L'offensive de l'AFC/M23 et de l'armée rwandaise (RDF) sur Goma et les nouvelles avancées prévues vers Lubero, au Nord-Kivu, ont incité les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) à renforcer leur dispositif militaire afin de servir de zone tampon stratégique le long des lignes de front vers le Grand Nord du Nord-Kivu. C'est ce qu'a affirmé le nouveau rapport du groupe d'experts des Nations-Unies.
D'après ce document couvrant la période de janvier à avril 2025, le gouvernement ougandais a publiquement justifié cette « position défensive avancée » comme étant nécessaire pour protéger sa sécurité et ses intérêts économiques. Le président Museveni a déclaré que la présence de l'UPDF n'était pas liée à la « lutte contre les rebelles du M23 », soulignant plutôt son objectif de contrer les ADF et de sécuriser la construction de la route Kasindi-Beni-Butembo.
"Début février, l'UPDF a déployé plus de 1000 soldats supplémentaires au sud de Lubero. Des troupes supplémentaires ont été stationnées le long de l'axe Lubero-Butembo, tandis que d'autres ont été déployées à Bunia, dans les territoires de Mahagi et Djugu en Ituri. Le total des déploiements en 2025 a représenté au moins 3 000 soldats supplémentaires, portant la présence totale de l'UPDF en RDC depuis 2024 à plus de 6 000 personnes, doublant ainsi la présence de l'Ouganda dans le pays", rapporte le rapport du groupe d'experts de l'ONU.
En revanche, poursuit le document, le gouvernement de la RDC n'avait été officiellement informé que de 2 000 soldats de l'UPDF opérant dans le cadre de l'opération “Shujaa” contre les islamistes ADF depuis son lancement.
"L'Ouganda a soutenu que le déploiement de l'UPDF s'inscrivait dans le cadre plus large de l'opération Shujaa. Toutefois, les nouveaux déploiements n'ont pas permis de réaliser de gains opérationnels contre les ADF. Le gouvernement de la RDC a confirmé que le nouveau déploiement de l'UPDF avait été effectué sans son accord préalable et que l'UPDF menait des initiatives unilatérales en dehors du cadre des opérations conjointes avec les FARDC".
C'est dans ce cadre que les experts des Nations-Unies ont affirmé dans leur rapport que cette intervention a élevé l'Ouganda au rang d'acteur majeur du conflit en cours.
"La proximité immédiate des forces de l'UPDF avec les positions de l'AFC/M23 et des RDF dans le sud du territoire de Lubero a suscité des inquiétudes quant à l'impartialité de la présence de l'UPDF, compte tenu du soutien déjà documenté de certains éléments de l'UPDF aux opérations de l'AFC/M23. D'une part, l'UPDF a empêché les forces de l'AFC/M23 d'avancer vers Kisangani par la négociation plutôt que par une confrontation directe conformément à l'objectif déclaré de l'Ouganda de protéger ses intérêts nationaux tout en évitant une confrontation armée avec le M23", ont fait remarquer les experts.
Parallèlement, alors que le quartier général régional des FARDC se regroupait à Beni, la présence de l'UPDF a efficacement servi de tampon sur le front nord, où l'AFC/M23 et les RDF étaient les plus vulnérables militairement.
"Ce positionnement a conféré un avantage tactique significatif à l'AFC/M23, qui, rassurée de ne pas être attaquée par le nord, a pu concentrer ses capacités opérationnelles vers l'ouest, facilitant ainsi les offensives vers Walikale. Les déclarations publiques incendiaires répétées du général Muhoozi Kainerugaba, commandant des forces de défense de l'UPDF, exprimant son admiration pour le président Kagame et soulignant l'étroite coopération entre l'UPDF et les RDF, ont soulevé des questions légitimes quant aux objectifs sous-jacents de l'implication de l'Ouganda dans la région", ajoute le rapport.
Après le tôlée suscité au sujet du renforcement de l'armée Ougandaise dans la province de l'Ituri sans l'aval de Kinshasa, le général d'armée Muhoozi Kainerugaba, fils de Yoweri Kaguta Museveni et chef d'État major général de l'armée ougandaise et le lieutenant général Jules Banza Mwilambwe, chef d'État major des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ont signé, vendredi 20 juin, à Kinshasa, le mémorandum d'entente révisé sur les opérations conjointes Shujaa contre les terroristes ADF-MTM.
Selon le général major et porte-parole des FARDC, Sylvain Ekenge, le nouveau mémorandum d'entente réactualisé en fonction de l'évolution actuelle de la situation sur le terrain prévoit le renforcement des opérations contre les ADF sur le terrain et leur élargissement dans les territoires de Mambasa en Ituri. Ces opérations conjointes seront également étendues contre les groupes armés auteurs de l'insécurité dans la province de l'Ituri plus particulièrement dans les territoires de Djugu, Irumu, Mahagi et Aru.
Pour appuyer ces opérations, il a été décidé du maintien de l'équipe conjointe des renseignements. L'autre point inscrit dans le nouveau document est la sécurisation conjointe des travaux de réhabilitation de la route Kasindi - Beni - Butembo.
Clément MUAMBA