En République Démocratique du Congo, de 2006 à 2018, cinq candidates se sont présentées pour briguer le poste de président de la République. Jusque là, aucune d'entre elles n'a réussi à s'imposer au scrutin. A quelques mois des prochaines échéances électorales, Desk femme est allé à la rencontre des Kinoises et Kinois qui se sont exprimés sur ce qui serait selon eux les raisons du blocage et les éventuelles corrections à apporter.
« Depuis l’époque coloniale, la RDC a été dirigée par des hommes. Je pense que cela a contribué à la création d’une image selon laquelle un Chef de l’Etat devrait absolument être un homme. Il n’est pas forcément question d’un déficit au niveau des compétences. C’est surtout cette image qui a influencé notre perception de la femme et nos décisions lors du vote », explique Astrid Mpele, commerçante au grand marché de Kinshasa.
Selon les données de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI-RDC), les femmes forment environ 52% de la population congolaise. S’appuyant sur ces chiffres, Godefroid Mbaya, mécanicien, estime que c'est la « volonté » qui manque aux congolaises pour voter leur semblable.
« Les hommes et les femmes ont étudié dans les mêmes écoles. On peut dire qu’ils ont acquis les mêmes compétences. Au moment de voter, les femmes choisissent de porter un homme à ce niveau de responsabilité. On aimerait bien qu’une femme occupe également ce poste. Mais, les femmes qui forment la plus grande majorité de la population sont-elles prêtes à voter pour une candidate ? Je suppose que c’est une question de volonté», insiste-t-il.
Présidente du parti politique Alliance des élites pour un Congo Nouveau (AeNC), Marie-Josée Ifoku était la toute dernière candidate en lice en 2018. Marinette Bawumbu, cambiste en ville, pense que la campagne électorale a eu de l’influence sur ses résultats. « Si Marie-Josée Ifoku n’a pas été élue, c’est peut-être parce qu’elle n’a pas été forte lors de la campagne électorale. Personnellement, je ne l’ai pas vue sur terrain pendant les périodes de campagne » se souvient Marinette Bawumbu.
Briser les stéréotypes, faire confiance aux mouvements des femmes
Parmi les propositions concernant les prochaines échéances électorales , Andy Mpoyi, Emmanuella Koyagialo et Marinette Bawumbu suggèrent de briser les stéréotypes, un contact permanent avec la population ainsi que de compter sur les efforts des mouvements féminins.
« Il faudra briser les pesanteurs culturelles et sociales qui pèsent sur la femme. En dehors de la présidence de la République, il y a le gouvernorat des provinces, les chefferies, les quartiers qui sont d’office gérés par des hommes. Culturellement, l’homme congolais sait que la femme ne peut pas porter des grandes responsabilités et cela se reflète dans la gestion de la société. C’est cela qu’il faut combattre », suggère Andy Mpoyi, étudiant à l’Institut Supérieur des techniques appliquées (ISTA).
A Marinette Bawumbu d’ajouter, « à l’avenir, si une femme veut être élue, il va falloir qu’elle mobilise déjà les moyens pour sa campagne, qu’elle soit en contact permanent avec les femmes, qui sont nombreuses en RDC, qu’elle parle aux jeunes filles parce que ces dernières veulent avoir des modèles féminins, qu’elle impose sa personnalité. Pour se faire élire en RDC, nous savons qu’il faut entrer en contact avec la population de toutes les couches sociales » a-t-elle soutenu.
Relire : RDC : ce qu’il faut retenir du pourcentage des femmes en politique
Emmanuella Koyagialo qui travaille dans une ONG de défense des droits des femmes renchérit,
« Ces dernières années, les mouvements féminins se sont élevés en RDC. D’ailleurs, dans l’un de ses discours, le président Tshisekedi a émis le vœu qu’une femme prenne les rênes du pays après lui. Les nominations des femmes qui se sont succédées depuis 2019, la prise de conscience de la femme par rapport à ses droits et son rôle, nous amènent à croire que dans les prochaines années, nous auront une Cheffe de l’Etat ».
Prisca Lokale