Accaparement des rendez-vous au Centre Européen des Visas : la Belgique annonce la traque contre les agences et intermédiaires véreux

Photo d'illustration
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Depuis plusieurs mois, à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, de nombreux congolais rencontrent de grandes difficultés pour obtenir un visa pour voyager en Europe. Au cœur des critiques figure le Centre Européen des Visas (CEV, ex-Maison Schengen), géré par l’ambassade de Belgique et chargé de centraliser les demandes pour plusieurs pays européens. Beaucoup estiment que l’institution ne parvient plus à répondre efficacement aux besoins des requérants.

Selon de nombreux témoignages, un processus autrefois accompli en quelques semaines est devenu un véritable parcours du combattant. Les délais pour obtenir un rendez-vous peuvent atteindre trois à quatre mois, contre deux semaines il y a encore quelques années. Les demandeurs dénoncent également la commercialisation illégale de rendez-vous, un phénomène devenu courant.

Face à ces critiques, Joris Salden, Directeur général des affaires consulaires au SPF Affaires étrangères (Belgique), et Freddy Roosemont, Directeur général de l’Office des Étrangers, ont tenu une conférence de presse jeudi 13 novembre 2025 au siège de l’ambassade de Belgique à Kinshasa pour faire le point sur la situation et annoncer une série de mesures.

« Nous libérons 1 000 rendez-vous par semaine»

Joris Salden assure que le problème ne provient pas d’une insuffisance de rendez-vous :

"J’entends dire qu’il n’y a pas de rendez-vous. Ce n’est pas vrai. Nous libérons chaque semaine 1 000 rendez-vous. Et nous allons encore augmenter ce chiffre de 25 % dans l’année à venir"a-t-il annoncé d'entrée de jeu de sa communication.

Il insiste également sur l’importance des visas de longue durée :

"Un rendez-vous, c’est bien, mais ne pas en avoir besoin, c’est mieux. Plus de la moitié des visas délivrés sont des visas de long séjour, valables un an, deux ans, jusqu’à cinq ans si le passeport le permet. Avec ce visa, vous pouvez voyager quand vous voulez en Europe. C’est pratique, et cela réduit notre charge de travail. Nous ne sommes pas là pour faire du chiffre : nous voulons que les gens voyagent correctement".

Selon lui, 55 % des visas délivrés l’année dernière étaient des visas à entrées multiples. Il rappelle toutefois que beaucoup de demandeurs confondent “durée de validité” et “durée de séjour” :

"Oui, vous avez un visa valable trois ans. Mais cela ne vous permet pas de rester trois ans en Europe. Vous pouvez y séjourner trois mois par semestre. Pour rester plus longtemps, il faut d’autres types de visas : études, travail, regroupement familial" a-t-il expliqué

Une explosion des demandes : 15 000 auparavant, 78 000 aujourd’hui

Le nombre de demandes a bondi après la réforme du système :"Avant, nous traitions 15 000 demandes par an. Depuis 2023, nous en avons traité 78 000. Pour moi, un visa est une porte d’entrée, pas une porte qui doit rester fermée. Je n’ai aucun problème avec les demandes légitimes"

Rendez-vous revendus : le diplomate dément toute implication du CEV

Malgré ces améliorations, le problème des rendez-vous persiste. Joris Salden réfute fermement les accusations selon lesquelles le CEV vendrait des rendez-vous :

"Le CEV n’a aucun accès à la plateforme des rendez-vous. Elle est gérée à Bruxelles. Le CEV ne peut donc pas vendre de rendez-vous : c’est techniquement impossible. Si quelqu’un vous vend un rendez-vous, portez plainte : il vous arnaque"a-t-il recommandé dans son intervention. 

« Des agences accaparent tous les rendez-vous en moins de 30 secondes »

Après des analyses poussées, il affirme que des agences de voyage et intermédiaires utilisent des systèmes automatisés (“bots”) pour s’emparer de tous les rendez-vous, dès leur mise en ligne.

"Nous mettons en ligne 1 000 rendez-vous à 2 heures du matin. En 30 secondes, tout disparaît. Aucun humain ne peut cliquer 1 000 fois en 30 secondes. Nos analyses montrent que 4 à 5 entités accaparent tout. C’est totalement injuste", a-t-il dénoncé dans sa communication

Il dénonce un phénomène qui empêche les citoyens lambdas d’accéder eux-mêmes au système :

"Il est absolument anormal qu’un citoyen ne puisse pas, lui-même, prendre un rendez-vous. Avec l’aide des autorités congolaises et de la DGM, nous allons nous attaquer à ces agences" a annoncé le diplomate Belge

Faussaires et faux documents : « Ce sont les requérants qui paient le prix »

Ces agences créent, selon lui, un double problème : elles bloquent les rendez-vous mais aussi elles introduisent des dossiers remplis de faux documents, souvent à l’insu des demandeurs.

"Elles vous promettent rendez-vous et visa. Elles ne sont pas capables d’obtenir un visa. Et dans de nombreux dossiers, nous trouvons des faux documents. Résultat : refus automatique, et le requérant devient victime, car un refus pour fraude rend tout futur visa beaucoup plus difficile" a-t-il fait savoir

La Belgique veut désormais responsabiliser les victimes et renforcer les poursuites :

"Nous nous sommes mis d’accord avec la DGM : toutes les personnes à qui nous refusons un visa pour cause de faux documents doivent porter plainte non pas contre le CEV ou l’ambassade, mais contre les intermédiaires véreux. Ce sont eux les escrocs"dit-il dans son intervention

Sécurisation du système : de nouvelles mesures en préparation

La Belgique promet d’améliorer la sécurité du système des rendez-vous tout en maintenant un accès automatisé et impartial :

"Nous avons réfléchi à d’autres solutions. Nous ne voulons pas de loterie, ce serait injuste. Le système restera automatique, mais nous allons le renforcer et lancer la traque contre les intermédiaires. Dès qu’un service devient payant, ce n’est plus un service, mais un commerce illégal" a soutenu le diplomate Belge

Kinshasa est doté d’un Centre Européen des Visas, géré par l’Ambassade de Belgique à Kinshasa. Le Centre Européen des Visas (C.E.V.) à Kinshasa est un centre commun de réception des demandes de visas conformément au code des visas.

Cette coopération entre plusieurs États Schengen a été créée comme initiative belgo-portugaise, cofinancée par le Fonds pour les frontières extérieures de l’Union européenne. Elle est dirigée par la Belgique et opérationnelle depuis le 5 avril 2010. Avant le 8 mars 2019, elle portait le nom « Maison Schengen ».

Plusieurs Etats participants ont à ce jour demandé la Belgique d’examiner les demandes et de délivrer les visas court séjour pour leur compte. Les demandes de visa sont traités par le service visa de l’Ambassade de la Belgique ou le Consulat général de Belgique et l’Office des Etrangers (ODE), ce dernier étant l’autorité compétente pour le droit de séjour en Belgique.

Clément MUAMBA