Isabelle Moengo est journaliste à la Radio Top Congo depuis 2014. Elle y présente des éditions du journal de 20 heures le samedi et le flash info de 12 heures les jours impairs. Le Desk Femme s’est entretenu avec elle sur les progrès, défis et perspectives de la liberté de la presse en RDC.
Bonjour Madame Isabelle Moengo et merci de participer à cet entretien. Pouvez-vous nous parler brièvement de votre parcours ?
Isabelle Moengo : j’ai commencé ma carrière professionnelle au sein du Groupe de Presse l’Avenir (RTGA) en 2007. J’ai évolué en tant que journaliste à la présentation des éditions du journal, j’ai animé des émissions sous-régionales avec l’Institut Panos Paris dans un projet dénommé « Ondes des Grands Lacs » qui regroupait 12 radios de la région des Grands Lacs. J’ai également animé des émissions avec le centre Lokole.
Quelle définition accordez-vous à la liberté de la presse?
Isabelle Moengo : c’est un droit que le législateur congolais a consacré aux journalistes, celui d’informer, d’être informés, de dire librement ce qu’ils pensent et de le diffuser à travers n’importe quel support. Il y a l’image pour ceux qui sont à la télévision, l’audio pour ceux qui sont à la radio et les écrits pour les médias en ligne et la presse imprimée. Mais un droit avec des limites. C’est-à-dire que cela devrait se faire dans le respect de la loi, des droits d’autrui, de l’ordre public et des bonnes mœurs. La liberté de la presse est aussi le thermomètre dans une démocratie. A travers elle, on comprend le fonctionnement et la gestion d’un pays.
Y a-t-il de l’évolution dans l’exercice de cette liberté en RDC ?
Isabelle Moengo : parler d'évolution serait une conclusion hâtive. Mais un pas dans la bonne direction a été franchi. Lorsque le président de la République convoque les états généraux de la presse, c’est encourageant pour nous qui sommes dans la presse parce qu’il y a de la considération. Il y a une volonté du Chef de l’Etat pour que le journaliste jouisse pleinement de sa liberté, que cette liberté ne soit pas un simple slogan. Encourageant, mais il faut que les recommandations issues de ces assises soient appliquées.
Cependant, il y a encore du chemin à faire. Le bilan reste peu reluisant. Il y a toujours un problème d’accès à l’information, surtout auprès des institutions. Il faut par moment passer par des intermédiaires pour l’obtenir. Des journalistes sont victimes d’attaques au cours des marches de protestation, victimes d’attaques de la part des personnes se réclamant proches du régime en place. Les atteintes à la liberté de la presse persistent. On peut bien entendu mentionner la pluralité des médias mais à quoi sert cela quand les interpellations, les fermetures des médias et les arrestations s’en suivent ?
Selon vous, que faut-il pour une presse réellement libre en RDC ?
Isabelle Moengo : c’est un défi qui n’est pas impossible à réaliser si la responsabilité est partagée. Il faut d’une part un journaliste qui accomplit sa tâche et de l’autre, des institutions de la République qui font leur part. Parfois, les journalistes ont tendance à se victimiser, indexant le pouvoir en place alors que nous sommes souvent auteurs de plusieurs dérives qui conduisent à la restriction de cette liberté. Quel est le contenu que nous proposons au public ? Mettons-y une dose d’éthique, de respect des principes déontologiques, évitons d’être des caisses de résonance des politiques. Des institutions de la République, nous attendons la dépénalisation des délits de presse, cette infraction qui conduit plusieurs journalistes en prison.
Un autre point concerne l’amélioration des conditions de vie des journalistes. Dans plusieurs médias, il n’existe pas de salaire pour les journalistes, ils doivent vivre du coupage. Il faut par exemple songer à la création d’un fonds d’appui aux journalistes. Si les conditions de vie des journalistes sont améliorées, ce sera un pas vers la liberté de la presse en RDC.
Une pensée pieuse aux journalistes qui, alors que nous célébrons la liberté de la presse, sont en prison, ont été tués, surtout à l’Est du pays.
Propos recueillis par Prisca Lokale