Injections et BBL à Kinshasa : attention aux risques sous-estimés

Dossier BBL
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Les injections esthétiques et le Brazilian Butt Lift (BBL) séduisent de plus en plus de femmes à Kinshasa. Sur les réseaux sociaux comme dans les instituts de beauté, ces pratiques sont présentées comme des solutions rapides pour remodeler le visage ou le corps. Mais derrière cette tendance, les spécialistes alertent sur les dangers médicaux et dermatologiques liés à une mauvaise pratique.

Dans cet entretien, Dr Patrick Nkosi, dermatologue depuis trois ans aux Cliniques Universitaires de Kinshasa (CUK), revient sur les conséquences dermatologiques liées à ces pratiques.

A quel âge peut-on commencer les injections esthétiques ?

Les injections ne devraient pas être pratiquées avant l’âge de 21 ans. Avant cette période, la peau n’a pas encore terminé sa maturation : le collagène, l’élasticité et la structure du derme continuent d’évoluer. Injecter trop tôt peut perturber cet équilibre naturel et provoquer des déformations ou des réactions cutanées imprévisibles. Je conseille toujours de laisser le temps au corps de se stabiliser avant d’envisager un acte esthétique.

Existe-t-il des restrictions ou contre-indications médicales ?

Oui, et elles sont nombreuses. Les femmes enceintes, les personnes souffrant d’infections cutanées, de maladies auto-immunes ou de troubles de la coagulation doivent impérativement éviter les injections.

Par ailleurs, il faut être très vigilant avec les allergies et les antécédents médicaux.

Je rappelle aussi qu’aucune injection ne doit être pratiquée dans un salon de beauté ou à domicile, sans supervision médicale. Les risques d’infection, de nécrose ou de complications vasculaires sont trop élevés.

Qu’en est-il du climat de Kinshasa ? Peut-il influencer les résultats ?

Absolument. Le climat tropical de Kinshasa (chaleur, humidité, transpiration) a un impact direct sur la peau.

Après une injection, les vaisseaux sont dilatés et la peau est plus sensible. Sous nos températures, cela peut favoriser les œdèmes, les inflammations et parfois des réactions allergiques. Je recommande d’éviter toute injection en période de forte chaleur et d’assurer un suivi dermatologique rigoureux après l’acte. Il faut aussi bien hydrater la peau et éviter toute exposition solaire prolongée.

Que se passe-t-il à moyen et long terme après des injections répétées ?

À moyen terme, on peut observer des migrations de produit, des fibroses ou des nodules sous la peau. Quand les produits sont mal injectés ou de mauvaise qualité, ils peuvent se déplacer et créer des déformations.

À long terme, le risque est encore plus sérieux : la peau perd sa souplesse naturelle, les tissus s’affaiblissent et la personne devient dépendante aux retouches esthétiques. Une injection, ce n’est pas un simple geste cosmétique : c’est un acte médical qui engage la santé cutanée sur la durée.

Certains produits sont injectés directement dans les veines, est-ce que c’est sans danger ?

Injecter dans une veine est extrêmement dangereux. Ce type d’erreur peut provoquer une embolie graisseuse ou vasculaire, parfois mortelle. C’est pourquoi seuls des médecins formés, disposant d’un environnement stérile et du matériel approprié, doivent pratiquer ce genre d’actes.

Un dermatologue ou un médecin esthétique doit toujours vérifier l’origine, la traçabilité et la composition du produit avant toute injection.

Quel message adressez-vous aux Kinois et Kinoises séduits par ces pratiques ?

Je leur dirais ceci: la beauté ne doit jamais primer sur la santé. Les tendances esthétiques passent, mais les complications, elles, peuvent rester à vie. Avant toute injection, il faut s’informer, consulter un professionnel qualifié et exiger un produit certifié.

Enfin, il faut comprendre que chaque peau est unique. Ce qui fonctionne chez une influenceuse ou une amie ne conviendra pas forcément à une autre. La prudence est la meilleure garantie de beauté durable.

Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka