Économie de la culture : le marché du cinéma congolais, une mine d'or inexploitée

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La onzième édition du Festival International de Cinéma de Kinshasa (FICKIN) se tient jusqu’au dimanche 6 octobre. Les festivités se déroulent autour de la projection de films, d’ateliers et de rencontres professionnelles, principalement à l’Institut Français de Kinshasa et à l’Académie des Beaux-Arts. C’est l’occasion de revenir sur le marché du cinéma congolais, son état des lieux et ses perspectives.

À la différence du cinéma nigérian et sud-africain, le cinéma congolais patauge encore dans l’autofinancement, non par choix mais par manque de structuration du secteur pour faciliter la création. Cela rend inexistante l’industrie congolaise du septième art et son marché, selon plusieurs cinéastes, ce qui fait perdre des millions à l’économie du pays.

"Dans notre pays, les films se font à 90 % avec les moyens du bord. Ceux qui aiment le cinéma mettent leurs moyens en jeu pour produire des films. Dans ce sens-là, je ne peux pas dire qu’il y a un marché. Pour parler de marché, il faut qu’il y ait une industrie", explique Kadhafi Mbuyamba, chargé de la sélection et de la programmation du FICKIN.

La RDC dispose pourtant d’un patrimoine culturel exceptionnel, qui se prête bien à la création cinématographique. Cependant, le cinéma congolais, avec tout son potentiel, peine à s’imposer sur la scène internationale. Ce secteur, souvent négligé, cache une véritable mine d’or économique laissée pour compte.

Un seul festival ne créera pas ce marché, assure Kevin Mavakala, directeur du FICKIN. Mais, se réjouit-il, des progrès ont été réalisés en termes de participation de films congolais au FICKIN : "On en a 19 cette année, contre 3 ou 4 la plupart du temps", dit-il, avant d’ajouter : "Il y a des gens qui travaillent, il y a de l’évolution, mais l’industrie en soi n’existe pas encore."

En moyenne, un court-métrage coûte autour de 10 000 USD, et un long-métrage environ 20 fois plus. Ce que l’autofinancement ne pourra pas toujours couvrir. "Un projet de film à 400 000 USD est à petit budget", souligne Kevin Mavakala. C’est à partir de 800 000 USD et plus que les projets de films peuvent se concrétiser dans les règles de l’art. Le travail implique l’intervention d’une cinquantaine de métiers.

Cependant, quelques initiatives naissent peu à peu chez les cinéastes pour pallier ce problème de financement, comme Lisapo Film Lab ou FICKIN Industrie, qui forment et accompagnent des projets jusqu’à leur aboutissement.

Les freins au développement du cinéma congolais

Malgré l’absence d’une véritable industrie, il existe des films de qualité qui représentent le pays à l’international. "C’est généralement des films qui ont reçu des financements de l’extérieur", soutient Kadhafi Mbuyamba.

Pour que le cinéma congolais puisse s’épanouir pleinement, il est nécessaire de mettre en place des politiques publiques ambitieuses et de mobiliser les investissements privés. Parmi les défis auxquels le cinéma congolais est confronté figurent le manque de financement, l’absence d’infrastructures, comme les salles de cinéma, peu nombreuses et mal équipées, ainsi que le piratage numérique, qui menace la rentabilité des films et complique l’accès aux marchés internationaux.

Le cinéma est un puissant levier de développement économique. Il crée des emplois, stimule la créativité et contribue à promouvoir l’image du pays à l’étranger. En investissant dans ce secteur, les décideurs politiques et les investisseurs privés peuvent contribuer à la diversification de l’économie et à la réduction de la pauvreté.

Le public : une ressource sous-exploitée

La RDC dispose d’une population jeune et dynamique. Les plateformes de streaming ont démocratisé l’accès au cinéma, suscitant une demande croissante pour des contenus locaux. Les histoires racontées par les cinéastes congolais trouvent un écho particulier auprès du public, qui se reconnaît dans ces récits.

"Nous avons un public adorable, un public très grand consommateur d’images et de sons. Seulement, c’est à nous de structurer les choses pour parvenir à lui offrir ce produit. Parce qu’il le fait déjà avec des images et des sons dans lesquels il ne s’identifie pas. Je suis sûr qu’il peut dépenser double pour ce qui lui ressemble", souligne Kevin Mavakala, directeur du FICKIN.

Toutefois, Wetshi Michel, membre du jury des films documentaires de la 11ème édition du FICKIN, soulève un autre problème : celui de la distribution. "On est buté devant un problème de distribution des produits cinématographiques parce qu’il y a une étape où tout s’arrête après la réalisation d’un film. Cela demande que les opérateurs culturels entrent en jeu", explique-t-il.

Kuzamba Mbuangu