RDC : l'actualité de la semaine vue par Déborah Nyamugabo

Photo/ Droits tiers
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De la délégation dépêchée par Félix Tshisekedi en Ouganda au rapport de l’OMS sur le nombre d’épidémies transmises aux hommes par les animaux en Afrique, en passant par des nouvelles tueries en Ituri, la visite du Conseil consultatif pour les femmes, la paix et la sécurité pour la région des Grands lacs à Kinshasa, ou les innovations de Denis Kadima pour fiabiliser davantage le fichier électoral, la semaine qui s'achève à été riche au niveau de l'actualité. Deborah Nyamugabo revient sur chacun de ces faits marquants. 

Bonjour Madame Déborah Nyamugabo et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ? 

Deborah Nyamugabo : Je suis consultante en ressources humaines et experte en genre pour le compte d'ONU Femmes en RDC. Je suis également Interfédéral du parti politique Parti pour la Nouvelle Énergie du Congo (PNEC) dans la ville de Kinshasa. 

En politique, le Chef de l’Etat a dépêché une délégation auprès de Museveni. Au cœur de la mission, la crise du M23. Kinshasa attend du dirigeant ougandais une plus grande implication. Que pensez-vous de cette initiative ? 

Deborah Nyamugabo : je pense que c'est une bonne chose de vouloir l'implication de Museveni. Mais, parmi les groupes armés qui sévissent la partie Est de la RDC, il y a également des sujets ougandais (...) Il est question en ce moment de préparer une offensive. Pourquoi on ne penserait pas à trouver des solutions par nous-mêmes ? Pourquoi doit-on se tourner vers des voisins dont les rebelles se retrouvent sur notre territoire? La guerre que nous connaissons est à la fois politique et économique. Nous sommes entourés de voisins qui ne veulent pas passer par des voies officielles pour l'exploitation de nos richesses. En bref, je ne pense pas que cette initiative soit la meilleure, et je crains beaucoup pour son issue. 

Entre-temps, si le président congolais ne souhaite pas engager des discussions directes avec le M23 qu’il considère comme un groupe terroriste, Museveni semble privilégier la méthode politique, le dialogue. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Deborah Nyamugabo : la décision du Chef de l'Etat par rapport aux M23 est très raisonnable. Combien de dialogues avons-nous engagé avec les groupes armés ? pour quels résultats ? Il n'est plus question de dialoguer avec ce mouvement. La RDC est un État souverain, ses décisions doivent compter. 

Une nouvelle attaque attribuée aux combattants ADF a fait  deux blessés sur la RN 4 route Komanda Luna dans la province de l'Ituri. Quelles sont vos propositions pour en découdre avec les groupes armés ?

Deborah Nyamugabo : comme je l'ai dit plus haut, la RDC doit se préparer à la guerre. Le moyen de la force sera le meilleur. Plus de deux décennies après, il faut utiliser la voie de la force. Nous avons les moyens, il suffit d'avoir de la volonté politique. 

Le Conseil consultatif pour les femmes, la paix et la sécurité pour la région des Grands lacs séjourne à Kinshasa dans le cadre de la mise en œuvre de l’Agenda Femmes, Paix et Sécurité et du plaidoyer pour l’inclusion des femmes dans les processus politiques et de paix. Quelles sont vos attentes après ce passage ? 

Deborah Nyamugabo : c'était un honneur de recevoir le Conseil Consultatif à Kinshasa. Je souhaite que nos recommandations soient entendues et mises en œuvre. Notamment en ce qui concerne la participation des femmes au dialogue de Nairobi et dans tout autre processus de paix et toutes les négociations. La République démocratique du Congo possède des médiatrices, des expertes en conflits, qu'il faut impliquer dans ces négociations. 

Pour ce qui est des élections, Denis Kadima veut ajouter aux empreintes digitales, l’enregistrement de l’iris de l’œil pour fiabiliser davantage le fichier électoral. Que pensez-vous de cette innovation ? 

Deborah Nyamugabo : bien-sûr que c'est une innovation. Mais, ne va-t-elle pas retarder les élections ? Cette opération ne coûterait-elle pas chère au pays ? Cela ne va pas susciter d'autres problèmes ? Pourquoi ne garderait-on pas une telle proposition pour des élections futures ? Nous sommes à quelques mois de 2023. On aurait ainsi beaucoup de temps pour étudier sa proposition et la comprendre, faire des analyses approfondies sur cette méthode. La population voudra également savoir pourquoi on opterait pour cette nouvelle méthode avant qu'elle ne s'y adapte. Ce n'est pas une innovation applicable au moment actuel. 

