Interpellation de Koffi Olomide : “tant que ses propos n’ont pas incité les troupes à la désertion ou à la démoralisation, l'artiste a fait usage de sa liberté de pensée” (Me Glody Muabila, coordonnateur de l’Adaco)

ACTUALITE.CD

L'artiste chanteur congolais Koffi Olomidé est au cœur d’un débat public depuis un peu plus d’une semaine, parti de son passage à la RTNC, dans l’émission Le panier The Morning Show. Ses propos sur la situation sécuritaire de la RDC dans sa partie Est, lui ont coûté une interpellation au niveau du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) et au au parquet général près la cour de cassation.

Pour ce qui est du CSAC, il s’y est rendu et au sortir, Koffi a indiqué que la séance était plus pédagogique qu’autre chose. Bien compris avec les instructeurs, il lui a quand même été demandé de mesurer ses propos au vu de son titre d’ambassadeur de la rumba congolaise. Au parquet, il est attendu ce lundi 15 juillet.

Cependant, dans la sphère culturelle, juridique et journalistique, les avis sont partagés. A ACTUALITE.CD, Maître Glody Mubalia, avocat au barreau de Kwilu et actuel coordonnateur de l’Administration des Droits d’Auteurs au Congo (Adaco) rappelle que Koffi n’a commis aucune infraction dans ses propos.

“ Ce n'est pas une infraction de dire qu'il n'y a pas guerre en République Démocratique du Congo. Le droit de croire et de ne pas croire est une liberté fondamentale qui est aux antipodes de la pensée unique. Pourquoi ne peut-on pas interpeller un professeur de droit international public à l'Unikin qui donne un travail pratique à ses étudiants en leur disant que les conditions prévues par la Constitution ne sont pas réunies pour parler de la guerre dans l'Est RDC ? ”, s’interroge-t-il.

En effet, lors de son passage à l'émission Le panier, Koffi Olomide a réagi à l'agression rwandaise et à l'avancée des troupes du M23 dans le Nord-Kivu en déclarant : « Il n'y a pas de guerre. Nous sommes tapés. On nous gifle. On fait de nous ce qu'on veut. J’ai vu les camions de ces gens-là qui viennent tranquillement et personne pour les empêcher. J’ai vu que nos militaires vont à la guerre à moto. J’ai des larmes. Il n’y a pas de guerre. On nous traite comme des enfants. La guerre, c’est quand on tire, nous nous répliquons ».

La lettre de convocation du CSAC indique que cette démarche est conforme à l’article 62 alinéa 1er de la Loi organique n°11/001 du 10 janvier 2011. Aussi, l’artiste serait en violation de la même Loi organique et de la Directive du CSAC relative aux émissions sur le déroulement des opérations militaires au front. L’autorité de régulation des médias lui reprochait d’avoir tenu “des propos de dénigrement et de démobilisation des troupes des FARDC engagées au front”.

La Loi n°11/001 du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et de la Communication l'oblige à veiller à la diffusion de la culture de la paix, de la démocratie, des Droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que les informations favorisant le développement socio-économique. 

“ Encore que nous devons nous interroger si les propos de l’artiste musicien Koffi Olomidé porte atteinte à la culture de la paix. Pour ma part, tant que ses propos n'ont pas incité à la violence, à l’apologie du crime, à la dépravation des mœurs, à la rébellion, mieux n’ont pas incité les troupes à la désertion ou encore à la démoralisation, l'artiste Koffi Olomidé a fait usage de sa liberté de pensée ”, a ajouté Maître Glody Muabila.

Côté journalistes, Onassis Mutombo, journaliste et coordinateur du Réseau des Journalistes Culturels pour le Développement Durable, indique d’abord que cette affaire est un ras-le-bol populaire sur ce qui se passe dans la partie Est du pays.

“ Il est important que les leaders d’opinion en parlent pour montrer non seulement aux gestionnaires de la chose publique congolaise qu’il y a nécessité de trouver des solutions définitives ; mais aussi à ceux-là qui font vivre cette flamme, tel que le Rwanda comme partie visible de l’iceberg et les multinationales qui sont en Amérique, en Europe, que la RDC tient à son intégrité territoriale. Koffi savait qu’il allait toucher les cordes sensibles pour alerter sur la situation”, a-t-il dit à ACTUALITE.CD

Onassis pense que la démarche de l’organe de régulation des médias est bonne. “ Nous sommes un pays agressé mais cela ne peut pas laisser place aux dérapages, il veille à la mentalité actuelle des congolais et du pays. Et si le CSAC juge que le discours ne tient pas avec la politique intégrale du pays, il est dans ses droits d’interpeller”, dit-il.

Ensuite, le directeur général du média en ligne Arts.cd attire l’attention des journalistes sur leur responsabilité face aux invités lors des interviews, émissions, etc. dans le respect du code d’éthique et déontologie du journaliste congolais. “ Dans tous les pays du monde, il y a une ligne de conduite à suivre surtout pour un pays agressé”, précise-t-il.

Il trouve par ailleurs, la décision de la direction générale de la RTNC de suspendre le journaliste Jessy Kabasele et son émission de “injuste”.

Cette interpellation de Koffi Olomidé a été largement commenté dans la communauté congolaise. Parmi les quelques réactions, La coalition Lamuka, Justicia Asbl, Maître Hervé Diakese et bien d’autres ont trouvé la démarche du CSAC restrictive de la liberté d’expression, soutenant les propos de l’artiste.

Kuzamba Mbuangu