Le gouvernement congolais, à travers Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre d’État des Affaires étrangères, a exigé de l’Union africaine de répondre efficacement au lieu de simples appels à la retenue face à l’escalade persistante dans l’Est de la RDC, suite à l’activisme de la rébellion de l’AFC/M23, appuyée par le Rwanda.
Dans son exposé présenté ce lundi 29 décembre 2025, lors de la 1321ᵉ réunion ministérielle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, elle a insisté sur la violation de l’accord de Washington qui avait pourtant suscité l’espoir de paix.
"L’Accord de Washington, signé le 4 décembre 2025 par les Chefs d’État de la République Démocratique du Congo et de la République du Rwanda, sous la facilitation des États-Unis d’Amérique, portait l’ambition claire de créer une dynamique de désescalade, de cessation des hostilités et de stabilisation durable dans la région des Grands Lacs. Or, moins de vingt-quatre heures après sa signature, cet Accord faisait déjà l’objet de violations graves et répétées. Des bombardements, l’utilisation de drones explosifs et des avancées coordonnées de la coalition RDF/AFC-M23 ont été signalés et documentés, entraînant l’entrée et la présence armée de la coalition RDF/AFC-M23 à Uvira, dans la plaine de la Ruzizi ainsi que sur plusieurs axes stratégiques du Sud-Kivu", a dénoncé Thérèse Kayikwamba Wagner.
Pour la cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner, ces actes, conçus, coordonnés et exécutés sous le leadership et le commandement militaire du Rwanda, constituent une remise en cause manifeste des engagements librement consentis à Washington.
"Ils démontrent que le cessez-le-feu exigé par cet Accord, ainsi que par la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies, n’a pas été respecté par le Rwanda et ses supplétifs de l’AFC/M23; que les attaques contre les populations civiles se poursuivent ; et que l’accès humanitaire demeure entravé, malgré les recommandations de la Conférence Internationale de Paris qui avait notamment demandé la réouverture de l’aéroport de Goma afin de faciliter l’aide humanitaire. Ils constituent, enfin, une violation caractérisée du droit international humanitaire et des principes consacrés par l’Union africaine, en particulier le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, la non-agression et la proscription de toute ingérence armée", a-t-elle fait remarquer.
Face à cette situation, la RDC appelle le Conseil de paix et de sécurité (CPS), organe décisionnel permanent de l’Union africaine chargé de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits, à assumer pleinement ses responsabilités, notamment en prenant des sanctions appropriées, en assurant la protection des civils, en garantissant un accès humanitaire sans entrave et en adoptant des mesures dissuasives, afin de préserver la paix, la souveraineté et la crédibilité de l’Union africaine.
"La République Démocratique du Congo a pris note des communiqués publiés par la Commission de l’Union africaine les 4 et 11 décembre 2025, appelant les parties à la retenue et réaffirmant l’attachement de notre Organisation aux principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des États. Toutefois, les développements intervenus immédiatement après ces appels démontrent que la retenue unilatérale ne saurait constituer une réponse adéquate face à des violations caractérisées, persistantes et dûment documentées. Lorsque les appels à l’apaisement sont suivis d’actes d’agression armée, l’exigence de crédibilité impose une réponse plus ferme. À cet égard, il est significatif de relever que le facilitateur du processus de Washington lui-même a publiquement exprimé sa profonde préoccupation et sa déception face aux violences survenues immédiatement après la signature de l’Accord", a plaidé la cheffe de la diplomatie congolaise.
Cette réunion consacrée à la situation sécuritaire et humanitaire préoccupante dans l’Est de la République démocratique du Congo intervient dans un contexte marqué par de violents combats sur plusieurs fronts dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, opposant les forces gouvernementales à la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda. L'UA qui peine jusqu'à ce jour à reconnaître le Rwanda comme pays agresseur de la RDC, tient cette réunion quelques semaines après l’entérinement des accords de Washington par les présidents Félix Tshisekedi de la RDC et Paul Kagame du Rwanda, sous les auspices de l’administration Trump.
Si le processus de Washington semble avoir connu une accélération formelle avec l’entérinement de ces accords par les deux chefs d’État, en présence du président américain, les discussions de Doha entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, peinent à enregistrer des avancées concrètes. Ces négociations, censées compléter les accords de Washington en abordant les causes profondes du conflit notamment la restauration de l’autorité de l’État et la réintégration des groupes armés demeurent, pour l’instant, largement au point mort, sans progrès concret depuis la signature de l’accord-cadre sous l’égide de l’État du Qatar.
Cette inertie a favorisé la reprise de violents affrontements entre l’AFC/M23, appuyée par le Rwanda, et les forces gouvernementales, entraînant l’occupation de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu. Cette prise de contrôle avait suscité de vives condamnations internationales, visant principalement Kigali, notamment de la part des États-Unis. Sous la pression internationale, la rébellion de l’AFC/M23 a annoncé son retrait d’Uvira, affirmant vouloir donner une chance aux processus de paix. Toutefois, quelques jours plus tard, la représentante américaine au Conseil de sécurité des Nations unies a rappelé la nécessité d’un retrait effectif et vérifiable, à une distance d’au moins 75 kilomètres de la ville.
Clément MUAMBA