Filimbi après avoir été reçu par Félix Tshisekedi: « Il faut reconnaitre que le processus électoral de 2018 a été le plus désastreux de la 3e République »

ACTUALITE.CD

Filimbi a été reçu par Félix Tshisekedi ce mercredi à Kinshasa. Le mouvement citoyen fait le compte rendu des échanges et des propositions faites à propos. Voici les points sur lesquels, ces activistes sont revenus:

Avant-propos

Nous avons suivi avec beaucoup d’attention l’adresse à la Nation faite par le Président de la République le 23 octobre 2020. De ladite allocution, nous avons retenu ce qui suit :

  • Le Président a rappelé les conditions inédites dans lesquelles la coalition politique FCC-CACH, majoritaire au Parlement, a été constituée, avant de constater, près de deux ans après, l’échec total de ladite coalition. Cette dernière n’a pas été capable de sortir le pays de ses différentes crises récurrentes car, a-t-il précisé, des divergences majeures persistent sur des questions fondamentales. En définitive, cette coalition anti-patrie n’a donc plus lieu d’être.
  • Le pays est pris en otage par un petit groupe de personnes qui incarne un SYSTEME de gestion basé sur des antivaleurs et leur permet de détourner impunément nos ressources communes. En outre, ces derniers ne sont pas disposés à changer.
  • La population, principale victime de la misère aggravée par cette prise d’otage, n’est pas disposée à accepter la pérennisation de ce SYSTEME.
  • En tant que garant constitutionnel du bon fonctionnement des institutions, et considérant que la défense des intérêts de la population est au-dessus de toute autre considération, le Président a décidé d’entamer des consultations avec les leaders politiques et sociaux les plus représentatifs afin de recueillir leurs opinions et définir une feuille de route nationale qui devra répondre aux énormes défis auxquels le pays est confronté.

Au regard de ces faits, nous saluons la sincérité du Président de la République dans la reconnaissance du blocage quant au développement que constitue la coalition FCC-CACH dont ce dernier fait partie, et nous l’encourageons à aller jusqu’au bout de la démarche.

Pour nous, en effet, la situation dans laquelle la RDC se retrouve était prévisible. Sans cesse, nous n’avons cessé de le rappeler. La crise actuelle, résultant d’un mariage contre nature, conclu à la suite d’un processus électoral chaotique, a été renforcé par l'implication de plusieurs acteurs du clan présidentiel dans des actes de mégestion, perpétuant ainsi la poursuite d’un SYSTEME de prédation, longuement combattu.

Recommandations

Concernant les questions soulevées, nous vous recommandons les mesures urgentes ci-après.

Rétablir et consolider la paix

  • Faire le toilettage dans nos services de sécurité afin de répertorier et d’extirper les éléments nuisibles ;
  • Mobiliser les ressources militaires et logistiques nécessaires afin de rétablir au plus vite la paix dans cette partie du pays ;
  • Mobiliser et mettre en place les ressources nécessaires pour la prise en charge des déplacés, souvent abandonnés tristement à leur propre sort sans aide et sans aucune assistance de l’Etat ;
  • Multiplier les initiatives pouvant mener au rétablissement total de la paix dans tout en n’encourageant pas l’impunité ;
  • Abroger les dispositions du décret créant la commune de Minembwe pour cause d’absence d’avis conforme de l’Assemblée provinciale ;
  • Entamer les démarches avec les pays amis de la RDC en vue de la proposition et de l’adoption d’une résolution créant un Tribunal Pénal International sur les crimes commis en RDC (cf. Rapport Mapping).

Renforcer l’Etat de droit et poursuivre la construction de la démocratie 

  • Poursuivre sans failles les différentes enquêtes en cours et ouvrir plusieurs autres qui concernent des faits largement documentés ;
  • Renforcer l’indépendance de la justice en dépolitisant l’appareil judiciaire et en améliorant les conditions de travail et de vie des magistrats ;
  • Réaffirmer que le droit de manifestations n’est pas soumis à une autorisation de l’autorité administrative mais à une simple obligation d’information préalable auprès de cette autorité (Article 26 de la Constitution) ; 
  • Entamer la procédure de désignation du Chef de l’Opposition (Article 19 de la Loi n°07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l’opposition) ;
  • Accorder à l’opposition politique un droit au libre accès et à un égal traitement par les médias publics dans le cadre des émissions et programmes pour faire connaître leurs opinions (Article 13 de la Loi n°07/008 du 4 décembre 2007 portant statut de l’opposition) ;
  • Encadrer le droit à tout congolais d’adresser individuellement ou collectivement une pétition à l’autorité publique (Article 27 de la Constitution) ;
  • Elaborer, déposé et adopter une loi d’accès à l’information.

