Les lieutenants de Joseph Kabila, y compris ceux qui s’étaient jusque-là murés dans le silence, ont brisé l’omerta après la condamnation de leur leader à la peine de mort prononcée mardi par la Haute Cour militaire, notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel. Parmi les voix qui s’élèvent, celle de Bruno Tshibala, dernier Premier ministre sous Kabila, qui dénonce une décision fondée sur des éléments qu’il qualifie de « suppositions inconséquentes ».
Resté fidèle à l'ancien chef de l'État, l'ex-locataire de la Primature présente cette condamnation comme dépourvue de preuve irréfragable, et questionne sur la suite des événements quand il énumère les problèmes auxquels fait face le pays, dont celui de la réconciliation nationale.
« Dans le contexte général actuel, marqué par des crises multiformes, l'absence de l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national, l'impérieuse nécessité de rechercher et de retrouver la paix mieux la paix des braves en vue d'aboutir à la réconciliation nationale espérée, le procès organisé contre le Président de la République honoraire Joseph Kabila suivi de sa condamnation à mort, procès au cours duquel aucune preuve irréfragable n'a été fournie hormis des suppositions inconséquentes est incontestablement contraire aux objectifs poursuivis », écrit Bruno Tshibala Nzenze.
L'ancien UDPS, désavoué pour avoir accepté le poste de Premier ministre en 2017, rappelle l'événement inédit de l'alternance au pouvoir, dont Kabila était l'artisan en janvier 2019 en passant le bâton de commandement à Félix Tshisekedi dans le respect de la constitution. Pour lui, ceci fait de « Joseph Kabila une référence et un homme politique qui fait l'honneur du Congo. Il fallait, il faut en tenir compte. »
Pour Aubin Minaku, ancien président de l'Assemblée nationale et membre influent de la Kabilie, la condamnation à mort de Joseph Kabila, au pouvoir pendant 18 ans, est une erreur judiciaire manifeste et majeure. Sur X, lundi, Minaku Ndjala Ndjoko a estimé que la sentence infligée au sénateur à vie « va marquer négativement les annales du droit des crimes internationaux en ce 21ème siècle », soulignant son impact négatif sur les différents processus de paix enclenchés.
Dans sa décision, la Haute cour militaire a épousé les allégations portées contre Joseph Kabila. Elle affirme qu’à Goma comme à Bukavu, il tenait de « véritables réunions d’état-major pour la conduite des hostilités », qu’il procédait à des « inspections dans des centres d’instruction » des rebelles de l’AFC/M23, et qu’il avait été « le chef incontesté de tous les mouvements rebelles qu’a connus le pays depuis la rébellion de Mutebusi ». La Cour le qualifie de « chef de la coalition AFC/M23 ».
Concernant les débats autour de sa nationalité, les parties civiles avaient présenté Joseph Kabila comme « Rwandais ». La Cour s’est déclarée incompétente sur cette question, renvoyant ces demandes devant le gouvernement et précisant qu’elle ne statuerait que « sur la personne et les faits ». La Haute cour militaire a aussi rejeté la demande de mise sous séquestre des biens de Joseph Kabila formulée par l’auditeur général des FARDC.
Samyr LUKOMBO