Une équipe mobile du centre de capture pour passeport biométrique congolais est en mission dans la région de Beni-Butembo depuis plusieurs jours. De nombreux requérants se présentent afin d’obtenir ce document officiel essentiel dont le prix officiel est fixé à 75 USD à payer à la banque. Mais sur le terrain, plusieurs frais supplémentaires rendent le document presque inaccessible dans une région où la vie est davantage compliquée à cause de la guerre. Les requérants déplorent ce qu’ils qualifient de « tracasserie normalisée ».
« Quand tu arrives au centre de capture tu dois d’abord faire :
-Enregistrement : 20 USD
-Alignement : 20 USD
-Audition à l’ANR : 30 USD
-Capture des données biométriques : 40 USD
-Frais de retrait à la réception du passeport : 10 USD
Au total : environ 195 USD, soit plus du double du prix officiel. Il y a ceux qui payent jusqu’à 225 USD pour avoir un passeport », renseigne Kambale Ilunga, habitant de Beni.
Cette situation suscite un mélange d’espoir et de désillusion parmi les demandeurs. Pour beaucoup, le passeport représente une porte d’entrée vers des opportunités non seulement à l’étranger mais aussi pour les mouvements vers la capitale congolais où pour y arriver il faut désormais transiter par d’autres pays, suite à l’occupation des rebelles de l’AFC/M23 soutenus par le Rwanda.
« Nous vivons déjà sous le poids de la guerre et ces frais supplémentaires sont comme un double fardeau. Le gouvernement devrait intervenir pour que le passeport coûte réellement ce qui est annoncé. », plaide Jean Paul Muhindo Makali, habitant de Beni.
Le centre de capture installé temporairement à Beni reçoit les demandeurs venus même des zones sous contrôle de l’AFC/M23.
« Quand j’ai appris qu’il y a un centre de capture à Beni, je me suis précipité parce que ces derniers temps c’est très difficile de voyager. Tu quittes Goma avec un document (tenant lieu de passeport, ndlr) qui coûte 45 USD à l’époque parce qu’aujourd’hui les rebelles ont ramené le prix à 25 USD. Ce document sera déchiré à Kasindi pour que tu entres dans la zone sous contrôle de notre gouvernement. Il faut avoir un passeport pour rentrer ou soit tu achètes un autre document de 45 USD pour rentrer à Goma, alors dites-moi avec cette crise économique que nous vivons à Goma, pas de travail, pas de banque, certaines organisations humanitaires ne fonctionnent plus, pourquoi c’est notre gouvernement qui doit nous tracasser à ce point ? Les agents devraient même voir si nous sommes en quelle période pour ajouter des frais supplémentaires non publiés par l’Etat congolais. Je suis rentré sans mon passeport après avoir payé 210 USD. Donc j’attends qu’on l’envoie pour que je puisse payer encore les frais de retrait », a dit à ACTUALITE CD, Solange Nsimire, entreprenante à Goma.
Des voix s’élèvent pour dénoncer cette pratique qui constitue qui s’apparente à un « racket officiel » aggravant les souffrances des habitants.
« Le gouverneur doit mettre fin à cette tracasserie au centre de capture des passeports à Beni. C’est inadmissible d’infliger ça à cette population déjà fragilisée par la guerre », a déploré Jean Paul Waotswalo, notable du Nord-Kivu.
Cette situation n’est pas nouvelle. A Kinshasa également, le nouveau passeport s’obtient à des prix variés allant jusqu’au-delà de 200 USD. En dépit des multiples plaintes, rien n’est fait pour que ce document revienne au prix officiel de 75 USD.
Yvonne Kapinga