Élections de 2018: « Certains haut-gradés de l’armée et autres agents de sécurité avaient l’esprit traversé par l’idée d’une solution militaire…perpétrer un coup d’Etat », révèle Corneille Nangaa

ACTUALITE.CD

Dans une tribune intitulée « Elections 2023: le bon et le mauvais pas au regard de l’expérience », Corneille Nangaa a présenté sa lecture du processus électoral actuel au regard du dernier cycle. ACTUALITE.CD a publié l’entièreté du texte ici.  Il a expliqué que sa démarche vise à en appeler à la meilleure attention des uns et des autres, tous acteurs confondus, afin que soient prises les meilleures dispositions pour garantir l’essentiel, « c’est-à-dire la RDC en tant que territoire autonome régi par un état souverain, son intégrité et son unité, la cohésion nationale et la paix, en vue des élections apaisées dont les résultats soient acceptés par tous ». Cependant, la rédaction a retenu quelques extraits assez révélateurs de ce document.  

Brossant la situation de 2018, il décrit un contexte marqué par « des rumeurs folles (qui) alimentaient une forte psychose – justifiée ou non – et, laissant entrevoir le spectre d’une apocalypse quasi inévitable à l’issue des élections ». Il se souvient aussi « des discours, communiqués et messages venant des représentations diplomatiques et appelant leurs compatriotes à quitter le pays fusent », mais aussi de l’incendie de l’entrepôt de la CENI.

« L’atmosphère aura été semblable à celle d’une grosse bombe posée et non désamorcée, dont on redoute la détonation, la déflagration et ses effets (…). Chacun, en ce qui le concerne, se prépare au pire. L’idée de violences éventuelles, de pillages et de chaos hante et terrorise les esprits ». Corneille Nangaa se souvient aussi des entretiens avec des diplomates: « Il y aura la guerre », nous déclare alors un diplomate. Et nous de lui répondre : « oui, il y aura la guerre chez vous, mais pas au Congo. » 

Dans cette tribune, il s’attarde beaucoup sur l’attitude et les agissements des représentations diplomatiques: « Des puissances extérieures avaient pris des précautions à leur façon. Pour le seul cas des Etats-Unis d’Amérique, la lettre du Président Donald Trump datée du 4 janvier 2019, adressée à la Présidente de la Chambre des représentants, Madame Nancy Pelosi, en dit long ». Il rappelle aussi que « plusieurs marines américains (80) avaient été déployés à Libreville au Gabon, afin d’assurer la sécurité des installations diplomatiques et la protection des citoyens américains en cas d’éventuels troubles consécutifs aux élections du 30 décembre 2018 en République Démocratique du Congo. Les éléments déployés avaient des équipements appropriés de combat appuyés par des avions militaires ». 

Il se rappelle également que quatre mois après l’investiture du nouveau Chef de l’Etat, un opérateur économique, lui tenant à la main, lui  avait dit : « mon cher ami, je ne sais comment te remercier et te féliciter. »

« L’événement (atterrissage en douceur du processus électoral) en valait la chandelle puisque l’opérateur économique en question, pour prévenir le pire qui pointait à l’horizon, avait fait venir au pays – à des fins humanitaires – dès début décembre 2018, un stock d’équipements médicaux dont trois appareils d’extraction de balles, en même temps qu’il avait recruté, pour trois mois, une équipe forte de 150 agents médicaux spécialisés, dont 15 médecins et 135 infirmiers, par anticipation pour parer à toute éventualité ». 

Il évoque aussi des pressions sur lui et ses proches: « Nous ne parlons pas de la pression sur notre famille, menacée et pétrifiée devant la perspective annoncée sur notre personne, vouée, sinon à une mort violente, tout au moins à l’exil ou la prison. Mais il y a aussi les pressions et menaces exercées sur nous et d’autres membres de la CENI, de la part aussi bien de chefs de missions diplomatiques de certaines puissances, qui allaient jusqu’à nous proposer l’exil sur le territoire de leurs pays respectifs, que de haut-gradés de l’armée et autres agents de sécurité du pays, dont certains eurent l’esprit traversé par l’idée d’une solution militaire pour tuer dans l’œuf la perspective de désordre qui s’annonçait, c’est-à-dire perpétrer un coup d’Etat ».

Contexte 

Corneille Nangaa Yobeluo a dirigé la Commission électorale nationale indépendante (CENI) entre 2015 et 2021.

L’économiste de 52 ans a également travaillé dans l'assistance technique électorale en tant que consultant ou fonctionnaire international auprès de l'IFES, l'IDEA et du PNUD dans une dizaine de pays africains.

Corneille Nangaa Yobeluo, Norbert Basengezi, ancien vice-président de la CENI et Marcellin Mukolo Basengezi, ancien conseiller dans la même institution , sont toujours sous sanctions américaines. Ils sont accusés d'avoir "sapé le processus électoral ou les institutions démocratiques en RDC". Tous leurs actifs réels ou supposés relevant de la juridiction des États-Unis sont bloqués et il est généralement interdit aux Américains d’effectuer des transactions avec eux. Les trois personnes ont toujours rejeté ces accusations. Entretemps, l’organisation des élections de 2023 est désormais à la charge d’une nouvelle équipe dirigeante de la CENI pilotée par Denis Kadima.