Le PPRD, appuyé sur l’article 64 de la constitution a annoncé également que s’il n’y a pas élections en 2023, ce sera la déclaration de guerre. Quelle est votre opinion sur sa position ? 

Deborah Nyamugabo : le PPRD est libre d'émettre une opinion et j'estime que cette déclaration l'engage seul. J'espère qu'ils savent comment s'y prendre et comment sortir le pays de cette guerre qui pourrait être déclarée. 

En économie, la RDC a déposé l'instrument de ratification de son adhésion à la EAC. Par cet acte, elle devient officiellement 7e membre de cette organisation sous régionale. Quelles sont vos recommandations à ce sujet ? 

Deborah Nyamugabo : nous saluons toute initiative visant à faciliter les opérations économiques au niveau régional. Mais, n'oublions pas qu'en ce moment la RDC est en conflit avec certains de ses voisins, membres de l'EAC. Donc, c'est à la fois une bonne résolution et une décision néfaste car les missions de l'EAC ne pourront être réelles.

Au moins trois personnes sont mortes dans un accident de circulation à Bukavu (Sud-Kivu). Ce drame intervient quelques jours seulement après un autre accident, qui a coûté la vie à 9 personnes dont 8 écoliers et leur chauffeur. Quelles sont vos attentes sur cette question ? 

Deborah Nyamugabo : les autorités provinciales devraient prendre des mesures en ce qui concerne la circulation routière. Il va être aussi important de mener des enquêtes approfondies pour pallier ce problème. Parfois les routes ne sont pas assez vastes. Il va falloir y réfléchir. 

Le procès sur la débâcle de Bukanga Lonzo s'est poursuivi cette semaine devant la Cour de cassation. Il s’agit d’une reprise après que la Cour Constitutionnelle s’est déclarée incompétente de juger Matata Ponyo, qui fut Premier ministre lors des faits. Quel est votre point de vue à ce propos ? 

Deborah Nyamugabo : l'autre problème de la RDC, c'est d'avoir des politiques qui souvent taillent des lois selon des individus. Voilà le résultat, on se retrouve aujourd'hui dans une situation où une personne ne peut pas être jugée par ce que telle institution n'est pas compétente. Mon opinion est que la justice congolaise puisse faire son travail. Nous attendons des résultats. 

Il y a eu un rebondissement dans l’affaire décès Alice Iyanya à Goma. La ministre du genre promet de saisir celle de la justice pour que le procès soit à nouveau jugé à Kinshasa. Vos recommandations ? 

Deborah Nyamugabo : c'est une bonne résolution du ministère du genre. Nous allons attendre qu'une fois de plus la justice fasse son travail. Entre-temps, qu'est-ce qui prouve que si l'affaire est rejugée à Kinshasa, on pourra obtenir gain de cause ? Nous espérons que la Justice va dire le droit. 

Dans l’actualité internationale, l’OMS a déclaré que le nombre d’épidémies transmises aux hommes par les animaux a augmenté de 63% en Afrique, au cours de la décennie 2012-2022 par rapport à 2001-2011. Quelles mesures faudra-t-il prendre ? 

Deborah Nyamugabo : je pense qu'il va falloir déterminer les types d'animaux qui ont contaminé l'être humain , ainsi que les modes de transmission de ces maladies. Et pouvoir émettre des recommandations aux populations africaines à ce sujet. 

Les agences spatiales américaine (NASA), européenne (ESA) et canadienne (ASC) ont dévoilé mardi les premières images prises par le plus grand des télescopes spatiaux, le James-Webb (JWST), lancé en décembre 2021 par une fusée Ariane-5. Quel a été votre sentiment après avoir vu ces images ?

Deborah Nyamugabo : c'est une belle avancée pour l'univers entier. 

Un dernier mot ?

Deborah Nyamugabo : j'espère que les autorités congolaises pourront lire nos interventions et que des mesures importantes seront prises en faveur de la paix à l'Est. Nous en avons marre des tueries, nous en avons marre de l'exploitation illégale de nos richesses (...) Je vous remercie.

Propos recueillis par Prisca Lokale