Dans son discours à l'occasion de la fête du travail, le ministre de la Fonction publique Jean-Pierre Lihau a annoncé la réouverture de quelques "robinets" des Non Payés (NP) pour permettre leur mécanisation. Cette mesure sera uniquement valable pour les NP qui travaillent effectivement a-t-il précisé le 1 mai. À Kinshasa, des femmes fonctionnaires ont donné leurs points de vue à ce sujet.
Elles ont à la base passé entre 3 et 10 ans de service avant d’être reprises pour la première fois sur les listes de paie des agents de l'Etat congolais. Chacune d'elles a appuyé son avis par une expérience particulière.
"C'est une bonne décision que celle de pouvoir mécaniser les nouvelles unités. Mais je pense que la meilleure option serait d'investir au niveau de la retraite. Dans une administration normale, le recrutement des nouveaux travailleurs est une action qui succède à la mise en retraite de certains agents. En RDC, cette dernière n'est pas très bien mise en œuvre. Ce qui est à la base du débordement d'effectifs", explique Ruth Eale, agent auprès du secrétariat général, elle a été mécanisée en 2020, après 4 ans de service.
Aimerance Tupele et Cécile Mukulu sont actuellement cheffe de Division et cheffe de Bureau au ministère du commerce extérieur. Toutes les deux ont reçu leurs salaires à moins d'une année de leur affectation. Cependant, leurs points de vue divergent au sujet de la décision du Ministre.
"Plusieurs faits entrent en ligne de compte dans la mécanisation des agents publics. Il y a ceux qui sont actuellement engagés parce qu'ils sont parentés à certains hauts cadres ou aux ministres. Cependant, l'Etat congolais, par ses différents services, sait effectivement à quelle période il faudrait libérer les pensionnaires avant de prendre les nouvelles recrues. Ceux qui engagent des agents dans des voies peu courtoises ne se rendent malheureusement pas compte de cela. Cette décision, je ne la trouve pas juste. Il faut mécaniser toutes les nouvelles unités. Il y a aussi ceux qui ne vont pas au service faute de moyens de transport" confie Aimerance Tupele, engagée en 1985.
À Cécile Mukulu de répliquer. "La décision est juste. L'Etat congolais devrait payer ceux qui lui rendent service. Comment doit-on accepter le fait que de nombreuses personnes qui ne travaillent pas sont payées à la fin du mois ? Quand on veut une chose, on se bat pour l'obtenir. C'est à cela que nous ramène cette décision du ministre".
Martine Ibete est agent auprès du ministère de la santé publique. Elle s'est également indignée.
"Il y a de nombreuses personnes qui possèdent des numéros matricules sans avoir travaillé une seule fois pour un poste au sein de la Fonction publique. Elles attendent d'être payées par l'Etat congolais. Je trouve que cela n'est pas tout juste. À travers cette décision, le ministre devra écarter définitivement ceux qui n'ont jamais presté", dit-elle.
Et d'ajouter, " Il va aussi falloir évaluer ceux qui travaillent. La plupart d'entre eux ne sont pas qualifiés pour les postes qu'ils occupent " souligne Martine Ibete, qui a reçu son premier salaire, 7 ans après son engagement.
En 2021, Ernestine Kabadi à également été mécanisée. Mais cela est arrivé après 10 ans de patience.
"Dans cette histoire à propos des nouvelles unités, il y a de nombreuses personnes qui travaillent sans pour autant avoir été payées. Des listes de présences existent, des Chefs connaissent ceux qui viennent toujours travailler et qui excellent. Mais le processus de mécanisation est tellement lent que la plupart des personnes se relâchent. Dans ce sens, je trouve que cette décision du ministre est un soulagement pour tous ceux qui n'ont pas arrêté d'espérer, pour tous ceux qui croient qu'il y a une lumière au bout du tunnel", a fait savoir cet agent attaché au service social.
Parmi les nouvelles unités, nous avons rencontré Christine Luwando qui mène depuis 4 ans des démarches pour son affectation.
" C'est depuis 2018 que j'ai reçu un numéro matricule. Et aujourd'hui encore, je suis dans les démarches pour mon affectation au développement rural. Depuis près de 5 ans, on me dit de passer d'un service à un autre. Vous voyez ce que cela me coûte ? Je ne me fatigue pas pour autant. Je finirais un jour par obtenir cette affectation et être payée en tant qu'agent public. Je ne preste pas encore. Dès que je serai affectée auprès d'un service, je pourrais travailler tous les jours comme il faut ", souligne Christine Luwando.
Pour rappel, la cérémonie de célébration du travail à été retransmise en direct à la RTNC ce dimanche 01 mai.
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Prisca Lokale