Dans la province de la Tshopo, en République démocratique du Congo RDC, le Programme de mise en valeur des savanes et forêts dégradées (PSFD) s’attaque à un double défi : préserver les écosystèmes tout en dynamisant l’économie locale. L’initiative repose sur un mécanisme innovant, les alliances productives, qui redéfinissent les relations entre paysans et opérateurs économiques. « L’idée est simple, mais révolutionnaire : un partenariat pour garantir des revenus tout en responsabilisant les producteurs », souligne Willy Makiadi Mbunzu, coordonnateur national du PSFD.
Les alliances productives, ou AP, regroupent des organisations paysannes et des entrepreneurs agricoles dans une dynamique de coopération et d’interdépendance. Les paysans, réunis en coopératives, reçoivent un appui technique et financier partiel pour la production, tandis que les entrepreneurs assurent la transformation et la commercialisation des produits. Ce modèle, financé par l’Agence française de développement (AFD) à hauteur de 15 millions de dollars pour un programme de quatre ans, impose également une participation directe des bénéficiaires, qui prennent en charge 50 % des coûts, renforçant leur implication et leur autonomie.
En deux ans et demi d’exécution, 3 500 hectares de terres dégradées ont été réhabilités grâce à des pratiques agroforestières et agroécologiques. « Nous sommes passés d’une agriculture de subsistance à une véritable organisation qui améliore nos rendements », témoigne Élysée Angbongi, paysanne de 38 ans. Sous l’impulsion du PSFD, les alliances productives s’orientent vers la transformation des champs en coopératives, conformément aux normes OHADA. L’objectif est de garantir une viabilité économique à long terme tout en respectant les équilibres environnementaux.
À ce jour, 26 alliances productives ont vu le jour dans la province de la Tshopo, et des projets similaires sont en cours dans le Kwilu. Ces initiatives associent cultures vivrières, comme le maïs, à des cultures pérennes (cacao, café, palmier à huile), pour assurer des revenus immédiats aux producteurs tout en préservant les sols. Le maïs, par exemple, sert à stabiliser financièrement les paysans en attendant que les plantations de cacao arrivent à maturité.
Le programme va au-delà de l’appui technique. Les alliances productives encouragent une gestion responsable des ressources forestières, essentielle dans une région où la déforestation menace la biodiversité. « Nous voulons éviter que les communautés agricoles continuent de pratiquer une culture itinérante qui appauvrit les sols et détruit les forêts », précise Willy Makiadi Mbunzu. Cette transition repose sur une formation continue et sur l’intégration des paysans dans un schéma économique structuré.
En parallèle, le PSFD s’efforce de renforcer les capacités institutionnelles locales et de promouvoir des mécanismes de financement adaptés, comme les crédits agricoles, encore peu développés en RDC. Les retombées positives du programme, tant économiques qu’environnementales, encouragent déjà une réflexion sur son extension à d’autres provinces du pays.
Avec ce modèle, la RDC peut ambitionner de montrer qu’il est possible de conjuguer protection de l’environnement et développement économique local, tout en répondant aux besoins urgents des populations rurales. Une vision pragmatique et innovante qui, si elle réussit à s’étendre, pourrait bien inspirer d’autres pays d’Afrique centrale.
La semaine en 7 articles, nouvelle série ACTUALITE.CD
Cacao, maïs, huile de palme, emploi : et si la Tshopo tenait les clés de son avenir économique ?
Cette semaine, ACTUALITE.CD vous plonge au cœur des initiatives concrètes et des défis majeurs qui pourraient transformer la Tshopo en un moteur économique de la RDC.
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