Lydia Chirimwami est décédée le 12 juin 2019 suite à des complications liées à un accouchement par césarienne au centre médical Diamant. Comme plusieurs familles en RDC, son époux, docteur Stéphane JD Bikoro réclame des explications mais surtout il aimerait que justice soit faite vis à vis de ce décès qu’il estime être une erreure médicale. Entretien exclusif avec ce père de famille qui a lancé une pétition sur internet depuis le 31 janvier.
Monsieur Bikoro vous avez récemment initié une pétition concernant Lydia Chirimwami, votre défunte épouse. Pouvez-vous nous dire en quelques mots quelles ont été les circonstances de sa mort tragique ?
M. Stéphane Bikoro : le 27 mai 2019, ma défunte épouse est sortie du Centre médical Diamant après une semaine d’observation pour une prise en charge adéquate de sa grossesse. Le 29 mai 2019, Lydia Chirimwami, 35 ans, est réadmise en urgence au centre médical Diamant et ce même jour, une césarienne est pratiquée par le personnel hospitalier. Elle rentre en chambre mais très vite je fais le constat de son état général (ballonnement, douleurs abdominales et fièvre). Au vu des signes cliniques et grâce à mes 15 années d'expérience en tant que médecin, je soupçonne une péritonite consécutive à une prise en charge inadéquate de la césarienne. C’est ainsi que j’ai demandé au Centre Médical Diamant de procéder à une réévaluation de l'état de ma femme pour une prise en charge plus appropriée. Mais le Centre réfute mon avis, s'appuyant sur les examens paracliniques (2 scanners échographie) effectués par les spécialistes dudit centre. Le 10 juin 2019, un troisième scanner est effectué par le centre Médical Diamant, 4 jours après les deux premiers scanners révèlent la présence de liquide et d'air dans la cavité péritonéale, confirmant finalement la péritonite que j’avais soupçonnée depuis le début. Une intervention chirurgicale est prévue le 11 juin soit 2 semaines après l’hospitalisation pour césarienne. Mais il est déjà trop tard. Ma femme a subi une nouvelle intervention . Elle est décédée le 12 juin.
Aviez-vous l’habitude de vous rendre à cet hôpital ou était-ce votre première fois ?
M. Stéphane Bikoro : toute ma famille possède depuis l'ouverture de ce centre une fiche comme abonné et actuellement couvert par l'assurance CIGNA international health service (Une société internationale de services de santé dont la mission est d'améliorer la santé, le bien-être et le sentiment de sécurité de ses assurés Ndlr).
Depuis Juin 2019 à ce jour, où en êtes-vous avec le dossier ?
M. Stéphane Bikoro : la dénonciation de l'association de défense des droits des patients (ADP) a été faite le 13 Juin 2019 soit au lendemain du décès de mon épouse. Vu le silence observé de la part du centre Diamant sur ce cas malheureux, et après la réquisition faite par le procureur de la République près la cour d'appel de Kinshasa, j'avais contacté mon assureur afin d’obtenir le rapport médical avant le paiement de la facture réclamée par Diamant qui s'élevait à environ 12.500 usd. Après la réception du rapport, je l'ai partagé avec le juge pour confirmation de la dénonciation, j’ai aussi contacté le procureur général près le tribunal de grande instance de Kinshasa qui a demandé le dossier en communication et qui a instruit le dossier jusqu'à ce jour. Actuellement, nous sommes au niveau du Parquet près la Cour d'Appel de la Gombe.
Pourquoi être passé par la voie de la pétition en ligne pour exiger réparation ?
M. Stéphane Bikoro : la pétition a été initiée par nos amis et collègues pour soutenir l'action de l'Association de défense des droits des patients (ADP) et surtout pour encourager la justice a faire son travail en toute indépendance.
Combien de signatures avez-vous déjà obtenues jusque-là ?
M. Stéphane Bikoro : en 4 jours seulement, nous avons atteints plus de 5100 signatures.
En dehors des signatures, que voudriez-vous obtenir concrètement à travers cette pétition ?