Organiser les élections crédibles dans les délais constitutionnels

Les futures élections en RDC doivent être radicalement meilleures que toutes les précédentes et les reformes à mettre en place doivent tirer toutes les conséquences de toutes les irrégularités identifiées.

Pour préparer le processus électoral à venir, il est important que le cadre électoral actuel puisse subir des réformes pertinentes afin d’éviter de connaître les contestations post-électorales dues à la fraude et aux irrégularités montées volontairement par la centrale électorale en parfaite collaboration avec les tenants de pouvoir à l’instar des élections chaotiques depuis 2006.

Cependant, nous devons honnêtement répondre à plusieurs interrogations parmi lesquelles :

  • Est-ce qu’avec une bonne dose de patriotisme, de sérieux et d’honnêteté nous n’aurions pas pu avoir de bonnes élections malgré quelques failles dans les textes ?
  • Les textes en vigueur au moment des élections ont-ils été respectés ?
  • Quelle est la garantie que les réformes que tous appellent à grand cris aujourd’hui produiront des textes qui seront, CETTE FOIS-CI respectés ?
  • Pouvons-nous espérer que les bénéficiaires d’une malversation soient suffisamment altruistes pour se « suicider » lorsqu’on leur « confie » la décision ?
  • Pourquoi devons-nous réinventer sans cesse la roue ?

La réponse à ces questions démontre que quoique des changements soient absolument pertinents pour remédier aux multiples disfonctionnements des processus électoraux successifs et qu’il soit important de repenser une bonne partie du fonctionnement de la justice et des interactions interinstitutionnelles, leur mise en œuvre, dans la configuration actuelle, ne sera pas efficace sans l’acceptation préalable par TOUS des causes profondes de la situation.

Depuis quelques semaines, le débat politique en RDC est dominé par les questions des réformes électorales. L’ensemble des forces vives s’y est penché et la société civile n’a pas été en reste.

En effet, les différents processus électoraux depuis 2006 ont mis en exergue la non-conformité de certains textes électoraux au regard des réalités sociales,  politiques, administratives et techniques.

La nécessité d’un questionnement régulier et la mise en adéquation des textes électoraux à ces réalités devrait s’imposer à tous.

L’irresponsabilité et le manque de scrupules et de patriotisme de plusieurs acteurs-clés impliqués dans la mise en œuvre du processus électoral de 2018, en commençant par le leadership de la Commission électorale, ont, de manière particulière, démontré les limites d’une législation taillée sur mesure et le degré de violation des textes en vigueur.  

Il faut reconnaitre que le processus électoral de 2018 a été le plus désastreux de la Troisième République, qu’il a été entaché de plusieurs irrégularités, de fraude et de corruption et qu’il a donné naissance à des institutions dont les acteurs sont, plus ou moins, contestes dans des proportions diverses par la population selon le cas et qu’il faut repenser le contrat social.

Il apparait clairement que ce serait une incohérence notoire de confier le traitement de ces reformes a des institutions qui sont justement le produit de ces irrégularités, de cette fraude, de cette corruption a grande échelle.

En plus, « faire la politique de l’autruche » ou mettre une croix sur toutes ces irrégularités, fraudes et corruptions qui se sont produites et qui ont été décriées quasiment par tous et « passer à autre chose » - serait-ce à des réformes - serait faire preuve d’une irresponsabilité innommable en tant que nation et créerait une jurisprudence qui nous rattrapera tôt ou tard.

