Annie Matundu a récemment présenté un glossaire des termes de la résolution 1325, femme paix et sécurité. Dans une interview exclusive accordée au Desk Femme de Actualité.CD, elle revient sur ses motivations, son parcours entant que « Mama 1325 » et dresse un bilan de la participation de la femme au processus de paix en RDC.
Bonjour Madame Annie Matundu et merci de répondre aux questions du Desk Femme de Actualite.CD. Vous avez mis en place un glossaire des termes de la résolution 1325. Qu’est-ce qui vous a motivé à mettre en place un tel outil ?
Annie Matundu : Mes motivations viennent de mon statut de formatrice de la résolution 1325. J’encadre des acteurs clés de cette résolution, tels que des organisations féminines ou membres des ministères. Mais, j’ai constaté à chaque formation, que les participants ne connaissent pas cette résolution. Je les soumets à un exercice qui consiste à placer entre 0 et 5 le degré de leurs connaissances. Plus de 80% se situe entre 0 et 1. C’est ainsi que j’ai pensé à concevoir une astuce plus simple. J’ai commencé à écrire ce glossaire en 2014 et je l’ai terminé en 2020.
Quelle particularité apportez-vous à travers ce document ?
Annie Matundu : La particularité dans ce glossaire est le fait qu’il résume les dix autres résolutions. La 1325 est une résolution mère, elle est entourée de 9 autres résolutions connexes dont chacune a une signification. Femme, paix et sécurité, violences sexuelles, recherche, (…), chacune d’elles a des terminologies. Ces autres résolutions ont été adoptées par l’Assemblée générale des NU après que l’on ait observé les lacunes de la 1325
Quels sont les termes clés que l’on retrouve dans ce document ?
Annie Matundu : Les termes clés de ce glossaire se fondent sur les piliers de la 1325. Il y en avait trois au départ : la participation, la prévention, la protection et promotion. Le troisième pilier a été scindée en deux et la promotion a été remplacé par le Relèvement qui évoque l’autonomisation de la femme. Dans chaque pilier, il y a des mots clés, des explications.
Annie Matundu est connue comme l’une des plus grandes figures dans la défense des droits des femmes en RDC. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Annie Matundu : J’ai commencé par faire des études en pharmacie à Kinshasa, ensuite je suis allée à l’Université Libre de Bruxelles. Mais, j’ai connu des problèmes et j’ai dû m’inscrire dans une nouvelle faculté. J'ai obtenu un diplôme de licence en gestion hospitalière. J’ai deux maitrises en consultation économique et en finance publique. Dès mon retour au pays, j’ai travaillé en tant que Directeur gestionnaire à l’Eglise du Christ au Congo. J’ai supervisé des projets même lors des pillages de 1991 à 1993. J’ai été consultante dans différentes organisations au niveau national. En 2016, j’ai été Conseillère principale chargée des bailleurs des fonds. K’ai été maire adjoint au gouvernorat du Kongo Central.
Vous êtes aussi appelée ambassadrice de ladite résolution pour avoir participé à tout le processus de sa mise en œuvre. Pouvez-vous nous parler brièvement de ces démarches jusqu’à l’adoption de la 1325 ?
Annie Matundu : le 31 Octobre 2000 cette résolution a été adoptée à l’unanimité par 193 Etats et membres des gouvernements. En 2000, lors de son adoption, peu de pays parlait de cette résolution malgré qu’elle ait été adoptée à l’unanimité. En 2007, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a demandé à tous les Etats d’avoir un plan d’action national. En aout 2007, j’ai écrit un article dans lequel je me demandais quelle était la portée de cette résolution pour la femme congolaise. Les services de communication de la MONUC m’ont contacté pour avoir des explications à ce propos. 10 jours après, la RDC a lancé officiellement la résolution 1325 dans toute son étendue. Cela nous a emmené à commencer le processus du Plan d’action national première génération. Nous avons travaillé essentiellement sur le volet paix de cette résolution. En Juin 2010, nous avons présenté le PAN 1ère génération au niveau du gouvernement et la résolution va entrer en vigueur au mois d’Octobre 2010. Depuis lors, j’ai beaucoup écrit autour de cette résolution, j’ai participé à des conférences au niveau national, régional, sous-régional et international. J’ai été formé en Suède en 2012 et j’aide les autres pays à mettre en place leurs plans d’action national. Je suis actuellement la marraine du PAN 1325 Camerounais, j’ai été contacté par l’Irlande, je vais également soutenir les autres pays. C’est pour cela que j’ai reçu le sobriquet de « Mama 1325"
20 ans après cette résolution, quels sont selon vous, les instruments juridiques publiés en RDC qui ont favorisé l’application des dispositions de la 1325 ?
Annie Matundu : Les instruments juridiques. Nous allons les prendre dans tous les niveaux ; national, régional et sous-régional et même international. Au niveau national, la résolution 1325 est venue appuyer la CEDEF (Convention sur l’élimination des discriminations faites à la femme), mais aussi l’article 14 qui soutient la participation politique de la femme. Cette résolution a complété les dispositions juridiques qui ont existé avant 2000 et elle a renforcé celles qui sont venues après 2000. A l’exemple de notre Constitution qui date de 2006. Il y a des avancées mais elles sont lentes, par manque de financement et d’appropriation de la part du gouvernement. C’est ainsi que nous sommes en train de mener un plaidoyer pour que le gouvernement prenne en compte cette résolution. La Ministre d’Etat Béatrice Lomeya a présenté cette résolution au niveau du Conseil des ministres, elle a été adoptée et validée. Il reste à présent au gouvernement d’aider la mise en œuvre effective de cette résolution. Au cours des journées portes ouvertes, nous l’avons épinglé. Le reste du travail, ce sont les ONG qui y travaillent et les bailleurs .
Reste-t-il encore des étapes à franchir dans mise en œuvre en RDC ? Lesquelles selon vous ?
Annie Matundu : Oui, il faut une mise en œuvre effective et efficiente. Même après 20 ans, cette résolution reste méconnue auprès de la population et même des certains acteurs clés qui doivent participer à sa mise en œuvre. Elle demande à être vulgarisée, il faut qu’il y ait des terminologies simples. Nous menons des plaidoyers entant qu’organisations de la société civile, au niveau du Conseil de Sécurité des Nations Unies, en sorte qu’il y ait une nouvelle résolution parce que nous avons à ce stade 10 résolutions qui ne sont pourtant pas mises en œuvre. Il y a une autre résolution de l’agenda Femme qui doit être adoptée très prochainement. Nous souhaitons également que le budget de l’Etat incluse également sa mise en œuvre. Nous avons essayé à l’époque de vulgariser en quatre langues nationales mais sans impact réel.
Quelle place occupent les femmes dans le processus de paix en RDC et comment peuvent-elles y participer activement ?
Annie Matundu : « Nous venons de faire une étude continentale, l’Union Africaine a pris 7 pays dont la RDC (J’ai été la Consultante nationale de la RDC) pour voir quel est le dividende, de la femme congolaise dans la participation aux tables de négociations aux conflits. Il faut partir de ce que les femmes congolaises ont fait à Sun City. Elles n’avaient pas de place mais elles ont été chapotées par les expertes pour y participer et elles en sont parvenues. Ces dividendes ont aidé à la révision du Code de la famille, à l’insertion de l’article 14 de la Constitution et en 2015, la révision de la loi portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité. Les textes et lois sont là mais c’est l’application qui fait défaut. Mais, on peut dire qu’aujourd’hui, la femme congolaise participe réellement pour faire avancer la consolidation de la paix en RDC. »
Aujourd’hui, avec les consultations initiées par le Chef de l’Etat, quels rôles pour les femmes ?
Annie Matundu : je pense que les femmes se préparent à répondre à l’appel du Chef de l’Etat. Elles se sont organisées avec l’identité composante Femme. On ne s’identifie pas en tant que femme de la société civile, une femme de CACH ou FCC, mais on prend le dénominateur commun qui est Femme. Nous avons des problèmes spécifiques qui n’ont pas besoin d’appartenance politique. Nous avons fait l’analyse des 8 points décelés dans le discours du Chef de l’Etat et si la Composante Femme sera appelée, nous allons également exposer nos préoccupations.
Que doit faire concrètement l’Etat congolais pour garantir la paix et la sécurité à son peuple et particulièrement aux femmes ?
Annie Matundu : L’Etat Congolais doit se rapprocher de la résolution 1325, femme paix et sécurité. Il doit suivre les engagements que nous avons dans l’accord cadre d’Addis-Abeba. Parmi ces engagements on voit également la restauration de l’Etat de droit. S’ils sont mis en œuvre, nous aurons une paix durable, sans laquelle on ne sait pas se développer. La RDC doit booster les autres pays africains pour un développement durable.
Par ailleurs, Annie Matundu a appelé les organisations tant nationales qu’internationales à se procurer le nouveau glossaire de la résolution 1325 pour en saisir les terminologies et l’utiliser à bon escient. Elle est également présidente de Women’s International League for Peace and Freedom en République Démocratique du Congo (WILPF/RDC) en français, Ligue Internationale des femmes pour la paix et la liberté.
Propos recueillis par Prisca Lokale