientale du pays, non compris les casques bleus de la Monusco.

Sans remettre en cause cette option du manu militari, il est utile de se focaliser davantage sur le niveau d’adéquation entre cette réponse employée depuis des décennies et le persistant problème sécuritaire. La « pluralité de guerres dans l’Est de la RDC » suggérerait de considérer que la nouvelle mise en place au sein des Forces armées de la RDC ne constituerait qu’un élément parmi tant d’autres dont l’addition serait susceptible de contribuer efficacement à la rupture de la spirale des violences armées dans l’Est du pays. Parmi ces autres facteurs, il y a incontestablement le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion sociale (dite, en RDC, « relèvement communautaire et de stabilisation – PDDRCS-).   

En effet, en scrutant de très près cette « guerre qui ne dit pas son nom » (Jason Stearns), la puissance de feu est peu compatible avec l’ancrage social des groupes armés locaux dont la plupart bénéficie, en premier lieu, du soutien des communautés locales qu’ils prétendent vouloir protéger contre des menaces existentielles. Preuve, si besoin est, d’une faible présence de l’Etat dans ces coins et recoins du pays exposés à la loi de la jungle. Lutter contre ces groupes armés requiert de négocier et d’obtenir l’appui de leurs communautés de référence qui en assurent la reproduction. Dès lors, au-delà de l’intitulé du PDDRC-S, il est capital que les communautés locales n’en soient pas réduites au rang de simples bénéficiaires. De quoi attiser leur frustration. Comme jadis.

Elles doivent en être des actrices à part entière. C’est pour elles et en fonction de leurs réalités générales et spécifiques que la stratégie du PDDRC-S doit être pensée et mise en œuvre pour persuader leurs « enfants » de déposer les armes et de devenir des combattants du développement. Puisque ceci n’est pas encore le cas, au-delà du protocolaire, le PDDRC-S peine à mobiliser les partenaires internationaux. Il lui est reproché, notamment, sa forte charge bureaucratique ne la distinguant pas de précédents programmes de désarmement marqués par l’échec.

Il s’en suit que le PDDRC-S dispose des moyens importants pour son fonctionnement mais souffre d’une carence des ressources financières pour les opérations de désarmement et de démobilisation des combattants sortis des maquis. La dotation des ressources financières conséquentes audit programme est nécessaire pour ne pas « reconnaitre les mêmes erreurs du passé des autres programmes des anciennes générations notamment les DDR1, DDR2 et DDR3», avait prévenu son coordonnateur, devant les médias, au sortir d’une audience accordée par le Président de l’Assemblée nationale.  

La Banque mondiale a gelé la somme de 50 millions de dollars américains qu’elle avait annoncé, en 2020, vouloir affecter au financement du PDRRC-S mis en place en juillet 2021. Non sans condition de « consensualité et de crédibilité ». En effet, comme l’explique le conseil de sécurité de l’ONU, « l’absence d’un programme crédible de désarmement, de démobilisation et de réintégration adapté à la dynamique actuelle des groupes armés empêche les éléments armés de déposer les armes » (Résolution 2556).

Considérant à la suite du Porte-parole du Gouvernement congolais que l’état de siège « a pour but de dissuader les groupes armés » et, partant, de « contraindre ceux (les combattants) qui sont à la base de l’insécurité de se rendre ou de se retirer », il est logique d’en créer préalablement les conditions logistiques de leur accueil et de leur prise en charge. Autant pour le processus de Nairobi dont « Le but  ici, c’est de dire à ces gens, c’est une reddition sans conditions. Ils doivent déposer les armes et rejoindre le processus qui est mis en place par le gouvernement de la RDC.  On espère que tous vont nous rejoindre et que les choses vont aller très vite pour pacifier notre pays » (Porte-parole adjointe du Chef de l’Etat).

La charrue a-t-elle été mise avant les bœufs ? La réponse affirmative constituerait un explicatif des résultats mitigés des mesures militaires en cours d’exécution.

Lembisa Tini (PhD)