Motions des censures par les Assemblées provinciales : un droit à exercer avec modération sous peine de dissolution par le Président de la République

Le président de la république, Félix Tshisekedi/Ph Présidence

Droit garanti par la Constitution et les lois de la République, les motions de censure doivent être utilisées à bon escient par les Assemblées provinciales de la République Démocratique du Congo (RDC). En cas d'abus de ce droit de mettre fin à la fonction du Gouverneur de province ou du Gouvernement provincial, l'Assemblée provinciale peut être dissoute par le Président de la République.

La Constitution de la RDC du 18 février 2006 telle que révisée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 et la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux  relatifs à la libre administration des provinces, donnent à l'Assemblée provinciale le droit de relever de leurs fonctions le Gouverneur de province, le Vice-Gouverneur et les Ministres provinciaux, par le vote d'une motion de censure ou de défiance selon le cas (article 198 alinéa 8 et 9 de la constitution et 23 alinéa 8 de la loi sus évoquée)

Mais les limitations à  l'exercice de ce droit sont fixées toujours dans la Constitution et la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces. En effet, l'alinéa 10 de l'article 198 de la Constitution dispose : « Lorsqu’une crise politique grave et persistante menace d’interrompre le fonctionnement régulier des institutions provinciales, le Président de la République peut, par une ordonnance délibérée en Conseil des ministres et après concertation avec les bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, relever de ses fonctions le Gouverneur d’une province. Dans ce cas, la Commission électorale nationale indépendante organise l’élection du nouveau Gouverneur dans un délai de trente jours ».

Révisée par la loi du 22 janvier 2013, l'article 19 de la loi n°08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces dispose : « Lorsqu’une crise politique grave et persistante menace d’interruption le fonctionnement régulier des institutions provinciales, le Président de la République peut, par une Ordonnance délibérée en Conseil des Ministres et après concertation avec les Bureaux de l’Assemblée Nationale et du Sénat, dissoudre l’Assemblée Provinciale.

Il y a crise politique grave et persistante lorsque :

1. pendant six mois successifs, l’Assemblée provinciale n’arrive pas à dégager une majorité ;

2. elle ne peut se réunir pendant une session faute de quorum ;

3. au cours de deux sessions d’une année, le Gouvernement provincial est renversé à deux reprises.

Dans ce cas, la Commission Electorale Nationale Indépendante organise les élections provinciales dans un délai de soixante jours à compter de la dissolution.

En cas de force majeure, ce délai peut être prorogé à cent-vingt jours au plus, par la Cour constitutionnelle saisie par la Commission Electorale Nationale Indépendante ».

Cette dernière disposition indique de manière explicite les circonstances qui peuvent donner lieu à une crise politique grave et persistante et entraîner ainsi la dissolution de l'Assemblée provinciale par le Président de la République. C'est notamment le cas lorsque le Gouvernement est renversé à deux reprises au cours de deux sessions d'une même année.

Les circonstances actuelles

Actuellement plusieurs Gouvernements provinciaux de la RDC font face à des motions de censure. Mais ils ont réussi à se maintenir grâce à des recours introduits à la Cour constitutionnelle qui a annulé les décisions prises dans ces motions pour inconstitutionnalité. Dans des provinces comme le Maniema et la Tshopo, les députés provinciaux ont voté une deuxième motion de défiance à l'encontre de leurs gouverneurs. Ceux-ci ont de nouveau attaqué ces décisions.

Ces motions de censures qui surviennent dans la plupart des provinces de la RDC créent une crise politique et institutionnelle sans précédent au point de paralyser les fonctionnements des institutions provinciales et les actions des Gouvernements provinciaux. Malgré cette crise, l'hypothèse  prévue au point 3 de l'article 19 de la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, n'est pas encore réalisée à  notre sens puisqu'aucun Gouvernement provincial n'a été renversé après une motion devenue inattaquable ou après échec de recours. Ne pouvant dissoudre aucune Assemblée provinciale, le Président de la République ne peut qu'observer cette crise, non sans interpeller l'attention de tous sur sa gravité.

Blaise BAÏSE, Avocat près la Cour