Tous, acteurs et populations, c’est le moment de l’histoire de notre pays où nous devons mettre en pratique les valeurs comme le patriotisme, la justice, l’honnêteté et la vérité que nous prêchons à longueur de journées mais que rarement nous n’incarnons. Nous devons impérativement tirer TOUTES les conséquences des forfaitures qui nous ont été servies comme processus électoraux, plus gravement en 2018, et veiller à ce que toutes les parties-prenantes reconnaissent OFFICIELLEMENT que ce processus électoral a été extrêmement chaotique et source de contestations multiples qui hantent encore les esprits des citoyens, que les irrégularités, la fraude et la corruption qui l’ont accompagné ont produit des institutions avec une très faible légitimité et que des corrections s’imposent pour  lancer les réformes qui garantiraient que ne se reproduise pareille forfaiture.

L’amnésie sélective dont nous faisons preuve systématiquement quand nos intérêts sont menacés, notre propension à perpétuellement contourner les textes qui ne nous arrangent pas et notre tendance à considérer continuellement que le diable c’est celui qui nous contredit ne permettront jamais à notre chère patrie d’aller de l’avant.

De ce qui précède, il s’avère urgent de :

  • Entamer le traitement, au Parlement, via une session extraordinaire, des projets de loi modifiant la loi électorale déposés à ce jour ;
  • Prévoir dans la loi des finances 2021, la création d’une caisse pour le financement des élections 2023 ;
  • Désigner les futurs animateurs de la CENI.

Bâtir infrastructures 

  • Publier les recettes du FONER, l’affectation de ces ressources par tronçon routier en réhabilitation ;
  • Publier les recettes découlant de la perception du Go-Pass ainsi que son affectation par infrastructure aéroportuaire en réhabilitation ;

Assurer la santé à nos populations 

  • Exonérer de droits de douane et de taxes de tous les médicaments antipaludéens importés par la RDC ;
  • Mettre en place un programme de réhabilitation des hôpitaux publiques et d’amélioration des conditions du personnel médical ;

Garantir l’éducation

  • Evaluer l’impact de la gratuité de l’enseignement en termes de qualité de l’enseignement et prendre des mesures courageuses pour y remédier ;
  • Elaborer un cadre légal pour l’octroi des bourses d’études et activer le crédit budgétaire prévu dans la loi des finances à cet effet. 

Promouvoir l’entreprenariat local et donner une perspective économique à la jeunesse 

  • Mettre en œuvre la loi fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé ;
  • Créer et rendre effective le Fonds de Garantie de l’Entreprenariat au Congo ;
  • Accorder une portion des financements du Fond pour la Promotion de l’Investissement aux jeunes entrepreneurs;
  • Créer et rendre effective le Fonds national de développement agricole ;
  • Rendre gratuit l’enregistrement des entreprises de catégorie « Etablissement »
  • Permettre l’enregistrement des entreprises en ligne où à l’aide d’une application mobile ;

Encadrement des recommandations

Cependant, la prise en compte éventuelle de nos recommandations et fort probablement ceux des autres, ne peut se faire en dehors des institutions car elles exigent des mesures telles que les modifications de loi, les décrets et arrêtés d’exécutions. C’est ainsi que nous proposons, à la suite de ces consultations, d’établir une grille de proposition d’action concrètes secteur par secteur qui sera la base d’une vision commune avec les partenaires politiques qui souhaiteront y adhérer. Ceci afin que les prochaines années puissent être basées non pas sur le partage des postes mais plutôt sur des actions concrètes et programmées visant l’amélioration de la vie de la population que chacun se sera engagé à appliquer. Nous veillerons, en tant que mouvements citoyens au respect de ces engagements.

En définitive, ces consultations- que nous voulons ouverts et sincères- ne pourront avoir des retombées positives que si le principal objectif est de véritablement démanteler le SYSTEME prédateur et criminel mis en place par le régime Kabila et ses complices internes et externes, et poser les bases d'un cadre qui permettra de résoudre non seulement les principaux problèmes réels auxquels les citoyens congolais font face (sécurité, économie et social...) mais aussi de dégager les pistes de solutions garantissant la transparence des processus électoraux futurs.

Floribert Anzuluni

Coordonnateur/FILIMBI

Carbone Beni

Chargé du Réseau & Déploiement