Chirurgie esthétique : à Kinshasa, une clinique poursuivie en justice après la mort d’une femme à la suite d’une liposuccion

Dossier BBL
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Les opérations de chirurgie esthétique font déjà des victimes à Kinshasa. En effet, une plainte a été déposée en octobre dernier au Tribunal de grande instance de la Gombe par la famille de Madame Laetitia Kifwame Lubo, décédée à la suite d’une liposuccion pratiquée à la clinique Le Jourdain, dans la commune de la Gombe.

Selon les documents consultés par ACTUALITE.CD, la mère de famille s’était rendue, le mardi 7 octobre 2025, seule et sans en informer ses proches, dans ce centre médical situé sur l’avenue Haut-Commandement n°308, quartier Batetela. Elle devait y subir une liposuccion des cuisses et des mollets. Convaincue d’être entre de bonnes mains, Laetitia Kifwame Lubo aurait donné son consentement à l’équipe médicale du centre dirigée par une certaine « Dr ML Malonda ».

D’après le chauffeur de la victime, Mme Laetitia est arrivée dans les locaux de la clinique vers midi. Elle n’en est ressortie que tard dans la soirée, après entre 22h00 et « visiblement affaiblie », précise son entourage.

« Aucune assistance médicale ne lui aurait été fournie à la sortie, ni recommandation post-opératoire claire. Rentrée chez elle, la mère de famille a passé la nuit seule. Le drame s’est produit dans la nuit du 7 au 8 octobre. Vers 5h30 du matin, sa fille de 17 ans a tenté de la réveiller, avant de la retrouver inerte, allongée au pied du lit », confient ses proches.

La victime est alors transportée d’urgence à l’hôpital Ngaliema Center. Mais les médecins ont seulement constaté son décès. Des pansements encore tachés de sang entouraient ses cuisses et ses mollets, confirmant qu’elle venait de subir une intervention chirurgicale.

« Laeticia est décédée seulement quelques heures après son intervention. L’autopsie a même révélé qu’elle serait vidée de son sang dans tout le corps », souligne la famille de la défunte.

Une plainte pour des éclaircissements

Les proches de la défunte, par le biais des avocats, exigent des éclaircissements. « Le centre Le Jourdain dispose-t-il d’une autorisation officielle du Ministère de la Santé ? La prétendue “Dr Malonda” détient-elle un diplôme, un numéro d’ordre et une autorisation d’exercer ? Si oui, pourquoi refuse-t-elle de s’expliquer publiquement, ni auprès de la famille, ni auprès des autorités ? », s’interrogent les proches de la défunte.

La famille évoque également des manquements graves au protocole médical : absence d’hygiène adéquate, non-respect de la période d’observation post-opératoire, absence de suivi, et publication présumée d’images intimes de la patiente sur les réseaux sociaux, avant qu’elles ne soient supprimées.

Le dossier déposé au tribunal contient plusieurs pièces. Une conversation WhatsApp entre la victime et le centre, attestant des échanges préparatoires à l’opération, une facture de paiement portant le cachet et les coordonnées de la clinique (3.000 $), et surtout, l’absence d’ordonnance ou de prescription post-opératoire dans les effets personnels de la défunte, ce qui interroge sur le sérieux du suivi médical.

Le silence de la clinique

Le sigle “Docteure ML” est associé à plusieurs pages sur les réseaux sociaux, principalement sur Tik Tok et Instagram. Sur Tik Tok ce compte détient 126.900 abonnés, avec plus de 757.000 j’aime. Ici, la prestataire nommée “Mélanie Malonda” confie qu’elle travaille pour la “Clinique Le Jourdain”. Elle poste régulièrement des séquences vidéo de ses services telles que “Liposuccion ventre et dos, injections brûle graisse, suivi postopératoire de chirurgie esthétique depuis décembre 2023. Sur Instagram, le même compte est appelé “Docteure Mal”, avec plus de 6700 abonnés. Ici, la biographie de l’auteure précise qu’elle est médecin en chirurgie esthétique, MD tandis que le compte de la clinique Le Jourdain possède plus de 13.000 abonnés sur Instagram.

ACTUALITE.CD a tenté à plusieurs reprises de recueillir la version de la clinique Le Jourdain et de la Dr ML Malonda. Les appels sont restés sans suite, plusieurs messages laissés sur les différents canaux de communication de la clinique ou de Docteure ML sont restés sans réponse, et lors de la visite de notre rédaction sur place, les agents rencontrés à la réception ont indiqué que « la personne habilitée à s’exprimer n’était pas sur place ». Nos coordonnées ont été laissées, mais aucune relance ni réponse n’a été donnée sept jours plus tard.

Par ailleurs, lors de la descente sur le site de la clinique, le reporter d’ACTUALITE.CD a constaté que rien n’est écrit à l’extérieur comme à l'intérieur de la parcelle abritant la clinique. Néanmoins, sur les tenues du personnel était inscrit “Clinique Le Jourdain”.

La mort de Laetitia Kifwame Lubo vient ainsi raviver le débat sur la responsabilité médicale et la nécessité d’une réglementation stricte du secteur, alors que de nombreuses cliniques opèrent encore de manière informelle.

Prisca Lokale