M. Stéphane Bikoro : que justice soit faite et que les dispositions soient désormais prises à travers une loi votée au parlement pour auditer tous les décès maternels et que les sanctions soient appliquées contre les personnes ou structures impliquées dans ces décès, afin qu'aucune autre femme ne décède en donnant la vie.
La pétition fait état des menaces à votre encontre. Pouvez-vous revenir plus amplement sur ce fait ?
M. Stéphane Bikoro : j’ai reçu des intimidations de certaines personnes à travers les réseaux sociaux en publiant ma photo et propageant de fausses informations sur ma personne et sur la santé de mon épouse. C’est dans le but d'étouffer la plainte et de créer une diversion(...)ceci au sein même des membres de la profession médicale à laquelle j'appartiens et à laquelle appartenait ma femme en tant que médecin.
Avez-vous également des attentes auprès des autorités congolaises ?
M. Stéphane Bikoro : je voudrais juste que les autorités empêchent des interférences dans ce dossier en justice. Et aussi, d’aider la justice à faire correctement son travail.
En tant que médecin, vous estimez à combien le cas d’erreur médicale en RDC. Pouvez-vous nous donner un chiffre approximatif ?
M. Stéphane Bikoro : le nombre en est important ! Au vu de la qualité actuelle de l'enseignement en médecine, le risque est trop élevé. Je note au cours de deux semaines d'hospitalisation dans ce centre : 2 cas de décès maternels dont mon épouse et 2 cas de péritonites dont celui de mon épouse et celui d'un collègue qui a subi une intervention pour appendicite et qui a dû être évacué pour meilleure prise en charge en France.
Selon vous, à quoi sont dues toutes ses erreurs ? Manque de matériel/ infrastructure ? Mauvaise formation ? Erreur humaine ?
M. Stéphane Bikoro : les causes sont multifactorielles je pense. Pas de permanence des spécialistes, d'où le suivi est assuré par les généralistes. Utilisation d'une main d'œuvre empruntée par des médecins spécialistes, surcharge du travail pouvant occasionner une négligence dans le suivi des patients (madame hospitalisée jusqu'à la veille de son intervention mais ayant été sortie alors qu'elle avait une grossesse à haut risque et devrait être gardée jusqu'à la programmation de l'intervention).
Selon Elodie NSIMIRE MUZIGIRWA, présidente de l’Association de Défense des Droits des Patients (ADP a.s.b.l )qui se base sur un sondage effectué entre Août et octobre 2017 sur un échantillon de 554 individus âgés de 17-80 ans tiré de toutes les communes de Kinshasa:
30,5% de personnes à Kinshasa ont déjà perdu un proche par négligence de corps médical
11,6% par mauvais diagnostic
7,4% par complication médicamenteuse
13% par mauvaise prise en charge
6,9% par refus des soins par la structure médicale
6,2% par une autre cause
11,4% d’accidents d’acte médical sont dus aux interventions chirurgicales
Concernant l’attitude que prennent les répondants pour montrer leurs mécontentements:
7,9% ne manifestent aucune attitude
30,5% sollicitent de l’aide pour comprendre ce qui s’est passé
6% signalent aux autorités compétentes
5,6% portent plainte et demandent une réparation
En outre, Madame Lydia Chirimwami, décédée au sein de l'Hôpital Diamant était membre de l’Association pour le bien-être de la femme et naissances désirables (ABEF-ND). Cette pétition précise que le Centre Médical Diamant n’a jamais fourni à ce jour d’explications plausibles sur la cause réelle de la détérioration de l'état de santé ayant conduit à sa mort, bien qu’elle ait été régulièrement suivie par cet établissement hospitalier tout au long de sa grossesse. En vain aussi la démarche de La ligue de la défense des droits des patients qui, informée des circonstances de la mort de Madame Lydia, l’un de ses membres, a dénoncé le Centre Médical Diamant auprès du parquet de grande instance pour négligence coupable et prise en charge inadéquate. Le Centre Médical Diamant n’a pas donné suite aux invitations et réquisitions du parquet.
Prisca Lokale